[Textes] Dispositions sociales du Rapport de la Cour des comptes 2009

par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

Dans son rapport annuel, présenté le 4 février 2009, la Cour des comptes consacre des développements substantiels à trois dispositifs relevant du droit social : la participation des employeurs à l'effort de construction (I), la formation à l'initiative des salariés (II) et, enfin, les mesures pour l'emploi (III). S'agissant du congé individuel de formation (CIF) et du droit individuel à la formation (DIF), la Cour constate que ces dispositifs ne comblent que très partiellement les inégalités d'accès à la formation professionnelle et à la sécurisation des parcours professionnels. Elle préconise, notamment, de réserver le DIF aux publics les plus fragiles, d'articuler le CIF et le DIF, de fusionner les dispositifs de CIF-CDD et de DIF-CDD et de reconfigurer le réseau des organismes paritaires collecteurs agréés au titre du congé individuel de formation (Opacif). En l'absence d'une réorganisation d'ensemble, la Cour des comptes prône une suppression du CIF, afin que l'accès à la formation profite au plus grand nombre. Dans le champ de la participation des employeurs à l'effort de construction, la Cour dresse un bilan critique de l'organisation de cette contribution, notamment, au regard de leur efficacité dans les politiques de logement. Les dysfonctionnements, déjà relevé en 2006 par la Cour, appellent une réforme en profondeur de l'ensemble du réseau des collecteurs.

Enfin, la Cour des comptes déplore la création de nouvelles exonérations de charges sociales, dites "ciblées", en 2007 et 2008 : bassins d'emploi à redynamiser, arbitres et juges sportifs, régime microsocial et intéressement de projet. Elle regrette que la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite "Tepa" (N° Lexbase : L2417HY8), ait rendu encore plus onéreux le système des exonérations et que cette mesure n'ait pas fait l'objet d'une évaluation préalable comme elle l'avait préconisée. En revanche, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009, de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012 (N° Lexbase : L9021IC4), devrait tenir comptes de ses recommandations avec des mesures tendant à rationaliser les dispositions d'allégements de cotisations.

I - La participation des employeurs à l'effort de construction

Dans la première partie de son rapport 2009 ("Partie I : Les observations des juridictions financières - Politiques publiques"), la Cour des comptes consacre des développements sévères et très critiques sur la question de la participation des employeurs à l'effort de construction.

A - Etat des lieux

La création de la participation des employeurs à l'effort de construction remonte au vote de la loi n° 53-611 du 11 juillet 1953, portant redressement économique et financier. Ses modalités d'application ont été définies par le décret n° 53-701 du 9 août 1953, relatif à la participation des employeurs à l'effort de construction, qui a assujetti les employeurs exerçant une activité industrielle et occupant au minimum dix salariés à une obligation de consacrer des sommes représentant 1 % de leur masse salariale au logement de leurs employés. Une telle initiative répondait au souci du Gouvernement de l'époque de généraliser les initiatives prises par certains employeurs, notamment, dans le nord de la France, tendant à favoriser l'amélioration des conditions de logement de leurs salariés, sous la forme de prêts à faibles taux ou d'aides à la construction ou à la réhabilitation de logements sociaux, en contrepartie de droits de réservation. La participation des employeurs à l'effort de construction a vu, par la suite, son assiette réduite, puisque son taux a été abaissé à 0,45 % de la masse salariale en 1991, la différence servant, essentiellement, au financement des aides personnelles au logement. En ce qui concerne son champ d'application, sont, aujourd'hui, assujetties à la participation des employeurs à l'effort de construction les entreprises ne relevant pas du régime agricole et occupant vingt salariés au minimum. Le taux de participation s'applique à la masse salariale de l'année précédente (1).

