I - Les étapes législatives et réglementaires d'une généralisation du contrat de transition professionnelle
A ce jour, le contrat de transition professionnelle s'applique dans dix-huit bassins : depuis le 19 novembre 2008, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Toulon et Valenciennes ; depuis le 1er février 2009, Le Havre et Niort ; depuis le 1er mars 2009, Calais, Châteauroux, Châtellerault, Douai, l'Etang de Berre et Mulhouse ; depuis le 1er juin 2009, Auxerre, Dreux, Les Mureaux-Poissy, Saint-Quentin et la Vallée de l'Arve ; depuis le 12 juillet 2009, Hagetmau ; depuis le 1er octobre 2009, Briey-bassin houiller, Marne moyenne, Thiers et Saint-Etienne.
La mesure a donné lieu à une impressionnante activité normative aussi bien réglementaire que législative.
A - Période 2006-2008
Prise en application de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, pour le retour à l'emploi (N° Lexbase : L8128HHI) (2), l'ordonnance du 13 avril 2006 a mis en place, à titre expérimental, dans sept bassins d'emploi, le CTP. Destiné aux personnes dont le licenciement est envisagé pour motif économique entre le 15 avril 2006 et le 1er décembre 2008, pour les entreprises de moins de 1 000 salariés non soumises à l'obligation de proposer une convention de reclassement personnalisé, ce dispositif a pour objet le suivi d'un parcours de transition professionnelle pouvant comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d'entreprises ou d'organismes publics.
L'arrêté du 21 avril 2006 (3) fixe la liste des communes appartenant aux bassins d'emploi dans lesquels s'appliquent les dispositions relatives au CTP, mis en place par l'ordonnance du 13 avril 2006. Le CTP s'applique aux procédures de licenciement pour motif économique engagées entre le 15 avril 2006 et le 1er mars 2007 pour les entreprises de moins de 1 000 salariés à l'égard des salariés de leurs établissements implantés dans les bassins d'emploi de Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Toulon, Valenciennes et Vitré.
Le décret du 14 avril 2006 précise les modalités du dispositif s'agissant, notamment, du moment et de l'étendue de l'information du salarié, ainsi que des modalités de versement de l'allocation de transition professionnelle et de l'aide prévues par l'ordonnance du 13 avril 2006. Il propose, en annexe, un modèle de CTP (4).
La loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social (N° Lexbase : L9268HTG) (5), a réduit de deux à un mois de salaire le montant de la pénalité à la charge des employeurs qui procèdent à un licenciement économique sans avoir proposé un contrat de transition professionnelle au salarié concerné.
L'expérimentation, débutée en avril 2006, devait initialement être close au 1er mars 2007. La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (N° Lexbase : L5929HU7), a repoussé au 1er mars 2008 cette échéance. La même loi a également permis que les périodes de travail intercalaires soient effectuées non seulement dans le cadre de contrats à durée déterminée de moins de six mois, mais aussi, le cas échéant, dans le cadre de missions d'intérim.
La loi n° 2008-126 du 13 février 2008, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi (N° Lexbase : L8051H3L) (6), a de nouveau reporté, du 1er mars au 1er décembre 2008, la date de clôture du dispositif.
La loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, de finances pour 2009 (art. 124) (N° Lexbase : L3783IC4), a prolongé d'un an le programme expérimental du CTP. Le législateur a ainsi modifié l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006, dont les dispositions s'appliquent également aux procédures de licenciement pour motif économique engagées entre une date fixée par décret et le 1er décembre 2009 dans dix-huit bassins d'emploi caractérisés par une situation économique, démographique et sociale très défavorable pour l'emploi.
En revanche, la loi de finances pour 2009 a limité l'application de l'expérimentation, qui ne s'applique pas aux procédures de licenciement engagées entre le 1er décembre 2008 et la date de publication de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, dans les bassins d'emploi lorsqu'a déjà eu lieu, soit l'entretien préalable au licenciement, soit la première réunion des instances représentatives du personnel.
B - Année 2009
Le décret n° 2009-111 du 30 janvier 2009 (N° Lexbase : L6926ICI) modifie le décret n° 2006-440 du 14 avril 2006. Désormais, les dispositions de l'ordonnance du 13 avril 2006 s'appliquent aux procédures de licenciement pour motif économique engagées avant le 1er décembre 2009 et à compter du 1er février 2009 dans les bassins d'emploi du Havre et de Niort.
