[Textes] Le contrat de transition professionnelle : une nouvelle expérience



Au moment même où le contrat première embauche est rayé de notre droit positif, y apparaît une nouvelle figure contractuelle, instituée par une ordonnance du 13 avril 2006 relative à l'expérimentation du contrat de transition professionnelle (ordonnance du 13 avril 2006, n° 2006-433 et décret n° 2006-440 du 14 avril 2006, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006 relative au contrat de transition professionnelle) (1). Ainsi que l'indique l'intitulé même du texte en cause, ce contrat n'est mis en place qu'à titre expérimental (2). Plus précisément, l'ordonnance ne s'applique qu'aux procédures de licenciement pour motif économique engagées entre le 15 avril 2006 et le 1er mars 2007, par les entreprises occupant moins de 1 000 salariés et implantées dans 7 bassins d'emploi (art. 1er de la loi) (3). Pour aller à l'essentiel, le contrat de transition professionnelle (CTP) vise à accélérer le retour à l'emploi des salariés licenciés pour motif économique, en combinant des périodes de recherche d'emploi, des phases de formation et des périodes de travail dans des entreprises privées ou des organismes publics. Il participe, à ce titre, du phénomène de "sécurisation des parcours professionnels", voulu à la fois par le Gouvernement et les partenaires sociaux. Nous présenterons, dans un premier temps, ce nouveau contrat, avant d'envisager le statut de son bénéficiaire.

1. Le contrat de transition professionnelle

Sont éligibles au CTP les salariés menacés d'un licenciement pour motif économique, que ce soit à titre individuel ou collectif. Ainsi que nous l'avons souligné en préambule, les salariés en cause doivent travailler dans des entreprises occupant moins de 1 000 salariés et se situant dans l'un des 7 sites choisis pour l'expérimentation. En outre, les procédures de licenciement doivent avoir été engagées entre le 15 avril 2006 et le 1er mars 2007. Selon l'article 1er du texte, une procédure de licenciement est réputée engagée à la première des dates suivantes :
- la date de réception de la convocation à l'entretien préalable ;
- la date de réception de la convocation à la première réunion des instances représentatives du personnel prévue à l'article L. 321-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8925G7P).

Dans ces bassins d'emploi, le CTP se substitue à la convention de reclassement personnalisé, prévue par l'article L. 321-4-2 du Code du travail (N° Lexbase : L7855HBK).

Il appartient à l'employeur de proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique, de conclure un CTP avec la filiale de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), créée à cet effet (4). Cette proposition doit être faite avant le 23 mars 2007.

Ainsi que le précise le décret, l'employeur est tenu d'informer chaque salarié concerné, individuellement et par écrit, du contenu du CTP et de la possibilité qu'il a d'en bénéficier. Cette information est remise au salarié contre récépissé, soit au cours de l'entretien préalable, soit à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel (D., art. 1er). L'article 2 du décret précise le contenu de l'information qui devra, notamment, comprendre une notice d'information (5), un bulletin de réponse et le modèle de contrat annexé au décret.

L'employeur qui procède au licenciement économique d'un salarié sans lui avoir proposé le bénéfice d'un CTP doit verser une contribution égale à 2 mois du salaire moyen perçu par le salarié au cours des 12 mois précédant le licenciement et aux cotisations sociales patronales afférentes. Cette contribution est recouvrée par les organismes d'assurance chômage pour le compte de la filiale de l'Afpa (Ord., art. 11). En cas de non-respect par l'employeur de son obligation d'information, le salarié pourra conclure un CTP dans un délai de 14 jours à compter de son inscription comme demandeur d'emploi (Ord., art. 11 et D., art. 5).

A compter de la date de remise du document d'information relatif au CTP, le salarié dispose d'un délai de 21 jours pour accepter ou refuser de souscrire le contrat. Si le salarié bénéficie de la protection légale contre le licenciement, ce délai est ramené à 7 jours à compter de la date à laquelle il est informé de l'autorisation notifiée à l'employeur par l'inspection du travail (6).

En l'absence de réponse du salarié au terme du délai imparti, celui-ci est réputé avoir refusé le contrat (D., art. 2). Dans ce cas, l'employeur retourne le bulletin de réponse en précisant que le salarié n'a pas répondu dans le délai. Plus généralement, et quelle que soit la décision du salarié, l'employeur doit transmettre à la structure de gestion (7) retenue par la filiale de l'Afpa un certain nombre de documents prévus par l'article 2 du décret.

Lorsque le salarié accepte de conclure un CTP, son contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord entre les parties à la date d'expiration du délai précité. Cette rupture, qui ne comporte ni préavis ni indemnité de préavis, ouvre cependant droit aux indemnités légales et conventionnelles de licenciement (Ord., art. 3).

