Dès 1988, le législateur a souhaité encourager les bénéficiaires du RMI à reprendre un travail : conçu comme un revenu de transition temporaire, le montant du RMI demeure volontairement faible et un mécanisme d'"intéressement" à la reprise d'activité est prévu, permettant de cumuler, dans une certaine mesure et pour un temps limité, l'allocation avec un revenu du travail.
1.1. Prime de retour à l'emploi
Le décret n° 2005-1054 propose une formule monétaire d'incitation au retour à l'emploi, d'un montant de 1 000 euros, à la charge de l'Etat. Sont visés les bénéficiaires des minima sociaux, c'est-à-dire les personnes qui perçoivent, à la date de la création de l'entreprise, de sa reprise ou de l'embauche, le RMI (C. act. soc. fam., art. L. 262-1 N° Lexbase : L5161DKD), l'allocation de solidarité spécifique (C. trav., art. L. 351-10 N° Lexbase : L0312HGN), l'allocation de parent isolé (CSS, art. L. 524-1 N° Lexbase : L7853G7Y) ou, enfin, l'allocation aux adultes handicapés (CSS, art. L. 821-1 N° Lexbase : L0744G9G et art. L. 821-2 N° Lexbase : L0747G9K).
Trois conditions sont posées :
- être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi pendant une durée minimale de 12 mois au cours de la période comprise entre le 1er mars 2004 et le 1er septembre 2005 ;
- entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2006, créer ou reprendre une entreprise ou bien conclure un contrat de travail avec un employeur relevant du secteur privé ou du secteur public ;
- le contrat conclu par le bénéficiaire d'un minimum social doit comporter une durée du travail au moins égale à 78 heures par mois, pendant 4 mois.
La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 (art. 2) complète le décret n° 2005-1054, en précisant certains éléments du régime juridique de la prime. Celle-ci est incessible et insaisissable. L'action du bénéficiaire pour le paiement de la prime et l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement de la prime indûment payée se prescrivent par 2 ans, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. Les organismes chargés de son versement vérifient les déclarations des bénéficiaires.
La prime de retour à l'emploi, instituée par la loi n° 2006-339, est attribuée aux bénéficiaires du RMI, de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation de parent isolé mais pas de l'allocation aux adultes handicapés, contrairement à la prime de retour à l'emploi instituée par le décret n° 2005-1054.
Pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, cette prime est à la charge du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982, relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi (N° Lexbase : L7557A4N). Pour les autres bénéficiaires, elle est à la charge de l'Etat. Le champ de cette nouvelle prime est donc légèrement différent de celui retenu par le décret n° 2005-1054. S'agissant des catégories de bénéficiaires, la condition d'ancienneté au chômage est supprimée : l'ensemble des bénéficiaires de l'API, de l'ASS et du RMI peuvent, désormais, prétendre au bénéfice d'une prime. En revanche, la loi n° 2006-339 ne prévoit pas de pérenniser la prime pour les bénéficiaires de l'AAH, pourtant visés par le décret n° 2005-1054.
La prime de retour à l'emploi est incessible et insaisissable. Tout paiement indu de la prime est récupéré par remboursement en un ou plusieurs versements. La créance peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. L'action du bénéficiaire pour le paiement de la prime ou l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement de la prime indûment payée se prescrit par 2 ans, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. Un décret en Conseil d'Etat déterminera le régime juridique de cette prime : la durée de travail minimale et le nombre de mois consécutifs d'activité auxquels est subordonné le versement de la prime, son montant ainsi que la durée de la période à l'issue de laquelle la prime peut être versée une nouvelle fois, les conditions dans lesquelles les modalités de paiement de cette prime seront organisées dès la fin du premier mois d'activité pour les titulaires d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée de plus de 6 mois.
1.2. Prime forfaitaire mensuelle
Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire, versée chaque mois pendant une période dont la durée sera définie par voie réglementaire, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation. La prime forfaitaire est soumise aux règles applicables à l'allocation de solidarité spécifique relatives au contentieux, à la prescription, à la récupération des indus, à l'insaisissabilité et l'incessibilité. La prime est à la charge du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982.
