Décision
TGI de Marseille, 15 avril 2004, n° RG 04/02019, Eric Lazari et 36 autres c/ l'Assedic Alpes Provence - l'Unedic (N° Lexbase : A8578DBC) Plan d'aide au retour à l'emploi - Nature juridique - contrat Textes applicables : C. trav., art. L. 351-3 (N° Lexbase : L6262ACW) Liens base : |
Faits
1. Demande de chômeurs tendant à ce que l'Assédic leur verse le montant des allocations tel que prévu par la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 et non celui prévu par la nouvelle convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004, moins avantageux. 2. Demande recevable et condamnation de l'Assédic au versement des allocations de chômage tel qu'initialement prévu par la convention du 1er janvier 2001. |
Solution
1. Le Pare est un contrat. 2. L'Assédic doit verser des allocations au chômeur, conformément à ses engagements contractuels, tels que prévus par le contrat initial (convention assurance chômage 2001). |
Les partenaires sociaux ont entendu renforcer les missions du régime d'assurance chômage en conciliant la priorité de retour à l'emploi et l'évolution des conditions d'indemnisation. A cet effet, ils ont mis en place la convention d'aide au retour à l'emploi, définissant les engagements réciproques du système d'indemnisation et des demandeurs d'emploi, dans le cadre de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 (N° Lexbase : L4594AQ9) et du 1er janvier 2004 (N° Lexbase : L1532DPG). En 2001, la grande nouveauté portait sur le Pare, contrat conclu entre le chômeur et l'Assédic, rappelant les droits et obligations des demandeurs d'emploi susceptibles de bénéficier d'une allocation chômage, ainsi que les engagements de l'ANPE et de l'Unédic (Convention 1er janvier 2001, art. 1, § 1er, c N° Lexbase : L4594AQ9).
La nouvelle convention d'assurance chômage a introduit des innovations très marquées dans le domaine du chômage, suscitant un débat assez vif dans la communauté des juristes, portant sur l'articulation entre la convention d'assurance chômage et la loi ainsi que sur la compatibilité entre ces deux sources (G. Lyon-Caen, Un agrément, des désagréments..., Dr. soc. 2001, p. 377 ; X. Prétot, De la convention du 1er janvier 2001 et de son agrément par la puissance publique -quelques observations -..., Dr. soc. 2001, p. 364). L'interrogation s'est également portée sur la nature même du régime d'assurance chômage, dont certains ont cru voir une mutation profonde consécutive à la nouvelle convention d'assurance chômage (M. Borgetto, La réforme du système d'indemnisation du chômage : vers un retour en force de la logique d'assistance ?, Dr. soc. 2001, p. 355). Le jugement rendu par le TGI de Marseille réactive ces débats : la qualification juridique de contrat est retenue s'agissant du Pare (1) et le TGI en tire la conclusion que l'Assédic, en tant que contractant, était tenue de verser les allocations chômage telles qu'initialement prévues (au titre de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001), sans qu'elle puisse, de ce chef, appliquer l'avenant n° 5 du 27 décembre 2002 à la convention du 1er janvier 2001 (N° Lexbase : L1765DYZ) (2). L'ensemble manque singulièrement de nuance, et les solutions retenues n'emportent pas une franche adhésion. 1. La nécessaire prudence sur la qualification juridique contractuelle du Pare
Le Pare lie indemnisation et aide au retour à l'emploi : chaque salarié privé d'emploi est engagé dans un plan d'aide au retour à l'emploi. Celui-ci rappelle les droits et obligations des demandeurs d'emploi pouvant bénéficier d'une indemnisation résultant des dispositions légales et réglementaires, ainsi que les engagements de l'ANPE et de l'Unédic. Le demandeur d'emploi s'engage, dans le cadre d'un projet d'action personnalisé (Pap) signé avec l'ANPE, en fonction de son degré d'autonomie en matière de recherche d'emploi, à participer à l'évaluation de ses capacités professionnelles, aux entretiens réguliers réalisés en vue d'un accompagnement personnalisé, aux actions définies en commun dans un projet d'action personnalisé et, enfin, à effectuer des actes positifs de recherche d'emploi (Convention 1er janvier 2001, art. 1, § 1-b N° Lexbase : L4594AQ9).