Prélèvement obligatoire (ressources annuelles de 4 millions d'euros), la participation des employeurs à l'effort de construction est susceptible de constituer un levier puissant pour la politique du logement. Dans son rapport public 2006, la Cour mettait en évidence les défauts du système : coût élevé d'une gestion dispersée entre des collecteurs trop nombreux, risque de confusion de missions et de conflits d'intérêt tenant à la composition des instances dirigeantes, contrôles lacunaires, absence de débat au Parlement sur l'utilisation des crédits affectés à la politique du logement et absence d'évaluation de l'utilité des emplois des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction.

Le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion n° 497, déposé le 23 juillet 2008 (2), comporte un certain nombre de mesures tendant à réformer en profondeur la gouvernance du 1 % et les modalités de l'utilisation des ressources. En effet, le projet de loi rénove en profondeur la gouvernance du 1 % logement afin d'améliorer le pilotage et le suivi des actions qui seront mises en oeuvre, en fonction d'objectifs conformes aux priorités de la politique du logement. Conformément aux orientations arrêtées par le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, l'article 3 du projet de loi propose une réforme d'ampleur de la gouvernance du 1 % logement, dont la caractéristique principale est la suppression du mode de gestion conventionnel et partenarial de l'emploi des fonds, auquel se substitue un mécanisme de détermination des emplois par la loi et le règlement. Il est, également, proposé une réforme substantielle des modalités de contrôle de l'utilisation de ces fonds, dont la mission incomberait, néanmoins, toujours à l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (ANPEEC). Selon la Cour des comptes, la loi contribuera, sans doute, à une meilleure efficacité du système dans son ensemble.

La Cour a souhaité procéder à un nouveau contrôle de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) et de l'ANPEEC qu'elle a élargi à la Foncière Logement et à un certain nombre de comités interprofessionnels du logement (CIL). Elle a constaté que la plupart des dysfonctionnements, constatés en 2006, dans la gouvernance de la participation des employeurs à l'effort de construction avaient perduré et elle souhaite, à nouveau, insister sur la nécessité d'une réforme en profondeur, qui concerne l'ensemble du réseau des collecteurs. Par ailleurs, même si les conditions d'utilisation des ressources se trouvent clarifiées, il importe que cette utilisation donne lieu à un débat devant le Parlement, éclairé par des projections financières fiables.

Les critiques formulées par la Cour des comptes porte, d'abord, sur le mode de gestion du dispositif. Elle constate une gestion centrale confuse et périlleuse, mise en danger par les conflits d'intérêt et par le défaut de contrôle ; des processus normatifs et décisionnels incertains ; une organisation locale lourde et coûteuse, marquée par l'insuffisante adaptation du réseau des collecteurs à l'évolution des missions, un défaut de mutualisation des tâches et un réseau toujours pléthorique et mal piloté.

D'autre part, la Cour des comptes s'est interrogée sur l'utilité des actions et leur cohérence avec une politique du logement. Elle constate l'utilité sociale non démontrée de plusieurs actions, en raison de l'évaluation toujours attendue des emplois des fonds de la Participation des entreprises à l'effort de construction (PEEC) et un bilan, à ce jour médiocre, des actions de la Foncière Logement. Aussi, la Cour suggère la nécessité d'une mise en cohérence avec les politiques publiques du logement, notamment, en raison d'un équilibre financier incertain.

B Recommandations

Le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion entend corriger les défauts qui affectaient la gouvernance du 1 % logement et qui ont permis de graves dérives et d'importants gaspillages de ressources issues de ce prélèvement obligatoire. La présentation des flux de la participation des employeurs à l'effort de construction dans les documents budgétaires annuels, instituée par la même loi, constitue une avancée pour le débat démocratique, selon la Cour des comptes. La reprise de l'initiative par l'Etat dans l'orientation des emplois des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction, dont les caractéristiques et les masses seront, désormais, fixées par décret, après consultation des partenaires sociaux, constitue une autre étape essentielle dans la nécessaire insertion de la participation des employeurs à l'effort de construction dans la politique nationale du logement.