Versée par l'organisme chargé du versement de l'allocation de solidarité spécifique, la prime n'est pas due lorsque l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité (Cirma). Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'attribution de la prime, notamment, la durée de travail minimale et le nombre de mois d'activité consécutifs auxquels son versement est subordonné, ainsi que son montant.
Les bénéficiaires du RMI qui débutent ou reprennent une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré ont droit, en application de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, à une prime forfaitaire, versée chaque mois pendant une période déterminée. Sa durée sera définie par voie réglementaire. La prime constitue une prestation légale d'aide sociale à la charge du département ayant attribué l'allocation de revenu minimum d'insertion. Elle n'est pas due lorsque l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité ; le bénéficiaire perçoit la prime prévue par le II de l'article L. 524-5 du Code de la Sécurité sociale ou par l'article L. 351-20 du Code du travail (N° Lexbase : L6253ACL).
Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'attribution de la prime, notamment la durée de travail minimale et le nombre de mois d'activité consécutifs auxquels son versement est subordonné, ainsi que son montant qui tient compte de la composition du foyer.
Les rémunérations tirées d'activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l'allocation de parent isolé (CSS, art. L. 524-1 N° Lexbase : L7853G7Y) peuvent, selon des modalités fixées par voie réglementaire, être exclues, en tout ou partie, du montant des ressources servant au calcul de l'allocation. La rémunération d'activité des titulaires de contrats d'avenir et de contrats insertion-revenu minimum d'activité est prise en compte dans les ressources pour un montant forfaitaire égal au revenu minimum d'insertion garanti à une personne isolée (C. act. soc. fam., art. L. 262-2 N° Lexbase : L3240DYN).
L'allocataire qui débute ou reprend une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré a droit à une prime forfaitaire, en application de la loi du 23 mars 2006. Cette prime est versée chaque mois pendant une période dont la durée sera définie par voie réglementaire, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation de parent isolé.
La prime n'est pas due lorsque l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité et lorsque le bénéficiaire perçoit la prime prévue par l'article L. 351-20 du Code du travail (N° Lexbase : L6253ACL). Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'attribution de la prime, notamment, la durée de travail minimale et le nombre de mois d'activité consécutifs auxquels son versement est subordonné, ainsi que son montant.
2. Contrôle et sanctions des bénéficiaires de minima sociaux
Le dispositif pénal actuel de répression de la fraude aux minima sociaux est très disparate : les amendes vont de 3 750 euros pour l'ASS à 375 000 euros pour le RMI ; elles peuvent, selon les cas, être ou non assorties de peines d'emprisonnement (c'est le cas pour le RMI et l'ASS, mais pas pour l'API) d'une durée plus ou moins longue (de 2 mois pour l'ASS à 5 ans pour le RMI).
Outre le fait qu'il est peu cohérent (comment justifier une amende mille fois plus élevée pour le RMI que pour l'ASS ?), ce dispositif ne reflète pas la gravité réelle des faits incriminés. Ces incohérences expliquent que les sanctions actuelles en cas de fraude aux minima sociaux restent très largement inappliquées : les Caisses d'allocation familiales font ainsi état du classement sans suite de plus de 75 % des plaintes déposées en matière de fraude au RMI. La loi du 23 mars 2006 s'est attachée à mettre un terme à ce traitement discriminatoire des sanctions.
2.1. Contrôle des bénéficiaires du RMI
Dans le cas particulier du RMI, la référence au délit d'escroquerie, au sens du Code pénal, rend la sanction très largement inapplicable, car ce délit recouvre des catégories de faits bien précises : pour que les juges en reconnaissent l'existence, il faut pouvoir prouver le recours à une fausse identité, à une fausse qualité, à l'abus d'une qualité vraie ou encore à des manoeuvres frauduleuses. En l'absence de tels faits, les juges sont contraints de classer l'affaire.