L'analyse contractuelle a été rejetée par le TGI de Paris, en 2002 : selon lui, la signature d'un Pare ne pouvait être considérée comme une contractualisation des rapports entre l'allocataire, l'Assédic et l'ANPE, les engagements pris à cette occasion n'étant que le rappel des obligations voulues par le législateur. Selon une doctrine particulièrement avisée, "il semble bien que le Pare soit contractuel, mais qu'il n'engage les chômeurs à aucune obligation autre que celles déjà prévues par le Code du travail. Dans la demande d'admission à l'assurance chômage, le Pare trouve sa place dans un encart indivisiblement inséré parmi d'autres dans le formulaire unique d'inscription à l'ANPE et de demande d'allocations (cf. le formulaire ANPE/UNEDIC, DAJ 456-01/03). Cet encart ne contient aucune rubrique à compléter qui le personnaliserait. Il se borne à exprimer des engagements certes réciproques, mais impersonnels et généraux" (Y. Rousseau, D. 2003, Somm. 2923). Le TGI de Marseille (jugement rapporté) retient, au contraire, la qualification juridique de contrat, selon une argumentation un peu confuse. Le TGI rappelle que le Pare se contente de reprendre des obligations légales et réglementaires, contenues dans le Code du travail. En outre, selon le TGI, le Pare comporte un double engagement réciproque : celui, pour le chômeur, de respecter les engagements souscrits au titre du projet d'action personnalisé (Pap) avec l'ANPE ; en contrepartie du respect de cet engagement, se trouve l'obligation pour l'Assédic de verser cette indemnité. Et le TGI de poursuivre : "l'interdépendance de ces deux obligations réciproques souscrites par deux personnes de droit privé caractérise la formation d'un contrat synallagmatique, chacun des engagements étant la cause de l'autre". Cette argumentation ne résiste pas à une analyse sérieuse, aussi bien tirée du droit des obligations que du droit de l'emploi. Le caractère synallagmatique d'un contrat est indifférent à la qualification juridique de contrat, qui peut fort bien ne pas être synallagmatique, mais simplement unilatéral. Le TGI évoque la nature de droit privé de l'un des cocontractants, mais outre le fait que l'ANPE ne soit pas une personne morale de droit privé, cette nature juridique importe peu, s'agissant d'une recherche sur la qualification juridique d'un rapport, contractuel ou non. Mais surtout, l'engagement pris par le chômeur, dont l'ANPE est créancier, est totalement étranger à la dette contractée par l'Assédic, vis-à-vis du chômeur, relativement au paiement de l'allocation chômage. Le chômeur est, dans ses relations avec l'Assédic, en situation d'assuré : parce qu'il a cotisé un temps minimum (et qu'il remplit d'autres conditions), l'Assédic doit lui verser une "prime", en raison de la réalisation d'un "sinistre" (le chômage). 2. La nécessaire prudence sur la nature des droits et obligations du Pare
Une fois retenue la qualification juridique de "contrat", le TGI de Marseille a pris acte que l'Assédic n'avait pas satisfait à ses engagements contractuels, tels que fixés par la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 (applicable à l'époque des faits). Or, face aux difficultés financières traversées par le régime, l'Unédic a modifié le calcul des allocations de chômage. Les chômeurs ont ainsi considéré, devant le TGI de Marseille, que l'Assédic n'avait pas respecté le contrat "Pare". Le règlement annexé à la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 prévoit (art. 12, § 1er, a) que les durées d'indemnisation sont déterminées en fonction des périodes d'affiliation et de l'âge du salarié involontairement privé d'emploi à la date de la fin de contrat de travail retenue pour l'ouverture des droits. Les durées d'indemnisation étaient fixées à 122 jours lorsque le salarié privé d'emploi remplissait la condition de 122 jours d'affiliation ou 606 heures de travail ; 213 jours lorsque le salarié privé d'emploi remplissait la condition de 181 jours d'affiliation ou 910 heures ; 456 jours pour le salarié privé d'emploi âgé de moins de 50 ans, 639 jours pour celui âgé de 50 ans et plus, lorsqu'ils remplissaient la condition de 243 jours d'affiliation ou 4095 heures de travail ; 912 jours pour le salarié privé d'emploi âgé de moins de 50 ans, 