Une fois les institutions de la participation des employeurs à l'effort de construction rénovées, une autre phase de réforme devra être engagée, celle relative au réseau des collecteurs, à sa réorganisation en cohérence avec le mouvement de décentralisation de la politique du logement et au sort à donner à leur patrimoine constitué à partir des excédents de la collecte et du résultat économique des emplois des fonds, afin qu'il serve le mieux possible à la collectivité.

Les recommandations qui suivent énoncent ces changements que la Cour considère comme nécessaires :

- concernant l'Etat : exercer effectivement le contrôle de l'UESL et de la Foncière Logement au moyen, notamment, d'un rapprochement entre la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) et l'agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction ;

- concernant l'UESL et le réseau des collecteurs : engager un schéma directeur de regroupement des collecteurs, vraisemblablement sur une base régionale, afin de prendre en compte la décentralisation de la politique du logement, et mettre en place les conditions de leur insertion dans les politiques locales du logement ; disposer au niveau de l'UESL d'un tableau de bord permettant avec un petit nombre d'indicateurs, de suivre la productivité et la performance des collecteurs ; assurer la publication par les groupes de CIL de comptes consolidés ou, à tout le moins, combinés, afin de rendre compte des flux financiers entre les collecteurs et les sociétés de HLM dont ils sont actionnaires ; s'assurer que les collecteurs agissent en conformité avec les règles de la concurrence lorsqu'ils interviennent dans le secteur marchand ; réaliser et actualiser régulièrement des projections financières sur les ressources et les emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction ; évaluer régulièrement l'efficacité sociale comparée des différents emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction ; et engager une réflexion sur le sort des actifs des collecteurs ;

- concernant la Foncière Logement : faire expertiser les programmes immobiliers engagés et revoir les conditions d'intervention en fonction de l'utilité marginale des emplois alternatifs (c'est-à-dire au regard des autres utilisations possibles des fonds versés par l'UESL) ; revoir l'organisation et les relations avec les sous-traitants dans le strict respect des règles de la concurrence et en vue d'éviter tout conflit d'intérêt.

II - La formation à l'initiative des salariés

A - Etat des lieux

Mise en place par l'accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970 et la loi du 16 juillet 1971 (loi n° 71-575, portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente N° Lexbase : L1987DYA), la formation professionnelle continue des salariés s'est, dès l'origine, organisée selon une double logique : l'insertion dans l'emploi et la mobilité sociale et professionnelle. A cette double préoccupation a correspondu la création de deux dispositifs distincts, dans leur philosophie comme dans leur mise en oeuvre. La formation des actifs occupés s'inscrit, à titre principal, dans le cadre du plan de formation de l'entreprise, de la seule responsabilité de l'employeur dans son élaboration et sa réalisation. Mais, tout salarié engagé dans la vie professionnelle depuis une certaine durée a droit, également, à sa seule initiative et à titre individuel, à bénéficier d'une autorisation d'absence, le congé individuel de formation (CIF), pour lui permettre de suivre une formation à finalité de développement personnel ou de reconversion professionnelle.

La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8), qui a retranscrit dans le Code du travail les conclusions de l'accord national interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux le 5 décembre 2003, a, par ailleurs, créé, au bénéfice des salariés, une troisième voie d'accès à la formation : le droit individuel à la formation (DIF). Ce nouveau droit est, également, mobilisable par chaque salarié, selon des modalités très originales.

Dans le prolongement de ses récents travaux consacrés à la formation professionnelle (3), la Cour des comptes a, ainsi, examiné la place de ces deux dispositifs de formation à l'initiative des salariés que constituent le DIF et le CIF, cherché à apprécier leurs résultats et analysé leur mode de financement. Elle a, dans ce cadre, procédé au contrôle de différents organismes qui interviennent dans la gestion du CIF : le Fonds de gestion du congé individuel de formation pour l'Ile-de-France (FONGECIF-IDF, qui constitue la plus importante institution), l'Association de gestion du congé individuel de formation des industries électriques et gazières (AGECIF-IEG, spécifique aux salariés de ce secteur) et le Fonds unique de péréquation (FUP), notamment, chargé d'une fonction de mutualisation financière.