Cette sanction défaillante n'est pas sans conséquences. Si elle alimente certainement un sentiment d'impunité, les parlementaires admettent, eux-mêmes, qu'il est très difficile de déterminer l'ampleur des fraudes consécutives à cette situation car l'existence d'un nombre incompressible de fraudes ou de tentatives de fraudes est inhérente à tout système de prestation sociale.
Jusqu'à l'adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 N° Lexbase : L9963HDD), la fraude était assimilée à une escroquerie et était punie d'une amende de 375 000 euros et de 5 ans d'emprisonnement. Mais, compte tenu de la lourdeur des peines, tant au regard des faits qu'au regard de la situation financière des bénéficiaires, ces sanctions ont été très rarement appliquées. Les sanctions prévues en cas de fraude au RMI sont, enfin, totalement disproportionnées par rapport aux sanctions prévues jusqu'ici dans les cas de l'ASS (3 750 euros) et de l'API (4 500 euros).
Les apports de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 en matière de contrôle se résument ainsi :
Lorsqu'il apparaît, au cours d'un contrôle accompli dans l'entreprise par un agent de contrôle, que le salarié a, de manière intentionnelle, accepté de travailler sans que les formalités prévues aux articles L. 143-3 (N° Lexbase : L9571GQK) et L. 320 (N° Lexbase : L8917G7E) du Code du travail aient été accomplies par son ou ses employeurs, cette information est portée à la connaissance du président du conseil général, afin de mettre en oeuvre les dispositions prévues aux articles L. 262-23 (N° Lexbase : L3254DY8), L. 262-27 N° Lexbase : L3256DYA), L. 262-41 (N° Lexbase : L8039GTW), L. 262-46 (N° Lexbase : L5117DKQ) et L. 262-47-1 du Code de l'action sociale et des familles.
Le fait de bénéficier frauduleusement ou de tenter de bénéficier frauduleusement de l'allocation de revenu minimum d'insertion ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 est passible d'une amende de 4 000 euros. En cas de récidive, ce montant est porté au double.
L'inexactitude ou le caractère incomplet, lorsqu'ils sont délibérés, des déclarations faites pour le bénéfice de l'allocation ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 (N° Lexbase : L5152DKZ), ainsi que l'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant ce bénéfice, ayant abouti à des versements indus, peuvent être sanctionnés par une amende administrative prononcée par le président du conseil général, dont le montant ne peut excéder 3 000 euros.
Le président du conseil général informe préalablement l'intéressé des faits qui lui sont reprochés et de l'amende envisagée. Il l'invite à présenter ses observations écrites ou orales, dans un délai d'un mois. L'amende peut être prononcée à l'issue de ce délai et est alors notifiée à l'intéressé. Cette décision est susceptible de recours devant le tribunal administratif. Aucune amende ne peut être prononcée à raison de faits remontant à plus de 2 ans, ni lorsque la personne concernée a, pour les mêmes faits, déjà été définitivement condamnée par le juge pénal ou a bénéficié d'une décision définitive de non-lieu ou de relaxe déclarant que la réalité de l'infraction n'est pas établie ou que cette infraction ne lui est pas imputable. Si une telle décision de non-lieu ou de relaxe intervient postérieurement au prononcé d'une amende administrative par le président du conseil général, la révision de cette amende est de droit. Si, à la suite du prononcé d'une amende administrative par le président du conseil général, une amende pénale est infligée pour les mêmes faits, la première s'impute sur la seconde.
2.2. Contrôle des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé
Avant l'adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006, la fraude à l'API était sanctionnée (CSS, art. L. 554-1 N° Lexbase : L5295DYR), par une amende de 4 500 euros doublée en cas de récidive, sur le modèle prévu pour toutes les prestations familiales. Depuis le 19 décembre 2005, date d'entrée en vigueur de cette loi, l'API relève du régime mis en place pour l'ensemble des prestations versées par des organismes de protection sociale, qui prévoit une amende pénale de 5 000 euros et la possibilité, pour les directeurs des Caf, de prononcer une amende administrative d'un montant maximum de 5 032 euros.