Pour chaque bénéficiaire du CTP, l'employeur acquitte une contribution égale au montant de l'indemnité de préavis, ainsi que le montant des cotisations sociales patronales afférentes. Si la durée du délai-congé est supérieure à celle fixée par la loi, la fraction excédant le montant correspondant à celle-ci est versée à l'intéressé dès la rupture de son contrat et constitue une rémunération (Ord., art. 9, al. 1er).

En outre, et par exception aux dispositions de l'article L. 933-6 du Code du travail (N° Lexbase : L4735DZE), l'employeur doit également verser, dans certaines limites, le reliquat des droits que le salarié a acquis au titre du droit individuel à la formation (Ord., art. 9, al. 2).

Couvertes par l'AGS, ces contributions sont recouvrées par l'Unédic pour le compte de la filiale de l'Afpa.

Le CTP, qui débute le lendemain de la date de rupture du contrat de travail, est conclu pour une durée de 12 mois (8). Ce contrat a pour objet l'organisation et le déroulement d'un parcours, qui peut comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail pour le compte de tout employeur, à l'exception des particuliers.

Les périodes de travail sont accomplies avec l'accord ou sur la proposition de la filiale de l'Afpa, dans le cadre de contrats à durée déterminée conclus en application du 1° de l'article L. 122-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5454ACY). Ces contrats sont d'une durée inférieure à 6 mois, renouvelable une fois avec le même employeur, dans la limite de la durée précitée. Ces périodes de travail ne peuvent, en tout état de cause, excéder au total 9 mois (Ord., art. 4).

Il est important de souligner, dès à présent, qu'en application du 4° de l'article 8 de l'ordonnance, le bénéficiaire du CTP doit "donner suite à toute offre d'emploi correspondant aux orientations du projet professionnel défini par son contrat, y compris si cette offre implique une mobilité géographique ou professionnelle". Le dispositif apparaît ainsi relativement contraignant pour le bénéficiaire.

En principe, le CTP a une durée de 12 mois. Toutefois, et à titre exceptionnel, il peut prendre fin de manière anticipée :
- à la date d'effet d'un contrat à durée indéterminée conclu par le bénéficiaire ;
- à la date d'effet d'un contrat à durée déterminée conclu pour au moins 6 mois ;
- à la date d'effet d'un contrat de travail temporaire conclu pour au moins 6 mois ;
- à la date d'exercice de la nouvelle activité en cas de création ou de reprise d'une entreprise.

Dans les trois premières hypothèses qui viennent d'être énumérées, si le contrat vient à être rompu par l'employeur ou le salarié avant l'expiration du délai de 12 mois suivant la conclusion du CTP, le bénéficiaire peut reprendre l'exécution de ce contrat pour la durée restant à courir (Ord., art. 5).

Il convient, enfin, de souligner que le CTP peut être rompu de manière anticipée en cas de manquement à ses engagements par le bénéficiaire (9), ce qui nous amène à envisager le statut de ce dernier.

2. Le statut du bénéficiaire du contrat

Le bénéficiaire est tenu de respecter un certain nombre d'obligations énumérées par l'article 8 de l'ordonnance qui, à dire vrai, ne surprennent guère. En effet, et outre l'obligation de donner suite aux offres d'emploi précédemment évoquées, le bénéficiaire doit :
- être actif dans sa recherche d'emploi ou dans son projet de création ou de reprise d'entreprise ;
- répondre aux convocations que lui adresse la filiale de l'Afpa et lui communiquer régulièrement les résultats de ses démarches ;
- entreprendre les actions de reclassement et de formation convenues dans le contrat et accepter les offres de périodes de travail qui lui sont faites dans les conditions prévues au même contrat.

Sauf motif légitime, tout manquement du bénéficiaire à ces obligations autorisera la filiale de l'Afpa à rompre le contrat.

Pendant la durée du CTP, et en dehors évidemment des périodes de travail, le bénéficiaire du contrat est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle dans les mêmes conditions que les bénéficiaires de la convention de reclassement personnalisé. Il perçoit, pendant cette même durée, une "allocation de transition professionnelle" égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des 12 mois précédant la conclusion du CTP (10). Cette allocation, à la charge de la filiale de l'Afpa, est versée mensuellement (D., art. 3).

Son versement est toutefois suspendu lorsque le bénéficiaire est pris ou susceptible d'être pris en charge par la Sécurité sociale au titre des prestations en espèces de l'assurance maladie, est admis à bénéficier de l'allocation parentale d'éducation, du complément du libre choix d'activité de la prestation d'accueil du jeune enfant ou au bénéfice de l'allocation de présence parentale (Ord., art. 6, al. 1er).

Lorsqu'il effectue, au cours de son CTP, une période de travail en contrat à durée déterminée, le bénéficiaire perçoit le salaire correspondant au travail qu'il effectue. Si ce salaire est inférieur à son allocation de transition professionnelle, une indemnité compensatrice lui est versée (D., art. 3, al. 3).