La Cour, à l'issue de ces enquêtes, constate que ces dispositifs n'apportent qu'une contribution très incomplète à la correction des inégalités d'accès à la formation professionnelle continue et à la sécurisation des parcours professionnels en raison, notamment, de leur absence de complémentarité, d'un faible nombre de bénéficiaires et de leur absence de ciblage sur les publics les plus fragiles. Sur un plan financier, ils se révèlent, particulièrement, lourds d'enjeux, faisant peser des risques considérables sur le financement du système de formation professionnelle.

B Recommandations

Dans un contexte de réforme de la formation professionnelle et dans le prolongement des préconisations de ses travaux antérieurs, la Cour des comptes a formulé un certain nombre de recommandations :

- recentrer, sans délai et très fortement, le DIF, en revenant sur le principe d'une ouverture généralisée qui creuse les inégalités de formation plus qu'elle ne les corrige, et en le réservant exclusivement aux seuls publics les plus fragiles, pour des formations permettant, effectivement, de sécuriser leurs parcours professionnel (salariés qui n'ont pas bénéficié d'une formation initiale débouchant sur une qualification, salariés des PME et TPE, seniors...) ;

- dédier au financement du DIF, ainsi recentré, une fraction de la contribution acquittée par les entreprises au titre du CIF, dans une logique de sécurisation et de mutualisation ;

- articuler étroitement CIF et DIF, selon une logique de droit différé à la formation pour les publics fragiles en situation de reconversion ou de mobilité professionnelle, en rendant obligatoire la mobilisation du DIF en cas de demande de CIF, et en mettant en place une portabilité limitée du CIF en cas de transition professionnelle, selon des modalités analogues à celles prévues pour le DIF par l'accord du 11 janvier 2008 ;

- fusionner les dispositifs du CIF-CDD et du DIF-CDD, en majorant la contribution des entreprises au CIF-CDD, pour élargir, sans nouveaux délais, les possibilités d'accès à une formation des titulaires des contrats à durée déterminée ;

- reconfigurer le réseau des Opacif en centralisant l'ensemble de la collecte au sein d'un organisme à caractère national et interprofessionnel, permettant une mutualisation complète des financements dédiés au CIF, en supprimant les Agecif et collecteurs spécifiques, et en confiant aux seuls Fongecif régionaux une mission d'instruction des demandes selon des priorités, des critères et des niveaux de prise en charge harmonisés ;

- mettre plus largement en place un système de mutualisation effectif des fonds de la formation professionnelle sur le plan national, notamment, en permettant la fongibilité des réserves du FUP au profit du financement de parcours de formation pour les salariés prioritaires, et par la création de "fonds régionaux pour la formation tout au long de la vie" au niveau régional.

III - Politiques de l'emploi

A - Les allègements et exonérations de charges sociales

La Cour des comptes consacre, dans son rapport 2009 ("Partie II : Les suites données aux observations des juridictions financières - Les suites données aux observations de la Cour des comptes), des développements utiles et corrosifs sur les politiques publiques de l'emploi. Dans deux rapports sur les exonérations de charges sociales transmis à la commission des finances de l'Assemblée nationale en juillet 2006 et octobre 2007 (4), la Cour avait relevé que les nombreux dispositifs d'allègement des charges sociales étaient insuffisamment évalués en dépit de la charge financière croissante qu'ils représentaient pour les finances publiques (27,8 millions d'euros en 2007, soit 1,5 % du PIB).

S'agissant des allègements généraux sur les bas salaires, leur efficacité sur l'emploi était trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité. Quant aux allègements ciblés sur des territoires ou des secteurs d'activité, leur manque de lisibilité et leur impact limité sur l'emploi justifiaient un réexamen des différents mécanismes. La Cour a bien noté le récent effort de recentrage de certains allègements ciblés. Toutefois, le dispositif des allègements généraux a vu sa complexité s'accroître et ses coûts progresser encore.