La loi n° 2006-339 n'abroge pas le régime de sanctions qui vient d'être mis en place pour les prestations sociales en général, mais il déroge à ce régime général pour l'API, en atténuant la sanction applicable en cas de fraude à cette allocation : celle-ci sera désormais punie d'une amende de 4 000 euros, doublée en cas de récidive. Si les faits sont d'une gravité telle qu'ils constituent une escroquerie, les sanctions (375 000 euros d'amende et 5 ans d'emprisonnement) se substituent à cette peine.
Par cohérence avec le dispositif proposé pour le RMI (supra), la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 atténue également (3 000 euros au lieu de 5 032 euros) les sanctions administratives pouvant être prononcées à l'égard des bénéficiaires de l'API coupables de déclarations volontairement inexactes ou incomplètes ayant conduit à des versements indus de l'allocation. Comme pour le RMI, la procédure de sanction administrative prévoit un certain nombre de garanties pour les bénéficiaires concernés : information préalable de l'intéressé sur les faits reprochés et le montant de l'amende, invitation à présenter des observations écrites ou orales et à se faire assister par la personne de son choix, délai minimal d'un mois entre l'information adressée au contrevenant et l'édiction de la sanction.
2.3. Contrôle des chômeurs indemnisés
Pour des raisons de cohérence du dispositif de sanction des fraudes avec l'ensemble des prestations d'indemnisation du chômage, les modifications apportées par la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 concernent, également, la fraude à l'assurance chômage, à l'allocation d'insertion, à l'allocation équivalent retraite et aux régimes particuliers d'indemnisation, ainsi que la fraude aux allocations versées par le fonds national pour l'emploi (FNE). A l'heure actuelle, le fait de bénéficier ou de tenter de bénéficier frauduleusement d'une des allocations d'indemnisation du chômage est puni de 3 750 euros d'amende, cette peine pouvant être assortie d'un emprisonnement de 2 mois.
La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 modifie donc l'article L. 365-1 du Code du travail pour aligner ses dispositions sur celles retenues pour le RMI et l'ASS : l'amende prévue en cas de fraude s'élèvera donc désormais à 4 000 euros, le double en cas de récidive. La même peine s'appliquera en cas de fraude à la prime de retour à l'emploi et aux primes forfaitaires d'intéressement. La loi n° 2006-339, créant un nouvel article L. 365-3 dans le Code du travail, prévoit, par coordination avec le dispositif prévu pour le RMI et l'API, la possibilité pour le préfet d'infliger des amendes administratives, d'un montant maximal de 3 000 euros, en cas de déclarations volontairement incomplètes ou inexactes ou d'absence délibérée de signalement d'un changement de situation ayant conduit à des versements indus.
Les politiques d'intéressement (terminologie propre aux économistes) mises en place par le législateur (spécialement, par la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006) sont juridiquement la simple traduction du droit au travail et du devoir de travailler. Mais, l'approche du bénéficiaire d'un minimum social reste abstraite : elle doit être complétée par une analyse économique et sociologique. De récents travaux économiques ont mis, en effet, l'accent sur l'ensemble des variables qui interviennent dans l'arbitrage entre retour à l'emploi et maintien dans une situation de non-emploi avec le bénéfice d'un des minima sociaux. Les gains du retour à l'emploi (salaire procuré par un emploi lorsque le bénéficiaire d'un minimum social reprend un emploi) doivent, en effet, être mis en perspective avec les dépenses nouvelles engagées (garde des enfants, transports...) et le manque à gagner (avantages procurés par le statut de bénéficiaire d'un minimum social, notamment fiscaux). Il est nécessaire de prendre en compte les éléments monétaires et non monétaires qui composent les gains et les coûts de la reprise d'emploi, tout en prenant en compte l'horizon temporel de la décision des individus, leur préférence pour le présent et les possibilités de mobilité sur le marché du travail. En l'état, les études soulignent la faiblesse des gains du retour à l'emploi, à eux seuls insuffisants pour rendre acceptable le "mauvais emploi" disponible au sortir du RMI.