La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 5 mars 2002 , pose le principe selon lequel les agissements de harcèlement sexuel constituent "nécessairement une faute grave". Au-delà de l'apport intéressant de cet arrêt, ce dernier est l'occasion de préciser les nouvelles règles applicables au harcèlement sexuel et issues de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002.
Dans cette affaire, le directeur médical et du personnel d'une société est licencié pour cause de harcèlement sexuel sur un subordonné. La cour d'appel d'Aix-en-Provence relève les faits de harcèlement sexuel, mais elle écarte la faute grave et condamne la société à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents. La société se pourvoit alors en cassation, estimant que les faits commis par le directeur sont constitutifs d'une faute grave privative de l'indemnité compensatrice de préavis.
La Cour de cassation censure les juges du fond au visa des articles L. 122-46 ([lxb=L5584ACS]), L. 122-6 ([lxb=L5556ACR])et L. 122-8 ([lxb=L5558ACT]) du Code du travail. Elle énonce "qu'aux termes de l'article L. 122-46 du Code du travail, constituent un harcèlement sexuel les agissements de la personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur un salarié dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ". En conséquence, "il s'agit nécessairement d'une faute grave" en l'espèce.
Les faits à l'origine du litige étant antérieurs à la loi de modernisation sociale, la définition du harcèlement sexuel donnée par la Cour de cassation est celle posée par l'article L. 122-46 du Code du travail tel que rédigé sous l'empire de la loi du 2 novembre 1992 et modifié par la loi relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes du 9 mai 2001 ([lxb=L7076ASU]). Il s'agit donc de l'un des derniers arrêts dans lesquels cette définition sera donnée.
En effet, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale, les agissements de harcèlement sexuel n'étaient sanctionnés que lorsqu'ils émanaient d'un employeur, de son représentant, ou de toute personne abusant de l'autorité que lui conféraient ses fonctions, comme c'était le cas en l'espèce (cf. notamment, Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-40.583, [lxb=A9027AGG]). Or, cette loi a supprimé le critère de l'abus d'autorité. En effet, l'article L. 122-46 du Code du travail ([lxb=L5584ACS]) dispose désormais qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de "toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers".
Il n'est désormais plus question d'un harcèlement lié à l'abus d'autorité ; toutes les situations de harcèlement sont envisagées, qu'elles émanent de l'employeur, de son représentant ou des salariés de l'entreprise. Désormais, le harcèlement sexuel, tout comme le harcèlement moral, est sanctionné d'une manière générale, peu importe la personne dont il émane.
L'apport de l'arrêt ne réside donc pas dans la définition du harcèlement sexuel qu'il donne, cette définition n'ayant plus cours aujourd'hui.
En revanche, l'arrêt est intéressant en ce qu'il énonce clairement pour la première fois que les agissements de harcèlement sexuel constituent "nécessairement une faute grave". L'article L. 122-47 du Code du travail ([lxb=L5585ACT]) rend passible d'une sanction disciplinaire tout salarié ayant procédé à de tels agissements. La Cour avait déjà eu l'occasion de juger que le salarié qui commettait des agissements de harcèlement sexuel pouvait être licencié pour faute grave, et elle n'hésitait pas à casser les décisions des juges du fond qui n'admettaient qu'un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 3 mai 1990, n° 88-41.513, [lxb=A0046AAX] ; Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-40.583). La solution n'est donc pas nouvelle, mais elle est désormais affirmée avec force et elle devient systématique. A partir du moment où un salarié se rend coupable de harcèlement sexuel, son comportement est constitutif d'une faute grave justifiant son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement ; il s'agit d'une présomption irréfragable.
A cette sanction disciplinaire se greffent des sanctions pénales. En effet, le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (article 222-33 du Code pénal, [lxb=L2404AMY]).
Précisons pour terminer que, s'agissant du harcèlement sexuel comme du harcèlement moral, les règles relatives à la charge de la preuve ont été allégées par la loi de modernisation sociale pour la victime du harcèlement (article L. 122-52 du Code du travail). De plus, une procédure de médiation peut être engagée par toute personne s'estimant victime de harcèlement moral ou sexuel (nouvel article L. 122-54 du Code du travail). Enfin, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions relatives au harcèlement sexuel ou moral (nouvel article L. 122-53 du Code du travail).
Autant de mesures et de sanctions qui devraient en partie décourager les harceleurs potentiels...
Sonia Koleck-Desautel
Docteur en droit
A lire également :
"Le harcèlement sexuel" dans la base juridique "Droit du travail" N° Lexbase : E1862AWU
"Loi de modernisation sociale : le dossier" N° Lexbase : N2285AAU