La Cour des comptes avait préconisé d'en réduire le coût global, de mieux les cibler sur les emplois les moins qualifiés et sur les entreprises qui en ont le plus besoin, et d'engager de nouvelles évaluations de leur effet sur l'emploi. Elle n'a été partiellement suivie que sur ce dernier point. Pour limiter le coût des allègements généraux, la Cour avait suggéré d'abaisser le seuil d'exonération de 1,6 à 1,3 SMIC. Les exonérations se concentrant sur les petites entreprises, elle avait, aussi, proposé d'en limiter le bénéfice aux entreprises de moins de 20 salariés.

Elle remarquait, également, que les allègements bénéficiaient pour l'essentiel à des activités tertiaires, notamment, la grande distribution, non soumises directement à la concurrence internationale, pour lesquelles ils constituaient un véritable effet d'aubaine (5).

La Cour des comptes souhaitait un réexamen d'ensemble. Les mesures récentes, si elles ne répondent pas à toutes les critiques, ont cherché, comme le souhaitait la Cour, à donner plus de cohérence au dispositif d'ensemble.

Les critères d'attribution des exonérations ciblées sur les territoires (zones franches urbaines, "ZFU", zones de redynamisation urbaine, "ZRU", zones de revitalisation rurale, "ZRR", départements d'outre-mer, "DOM") ont été partiellement harmonisés avec ceux des exonérations générales. La loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, art. 190 N° Lexbase : L3783IC4) (6) a réformé le régime des aides accordées aux entreprises implantées dans une ZFU. Depuis le 1er janvier 2009, le montant de l'exonération décroît de manière linéaire lorsque la rémunération horaire est supérieure au SMIC majoré de 40 % et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 2, 4 fois le SMIC du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 ; à 2, 2 fois le SMIC du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et à deux fois le SMIC à partir du 1er janvier 2011.

Le dispositif d'exonération dans les zones de redynamisation urbaine a été recentré pour les nouveaux contrats sur les bas et moyens salaires (seuils compris entre 1,5 SMIC et 2,4 SMIC). Cette réforme simplifie cette aide, la rapproche du dispositif général et la rend moins coûteuse, mais elle ne contribuera pas à la rendre plus utilisée. La Cour des comptes avait préconisé sa pure et simple suppression.

Une évaluation récente de l'INSEE confirme les conclusions de la Cour sur le faible impact des aides sur les entreprises implantées dans les zones franches urbaines et estime que le coût annuel de l'emploi créé induit une charge supplémentaire pour l'Etat de 31 000 euros, ce qui, selon la Cour des comptes, est élevé, d'autant qu'il s'agit d'emplois pour lesquels l'effet de substitution ne peut être mesuré. Le dispositif d'exonération dans les zones de revitalisation rurale a été supprimé pour les organismes d'intérêt général et les associations, mais maintenu pour les entreprises, alors que la Cour avait constaté qu'il était peu utilisé et qu'il était sans portée sur l'activité, d'après une évaluation économétrique.

La loi de finances pour 2009 modifie, en revanche, le dispositif spécifique d'allègement des charges dans les DOM, dans le droit fil des recommandations de la Cour. Celui-ci devient identique pour toutes les entreprises (à l'exception des entreprises situées dans les nouvelles zones franches globales d'activités créées par la loi, qui bénéficient de seuils d'exonération plus élevés) et est recentré sur les bas et moyens salaires. Si aucune analyse de l'incidence sur le travail non déclaré de ces exonérations n'a été à ce stade menée, ce texte crée une commission nationale d'évaluation des politiques publiques dans les DOM.

Par ailleurs certaines exonérations sectorielles ont fait l'objet d'ajustements, il en est, ainsi, de la suppression partielle des exonérations spécifiques aux contrats de professionnalisation.