1369 jours pour le salarié privé d'emploi âgé de 50 ans et plus, lorsqu'ils remplissaient la condition de 426 jours d'affiliation ou 2123 heures travaillées ; 1369 jours pour le salarié privé d'emploi âgé de 50 ans et de moins de 55 ans, 1825 jours pour celui âgé de 55 ans et plus, lorsqu'ils remplissaient la condition de 821 jours d'affiliation ou 4095 heures travaillées. Mais, l'avenant n° 5 du 27 décembre 2002 (N° Lexbase : L1765DYZ) (repris et confirmé par la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004) a modifié en profondeur la durée de versement des allocations. Les durées d'indemnisation sont déterminées en fonction des périodes d'affiliation et de l'âge du salarié privé d'emploi à la date de la fin de contrat de travail (terme du préavis) retenue pour l'ouverture des droits. Les durées d'indemnisation sont désormais de : 213 jours lorsque le salarié privé d'emploi remplit la condition de 182 jours d'affiliation ou 910 heures de travail ; 700 jours lorsque le salarié privé d'emploi remplit la condition de 426 jours d'affiliation ou 2123 heures de travail ; 1095 jours pour le salarié privé d'emploi âgé de 50 ans et plus, lorsqu'il remplit la condition de 821 jours d'affiliation ou 4095 heures de travail ; 1277 jours pour le salarié privé d'emploi âgé de 57 ans et plus, lorsqu'il remplit la condition de 821 jours d'affiliation ou 4095 heures de travail et justifie de 100 trimestres validés par l'assurance vieillesse.
En disposant que le versement des allocations et l'accès aux services prévus par le règlement annexé à la convention d'assurance chômage sont consécutifs à la signature du plan d'aide au retour à l'emploi, le régime d'assurance chômage a initié un débat très ouvert sur le caractère obligatoire ou non de la conclusion d'un Pare. En d'autres termes, il s'agit d'apprécier dans quelle mesure la conclusion d'un Pare constitue ou non une nouvelle condition au bénéfice du revenu de remplacement (C. Tuchszirer, Le Pare, outil d'un nouveau parcours d'insertion pour les chômeurs ?, Dr. soc. 2001, p. 393 ; C. Willmann, La nouvelle convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001... et après ?, RD. sanit. soc. 2001, p. 191 ; Le chômeur cocontractant, Dr. soc. 2001, p. 384). La doctrine est partagée. Ainsi, Gérard Lyon-Caen estime que "le droit au revenu de remplacement, qui découlait des cotisations versées, au cours de l'activité professionnelle, n'est plus garanti ; il est subordonné à une prise d'engagement précis de la part du chômeur [...] la cause de la somme d'argent [l'allocation chômage] qu'il reçoit n'est pas la réalisation du risque [...] c'est l'engagement qu'il souscrit" - Un agrément, source de quelques désagréments..., Dr. soc. 2001, p.). Le TGI de Paris, en 2002, s'en est tenu à la valeur symbolique du Pare pour rejeter l'idée d'obligation de conclure un Pare : "la signature qui lui est, à ce jour demandée, si elle est plus précise et plus explicite et si elle présente un aspect symbolique plus fort que précédemment, ne modifie en rien les obligations du demandeur d'emploi ni ne limite ses droits" (TGI Paris, 2 juill. 2002, D. 2003, Somm. 2923, obs. Y. Rousseau). Dans le même sens, le Comité supérieur de l'emploi, consulté à l'occasion de l'agrément de la convention du 1er janvier 2001, estime que "le plan d'aide au retour à l'emploi ne constitue pas une nouvelle condition au bénéfice du revenu de remplacement" (Comité supérieur de l'emploi, rapport relatif à l'agrément de la convention du 1er janvier 2001, publié dans l'arrêté du 4 décembre 2000, LS 22 décembre 2000, D 4, n° 8131 : "La signature du Pare ne constitue donc pas une condition supplémentaire de versement des allocations d'assurance chômage [...]. Les signataires ne demandent donc pas d'évolution du Code du travail concernant l'ouverture du droit à indemnisation, à la différence des textes signés le 29 juin et le 23 septembre 2000. Ce point est au surplus confirmé par le visa dans la convention de l'article L. 351-1 du Code du travail qui détermine les conditions d'indemnisation"). Imprudemment, le TGI de Marseille considère pourtant que la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 a fait de la signature du Pare un préalable obligatoire au versement des allocations. |