Par ailleurs, en application de l'article 13-2 de la même ordonnance, un contrat de transition professionnelle est proposé aux personnes ayant adhéré à une convention de reclassement personnalisée mentionnée à l'article L. 1233-65 du Code du travail (N° Lexbase : L1247H93), à compter du 19 novembre 2008, dans les bassins d'emploi de Charleville-Mézières, Le Havre, Montbéliard, Morlaix, Niort, Saint-Dié-des-Vosges, Toulon, Valenciennes et Vitré. Cette proposition est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception. La personne dispose d'un délai de vingt et un jours à partir de la date de réception de cette lettre pour accepter ou refuser de signer le contrat de transition professionnelle. En l'absence de réponse, la personne est réputée avoir refusé.
Le décret n° 2009-236 du 27 février 2009 (N° Lexbase : L9731ICE) modifie également le décret n° 2006-440 du 14 avril 2006. Il étend, à compter du 1er mars 2009, l'expérimentation du CTP aux bassins d'emploi de Calais, Châteauroux, Châtellerault, Douai, l'Etang de Berre et Mulhouse. Ces dispositions s'appliquant aux procédures de licenciement pour motif économique engagées avant le 1er décembre 2009. Par ailleurs, un contrat de transition professionnelle est proposé aux personnes ayant adhéré à une convention de reclassement personnalisée à compter du 19 décembre 2008 dans ces nouveaux bassins d'emploi.
L'arrêté du 27 février 2009, relatif à la délimitation de bassins bénéficiant du contrat de transition professionnelle (N° Lexbase : L9735ICK), dresse la liste des communes appartenant aux six nouveaux bassins d'emploi.
Le décret n° 2009-607 du 29 mai 2009 (N° Lexbase : L3063IE8) complète et modifie le décret n° 2006-440 du 14 avril 2006 en étendant l'expérimentation du CTP aux bassins d'emploi.
Deux arrêtés du 29 mai 2009, qui prennent effet à compter du 1er juin 2009, complètent la liste des communes appartenant aux bassins d'emploi (arrêté relatif à la délimitation de bassins bénéficiant de l'extension du contrat de transition professionnelle N° Lexbase : L3067IEC et arrêté relatif à la délimitation de bassins bénéficiant du contrat de transition professionnelle N° Lexbase : L3068IED).
Les deux arrêtés du 4 juin 2009 apportent des précisions relatives à la délimitation des bassins bénéficiant du contrat de transition professionnelle (arrêtés relatifs à la délimitation de bassins bénéficiant de l'extension du contrat de transition professionnelle N° Lexbase : L4180IEK et N° Lexbase : L4181IEL). Ces deux arrêtés du 4 juin 2009 abrogent les arrêtés des 29 mai 2009, qui complétaient la liste des communes appartenant aux bassins d'emploi.
Ils délimitent les bassins bénéficiant du contrat de transition professionnelle et ceux bénéficiant de l'extension du contrat de transition professionnelle en publiant la liste des communes appartenant aux bassins d'emploi -d'Auxerre, de Dreux, de Mureaux-Poissy, de Saint-Quentin, de la vallée de l'Arve, de Charleville-Mézières, de Douai, du Havre, de Montbéliard, de Niort et de Vitré- pour lesquelles, en cas de procédures de licenciement pour motif économique, il est recouru au contrat de transition professionnelle.
Comme le prévoit le décret n° 2009-854 du 8 juillet 2009 (N° Lexbase : L4619IES), complétant le décret n° 2006-440 du 14 avril 2006, les dispositions relatives au CTP s'appliquent, désormais, aux procédures de licenciement pour motif économique engagées avant le 1er décembre 2009 et à compter du 12 juillet 2009 dans le bassin d'emploi d'Hagetmau. La liste des communes appartenant à ce nouveau bassin d'emploi concerné par le contrat de transition professionnelle est donnée par l'arrêté du 8 juillet 2009, relatif à la délimitation de bassin bénéficiant du contrat de transition professionnelle (N° Lexbase : L4897IE4).
En application du décret n° 2009-1163 du 1er octobre 2009, les dispositions relatives au contrat de transition professionnelle s'appliquent désormais aux procédures de licenciement pour motif économique engagées avant le 1er décembre 2009 et à compter du 3 octobre 2009 dans les bassins d'emploi de Briey-bassin houiller, Marne moyenne, Thiers et Saint-Etienne.