Enfin, la Cour des comptes s'est félicitée des avancées de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, en faveur des revenus du travail (N° Lexbase : L9777IBQ), créant un dispositif de contrepartie aux exonérations de charges sociales (7). La loi du 3 décembre 2008 réduit de 10 %, dès le 1er janvier 2009, les principaux allègements de cotisations sociales patronales dont bénéficient les entreprises (allègements généraux sur les bas salaires et réductions ciblées sur les différentes zones), si elles n'ouvrent pas la négociation annuelle obligatoire sur les salaires lorsqu'elles y sont légalement tenues.

Mais ces remodelages ou suppressions de certains dispositifs interviennent, toutefois, après la création de nouvelles exonérations ciblées en 2007 et 2008 : bassins d'emploi à redynamiser, arbitres et juges sportifs, régime microsocial, intéressement de projet. Ainsi, la loi "Tepa" du 21 août 2007 est venue rendre le système d'exonérations encore plus complexe et plus coûteux. Elle a, en effet, créé de nouvelles exonérations générales portant sur les heures supplémentaires et complémentaires d'un coût total estimé à 2,9 millions d'euros pour 2008. Par ailleurs, ce texte et la loi sur le pouvoir d'achat du 8 février 2008 ont accru la complexité du système en étendant les exonérations, qui ne portaient que sur les charges patronales, aux cotisations salariales et à certains éléments exceptionnels de rémunération.

A plusieurs reprises, la Cour a souligné la nécessité d'une meilleure évaluation, à l'instar des travaux parlementaires publiés en 1999 (8). Cette préconisation a été davantage suivie d'effets. Trois nouvelles études d'évaluation des exonérations générales sur les bas salaires, par des méthodes économétriques sur des données récentes, ont été commandées en 2006 par le ministère chargé de l'Emploi, mais leurs résultats n'étaient pas encore disponibles à la fin de 2008. L'INSEE s'est, aussi, engagé dans un modèle de micro simulation, qui doit fournir des éléments d'appréciation nouveaux sur les effets économiques de ces allègements couplés aux évolutions concomitantes du SMIC. Toutefois, la loi "Tepa" n'a pas fait l'objet d'évaluation préalable, alors que la Cour des comptes avait recommandé de mieux évaluer ces dispositifs. Le nombre d'heures supplémentaires réalisées avant ce texte étant mal connu au départ, il sera très difficile de mesurer son impact avec exactitude et rigueur.

La loi de finances pour 2009 (art. 189) prévoit, enfin, que le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l'efficacité des allègements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi, qui devra s'attacher à exposer le bilan et le coût de ces dispositifs, les méthodes envisageables pour en réduire la charge sur les finances publiques et les dispositifs alternatifs de soutien à l'emploi et aux entreprises.

B - Contrats aidés destinés aux publics en difficulté

En octobre 2006, la Cour des comptes a remis à la commission des finances du Sénat un rapport sur l'efficacité et l'efficience des contrats aidés (9). Elle préconisait une refonte structurelle de l'architecture de ces contrats par fusion ou suppression de certains dispositifs. Elle constatait la multiplication des types d'aides en direction des publics les plus éloignés de l'emploi : contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), contrat d'avenir (CA), contrat d'insertion du revenu minimum d'activité (CI-RMA), en sus des contrats aidés destinés, dans le secteur marchand, aux personnes ne bénéficiant pas de minima sociaux. Afin de renforcer l'impact de ces aides en direction des publics en difficulté, la Cour recommandait la création d'un contrat unique d'insertion. La loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (N° Lexbase : L9715IBG) (10), apporte une réponse aux observations de la Cour.