Le bénéficiaire d'un CTP conserve, bien entendu, la qualité d'assuré et bénéficie, à ce titre, du maintien des droits aux prestations en nature des assurances maladie, maternité, vieillesse et décès. Ensuite, la durée passée sous CTP s'impute sur la durée de versement de l'allocation d'assurance chômage, y compris pour les périodes travaillées (Ord., art. 10). En cas de rupture du contrat ou à l'issue de celui-ci, si le bénéficiaire remplit les conditions d'octroi de l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 351-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6262ACW), celle-ci lui est versée sans différé d'indemnisation ni délai d'attente.

Enfin, en cours de contrat, les bénéficiaires ont droit aux mesures de réinsertion professionnelle prévues par l'article L. 351-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6231ACR).

En cas de retour à l'emploi, le bénéficiaire du contrat perçoit une aide équivalente à la moitié du montant de l'allocation de transition professionnelle qu'il aurait perçu jusqu'au terme du CTP, sans que le montant de cette aide puisse excéder trois fois le montant de l'allocation mensuelle versée (11). En cas de reclassement, il perçoit l'indemnité différentielle de reclassement prévue pour les bénéficiaires de la convention de reclassement personnalisé (Ord., art. 7) (12).

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Ordonnance prise en application de l'article 32 de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 de retour à l'emploi et sur les droits et devoirs de bénéficiaires de minima sociaux (N° Lexbase : L8128HHI), lire les obs. de Christophe Willmann, Ambivalences de la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux : inciter le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux et renforcer leur contrôle, Lexbase Hebdo n° 209 du 6 avril 2006 - édition sociale N° Lexbase : N6656AKQ) et La relance des contrats aidés et la création du contrat de transition professionnelle, Lexbase Hebdo n° 209 du 6 avril 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N6659AKT). Article que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2006-534 DC, du 16 mars 2006, loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux N° Lexbase : A5903DNX). Notons que le décret d'application de l'ordonnance ne s'est guère fait attendre (décret n° 2006-440 du 14 avril 2006, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006 relative au contrat de transition professionnelle).
(2) Avant le 1er juin 2008, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation prévue par l'ordonnance et proposant les suites à lui donner. Ce rapport devra être soumis au préalable pour avis aux partenaires sociaux gestionnaires des organismes d'assurance chômage (Ord., art. 13).
(3) Il s'agit des bassins d'emploi de Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Toulon, Valenciennes et Vitré. Ces sites n'ont évidemment pas été choisis au hasard, mais en raison de l'existence de sérieux risques de licenciements économiques.
(4) L'ordonnance, comme le décret, sont muets sur le statut de cette filiale : rien n'est dit sur sa forme juridique ou encore son fonctionnement.
(5) Le contenu de cette notice d'information n'est pas précisé. L'employeur aura tout intérêt à préciser au salarié qu'en cas d'acceptation du CTP, le contrat de travail sera réputé rompu d'un commun accord.
(6) Au cours du délai de réponse, le salarié peut bénéficier, à sa demande, d'un entretien d'information avec la filiale de l'Afpa. En outre, lorsqu'à la date prévue par le Code du travail pour l'envoi des lettres de licenciement le délai de réflexion n'est pas expiré, l'employeur lui adresse une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lui rappelant la date d'expiration du délai de réflexion et lui précisant qu'en cas de refus de souscrire un CTP, cette lettre recommandée constitue la notification de son licenciement (D., art. 1er). L'employeur devra donc prendre garde d'énoncer dans cette lettre les motifs du licenciement.
(7) Là encore, aucune précision n'est fournie quant à cette structure de gestion.
(8) Ainsi que l'affirme l'article 6 du décret, dans un délai de 15 jours à compter de la prise d'effet du CTP, la filiale de l'Afpa formalise par écrit le contrat avec son bénéficiaire, conformément au modèle annexé au décret. Il faut donc comprendre que le contrat peut prendre effet avant même sa conclusion.
(9) L'ordonnance envisage cette seule hypothèse, ce qui pourrait laisser à penser que l'autre partie au contrat ne peut en aucune façon manquer à ses engagements...
(10) L'article 3 du décret détermine l'assiette de calcul de l'allocation de transition professionnelle. En outre, une participation de 3 % du salaire ayant servi de base au calcul de l'allocation est prélevée sur celle-ci afin de financer les retraites complémentaires des bénéficiaires du CTP.
(11) Selon l'article 4 du décret, cette aide est versée en deux fractions. La première est versée 3 mois après la conclusion du contrat ou la création ou la reprise d'entreprise, la seconde 3 mois plus tard.
(12) Cette indemnité différentielle est versée dans la limite d'un montant total plafonné à 50 % du montant de l'allocation de transition professionnelle que le bénéficiaire aurait perçu jusqu'au terme du CTP (D., art. 4).