La liste des communes appartenant à ces nouveaux bassins d'emploi concernés par le CTP est donnée par l'arrêté du 1er octobre 2009 (N° Lexbase : L8335IEG). En outre, toujours en application du décret du 1er octobre 2009, les personnes ayant adhéré à une convention de reclassement personnalisée dans les bassins de Briey-bassin houiller, Marne moyenne, Thiers et Saint-Etienne, à compter du 24 juillet 2009, se verront proposer un CTP en lieu et place de leur actuelle CRP.
Sur les sept bassins initiaux de l'expérimentation, 8 209 entrées ont été constatées, et le taux de reclassement s'établit à 58 % pour les cohortes sorties du dispositif. Le coût moyen de l'accompagnement d'un bénéficiaire est estimé à environ 1 800 euros, supporté à parts égales entre Pôle emploi et l'Etat. Au vu de ces résultats positifs, le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a prolongé dans le temps l'expérimentation et a augmenté le nombre de bassins bénéficiaires du CTP.
Premièrement, l'article 32 de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (N° Lexbase : L8128HHI) (7), prévoit que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure visant à instituer, à titre expérimental pour une durée qui ne saurait excéder cinq ans, en lieu et place de la convention de reclassement personnalisé un contrat de transition professionnelle. Le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie prolonge d'un an ce droit.
Deuxièmement, l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006, relative à l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, est modifiée. Celle-ci disposait qu'à titre expérimental, les dispositions de l'ordonnance s'appliquent aux procédures de licenciement pour motif économique engagées entre le 15 avril 2006 et le 1er décembre 2009 par certaines entreprises à l'égard des salariés de leurs établissements implantés dans les bassins d'emploi de Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Toulon, Valenciennes et Vitré. Le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie modifie le premier alinéa et à la première phrase du deuxième alinéa de l'article 1er, en reportant d'un an l'expérimentation, soit au 1er décembre 2010.
De même, le projet de loi modifie l'article 2 de l'ordonnance, aux termes duquel l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique de conclure un contrat de transition professionnelle avec la filiale de l'Afpa créée à cet effet. Cette proposition doit être faite avant le 10 décembre 2009, soit lors de l'entretien préalable au licenciement, soit à l'issue de la dernière réunion des instances représentatives du personnel. Le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie reporte, là encore, d'un an la date de proposition du CTP, fixée au 10 décembre 2010.
Troisièmement, le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie modifie le périmètre d'expérimentation. A l'origine, l'ordonnance organisait une expérimentation limitée aux procédures de licenciement pour motif économique engagées entre une date fixée par décret et le 1er décembre 2009 dans dix huit-bassins d'emploi caractérisés par une situation économique, démographique et sociale très défavorable pour l'emploi. Désormais, l'expérimentation est étendue à trente-trois bassins d'emploi.
II - Législateur et partenaires sociaux : un consensus pour généraliser le CTP
A - Une volonté politique
Le bilan dressé par les statisticiens (8) du CTP est plutôt positif. Selon la Dares, les conventions de reclassement personnalisé et le CTP favorisent le retour durable en emploi. 70 % des personnes entrées en CTP au second semestre 2006 et 66 % de celles entrées en convention de reclassement personnalisé occupent un emploi 13 à 18 mois après. Respectivement 60 % et 55 % occupent un emploi durable (CDI, CDD ou intérim de plus de six mois, emploi indépendant). Ces chiffres s'améliorent lorsque les intéressés n'ont pas été suivis pendant la durée maximale d'accompagnement. Les personnes ayant refusé la convention de reclassement personnalisé ou le CTP sont 55 % à avoir retrouvé un emploi durable (64 % en emploi) et ceux auxquels aucun dispositif de reclassement n'a été proposé ne sont que 46 % (54 % en emploi). Plusieurs facteurs semblent pouvoir jouer sur les taux de reclassement. Il apparaît que la probabilité d'être en emploi durable diminue fortement avec l'âge et augmente avec le niveau de qualification. De plus, les hommes sont plus souvent en emploi durable que les femmes après avoir été accompagnés. Ces données prises en compte, et à caractéristiques comparables, les bénéficiaires du CTP retrouvent plus souvent un emploi durable.