Conformément aux recommandations de la Cour et aux conclusions du Grenelle de l'insertion de mai 2008, le principe de la généralisation d'un contrat unique a été retenu par les pouvoirs publics. Des expérimentations de contrats uniques d'insertion ont été engagées sur la base des dispositions de la loi de finances pour 2007 (loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 N° Lexbase : L8561HTA), de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (N° Lexbase : L5929HU7) et de la loi du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Elles concernaient douze départements en juillet 2008.

La loi du 1er décembre 2008, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, supprime, ainsi, le contrat d'avenir et le CI-RMA et instaure un contrat unique d'insertion, décliné en deux volets selon qu'il concerne le secteur marchand ou le secteur non marchand. Ce nouveau contrat unique d'insertion reprend, tout en les aménageant dans le sens d'une plus grande souplesse, les grandes caractéristiques du CAE et du CIE, ce qui devrait faciliter l'appropriation du nouveau dispositif par les acteurs du service public de l'emploi et par les employeurs et permettre sa montée en charge rapide. Cette simplification de l'architecture juridique des contrats aidés répond aux préconisations de la Cour des comptes, qui s'attachera, également, à suivre la mise en oeuvre des autres recommandations qu'elle formulait pour renforcer l'efficacité et l'efficience des contrats aidés de la politique de l'emploi.


(1) Les ressources annuelles sont, principalement, constituées de la collecte versée par plus de 210 000 entreprises, qui emploient treize millions de salariés, et par les retours des prêts octroyés. La contribution est collectée par des comités interprofessionnels du logement (CIL), associations agréées, ou des sections "PEEC" des chambres de commerce et d'industrie. Le nombre de collecteurs est passé de 203 en 1998 à 116 en 2007. Ils sont à la tête de filiales et de sociétés soeurs, présents dans l'actionnariat de référence de 116 sociétés anonymes d'HLM représentant un patrimoine de 900 000 logements. Les fonds dits réglementés proviennent de la participation obligatoire à l'effort de construction. Ils s'élevaient, en 2006, à 3,7 millions d'euros, dont 1,4 de collecte et 2,3 de remboursements de prêts.
(2) D. Braye, Rapport Sénat n° 8, déposé le 8 octobre 2008 ; B. Bout, Avis Sénat n° 10, 14 octobre 2008 ; M. Piron, Rapport Assemblée nationale n° 1357, déposé le 18 décembre 2008 ; E. Pinte, Avis Assemblée nationale n° 1316, déposé le 10 décembre 2008 ; F. Scellier, Avis Assemblée nationale n° 1402, déposé le 21 janvier 2009.
(3) Cour des comptes, Rapport public annuel 2007 (pp. 249 à 284) : "la collecte de la contribution des entreprises à la formation professionnelle".
(4) Cour des comptes, Les exonérations de charges sociales en faveur des peu qualifiés, Communication à la Commission des finances, de l'économique générale et du plan de l'Assemblée nationale, juillet 2006. V., aussi, Cour des comptes, Communication à la commission des Finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale - Les exonérations de charges sociales en faveur des territoires et des secteurs d'activité, dans Y. Bur, Rapport d'information n° 1001, Assemblée nationale, juin 2008.
(5) V. aussi Y. Bur, Rapport d'information n° 1001, préc..
(6) Lire nos obs., De quelques réformes en droit social/protection sociale introduites par la loi de finances 2009, Lexbase Hebdo n° 332 du 7 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2253BIB).
(7) Nos obs., Les contreparties aux exonérations de charges sociales : deux lois pour rien ?, Dr. soc., 2009, p. 168 ; M. Elbaum, Economie politique de la protection sociale, PUF, coll. Quadrige Manuels, 2008.
(8) D. Migaud, Rapport Assemblée nationale n° 1781, 7 juillet 1999, annexe 3, Les aides à l'emploi, rapporteur.
(9) Sénat, Annexe au rapport d'information n° 255 de M. Dassault, 21 février 2007.
(10) Lire nos obs., Généralisation du revenu de solidarité active par la loi du 1er décembre 2008, Lexbase Hebdo n° 330 du 10 décembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9256BHB).