Le bilan statistique positif du contrat de transition professionnelle explique (notamment) la volonté, exprimée par certains parlementaires (9), d'étendre et de généraliser le contrat de transition professionnelle.
- Le contrat de transition professionnelle, un dispositif plus efficace et plus protecteur que d'autres
Le CTP offre le double avantage de comporter des garanties, notamment en matière d'indemnisation, favorables aux salariés et d'être mis en oeuvre de manière performante et avec des moyens importants. La convention de reclassement personnalisé présente, par rapport au droit commun, plusieurs avantages : dès lors qu'ils ont au moins deux ans d'ancienneté, une indemnisation plus importante pendant la durée de la CRP, soit les huit premiers mois de chômage (80 % du salaire brut antérieur pendant trois mois, puis 70 % pendant cinq mois, contre 57,4 % à 75 % selon le niveau de salaire dans le droit commun) et versée immédiatement, sans délai de carence ; un statut favorable pour la conservation des droits sociaux, celui de stagiaire de la formation professionnelle ; et des mesures d'accompagnement renforcées.
Le CTP obéit largement aux mêmes règles que la convention de reclassement personnalisé. Il s'en distingue principalement par le fait qu'il est ouvert aussi aux salariés qui ne pourraient pas bénéficier des allocations de l'assurance chômage (faute d'une durée d'affiliation préalable suffisante) ; un délai de réflexion pour l'acceptation par le salarié qui est plus long (vingt-et-un jours au lieu de quatorze) ; une durée plus longue (douze mois au lieu de huit) ; une indemnisation plus élevée, acquise quelle que soit l'ancienneté et non dégressive (80 % du salaire brut antérieur pendant toute la durée du CTP, plus une possibilité de "capitalisation" en cas de reprise d'emploi avant le terme du contrat, c'est-à-dire de versement d'une prime à hauteur de 50 % des indemnités qui auraient été dues pour les mois restant à courir) ; et la possibilité d'insérer dans le CTP des périodes de travail rémunérées (dans la limite de neuf mois).
La gestion du CTP a initialement été confiée à une filiale créée à cet effet ("Transitio-CTP") de l'Afpa. L'accompagnement assuré dans le cadre du CTP se caractérise aussi par l'importance des moyens humains qui y sont consacrés : un référent pour 25 bénéficiaires quand ce taux d'encadrement reste pour la CRP d'un conseiller pour 110 demandeurs d'emploi. L'accès aux formations constitue également l'un des points forts du CTP.
- Pour une généralisation du CTP et un doublement de la durée à titre provisoire
Une proposition de loi du 18 mars 2009, rejetée en première lecture par l'Assemblée nationale le 5 mai 2009, proposait de généraliser et de pérenniser le CTP, lequel devenait un dispositif général et pérenne qui se substituait de fait à la CRP. La proposition de loi proposait également de doubler, à titre provisoire, la durée pour laquelle est conclue le CTP : cette durée était portée de 12 à 24 mois. La durée maximale de chaque période de travail chez un nouvel employeur susceptible d'être intercalée dans le CTP (sans en entraîner la rupture) était portée de 6 à 12 mois et la durée maximale cumulée de ces périodes durant le CTP de 9 à 18 mois ; la durée minimale d'un contrat à durée déterminée ou d'une mission d'intérim justifiant la rupture anticipée du CTP était portée de 6 à 12 mois. Les parlementaires rétablissaient à son niveau initial, soit deux mois de salaire du salarié concerné, la sanction de l'employeur qui ne propose par de CTP à un salarié qu'il envisage de licencier pour motif économique.
B - Accord national interprofessionnel (Ani) sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi
L'accord national interprofessionnel sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi du 8 juillet 2009 vise à compléter les mesures d'urgence gouvernementales pour soutenir l'emploi et limiter au maximum les conséquences sociales de la crise économique. Les partenaires sociaux préconisent diverses modifications destinées à améliorer le dispositif actuel de chômage partiel.
En son article 16, l'Ani précise que les parties signataires demandent aux pouvoirs publics d'ouvrir, à titre expérimental, l'accès, dans les bassins d'emploi éligibles au CTP, aux anciens titulaires de CDD ou de contrats d'intérim bénéficiant des allocations du régime d'assurance chômage, au dispositif d'accompagnement du CTP. Affaire à suivre donc...