Cass. soc., 27-02-2013, n° 12-15.807, FS-P+B+R, Rejet



SOC. ELECTIONS DG

COUR DE CASSATION

Audience publique du 27 février 2013

Rejet

M. LACABARATS, président

Arrêt no 431 FS-P+B+R

Pourvoi no E 12-15.807

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par

1o/ la société France Télécom, société anonyme, dont le siège est Paris cedex 15,

2o/ la société Orange France, société anonyme, dont le siège est Arcueil cedex,

3o/ la société Orange Distribution, société anonyme, dont le siège est Bagneux,

4o/ la société Orange Réunion, société anonyme, dont le siège est Saint-Denis,

contre le jugement rendu le 9 mars 2012 par le tribunal d'instance de Villejuif (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant

1o/ à la fédération Syndicale des activités postales et de télécommunications solidaires unitaires et démocratiques SUD PTT, dont le siège est Paris,

2o/ à M. Patrick T, domicilié Aubagne,

3o/ à M. Ali S, domicilié Marseille, défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 janvier 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Huglo, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, M. Béraud, Mme Lambremon, M. Struillou, conseillers, Mmes Pécaut-Rivolier, Sabotier, Salomon, conseillers référendaires, M. Weissmann, avocat général référendaire, Mme Bringard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Huglo, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société France Télécom, de la société Orange France, de la société Orange Distribution, de la société Orange Réunion, l'avis de M. Weissmann, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens, réunis

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Villejuif, 9 mars 2012), que, par lettre du 2 décembre 2011, la Fédération syndicale des activités postales et de télécommunications SUD a désigné MM. T et S en qualité de délégués syndicaux de l'établissement secondaire Portail de l'établissement VMF d'Arcueil de l'unité économique et sociale France Télécom ; que, par requête du 15 décembre 2011, les sociétés France Télécom, Orange France, Orange Distribution et Orange Réunion ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ces désignations ;

Attendu que les sociétés France Télécom, Orange France, Orange Distribution et Orange Réunion font grief au jugement de rejeter leur demande d'annulation de ces désignations alors, selon le moyen

1o/ que, loin d'être dérogatoire aux conditions légales de désignation des délégués syndicaux, l'article L. 2143-3 al.2 du code du travail est uniquement destiné à régler le cas où un syndicat ayant légalement exercé son pouvoir de désignation au profit d'un candidat ayant recueilli plus de 10% de voix se trouve privé de son représentant syndical par une défection de ce dernier en cours de mandat et ne dispose plus, alors, de candidat ayant obtenu un score personnel suffisant, ce qui l'autorise à recourir, entre deux élections, soit à de simples candidats, soit à de simples adhérents ; de sorte qu'en décidant que le syndicat SUD, qui n'avait jamais disposé d'un titulaire remplissant les conditions légales, dans le périmètre de désignation, pouvait à défaut mandater de simples "candidats", le juge d'instance a violé par fausse application le texte susvisé ;

2o/ qu'en énonçant que chaque organisation syndicale désigne un ou plusieurs délégués syndicaux parmi " les candidats " qui ont recueilli au moins 10% des suffrages, l'article L. 2143-3 du code du travail vise l'ensemble des candidats quelle que soit leur appartenance syndicale et pas seulement ceux présentés sous les couleurs du syndicat auteur des désignations, de sorte que la désignation prévue par l'alinéa 2 de ce texte, de candidats n'ayant pas obtenu 10% des suffrages ou de simples adhérents, ne peut intervenir qu'après épuisement des candidats ayant recueilli au moins 10% des suffrages au sein du même établissement, toutes appartenances syndicales confondues ; qu'en validant cependant les désignations litigieuses au motif que le syndicat SUD ne disposait pas dans l'établissement secondaire considéré de candidats propres, le tribunal d'instance a violé par fausse application l'article L. 2143-3 du code du travail ;

3o/ qu'il en est d'autant plus ainsi qu'en subordonnant la désignation aux fonctions de délégué syndical à la condition préalable que le salarié pressenti ait présenté sa candidature aux élections et obtenu 10 % des suffrages, le législateur a exigé que le délégué syndical soit choisi parmi les salariés disposant d'une double investiture, celle du syndicat qui le désigne mais aussi et avant tout celle des salariés qui lui ont accordé leur vote ; que méconnaît l'objectif du législateur d'associer désormais les salariés au choix des représentants syndicaux et viole de plus fort l'article L. 2143-3 du code du travail le juge d'instance qui, en validant la désignation de MM. T et S, privilégie des candidats n'ayant pas obtenu l'investiture des électeurs ;

Mais attendu qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, est en droit de désigner un délégué syndical ; que l'obligation de choisir ce délégué en priorité parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles n'a pas pour objet ou pour effet de priver

cette organisation syndicale du droit de disposer d'un représentant dès lors qu'elle a présenté des candidats à ces élections dans le périmètre de désignation ;

Et attendu que le tribunal a jugé à bon droit que, s'il n'est pas exclu qu'un syndicat puisse désigner un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat, qui a obtenu au moins 10 % des voix et qui l'accepte librement, l'article L. 2143-3 du code du travail n'exige pas de l'organisation syndicale qu'elle propose, préalablement à la désignation d'un délégué syndical en application de l'alinéa 2 de l'article précité, à l'ensemble des candidats ayant obtenu au moins 10 %, toutes listes syndicales confondues, d'être désigné délégué syndical ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés France Télécom, Orange France, Orange Distribution et Orange Réunion à payer à la Fédération syndicale des activités postales et de télécommunications SUD, la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour les sociétés France Télécom, Orange France, Orange Distribution et Orange Réunion

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait reproche au jugement attaqué d'avoir débouté les sociétés FRANCE TELECOM, ORANGE FRANCE, ORANGE DISTRIBUTION et ORANGE RÉUNION de leurs demandes tendant à l'annulation des désignations de Messieurs T et S en qualité respectivement de délégué syndical et de délégué syndical adjoint au sein de l'établissement secondaire " Portail " de l'établissement principal "VMF" ;

AUX MOTIFS QUE "sur les conditions d'application de l'article L.2143-3 alinéa 2 du code du travail au profit du syndicat SUD-PTT au sein de l'établissement Portail qu'il est établi et non contesté d'une part que Monsieur Patrick T et Monsieur Ali S ont été candidats aux élections des membres titulaires et suppléants du comité de l'établissement VMF et que Monsieur Patrick T a été candidat aux élections de délégués du personnel de l'établissement secondaire Portail, et d'autre part qu'ils n'ont pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés ; qu'au niveau de l'établissement principal VMF, chaque organisation syndicale peut désigner 23 délégués syndicaux en application des dispositions conventionnelles ; qu'il ressort des procès-verbaux d'élections que le syndicat SUD-PTT a présenté tous collèges confondus 29 candidats au niveau de l'établissement principal VMF, dont 14 ont obtenu un score d'audience d'au moins 10%, dans les 1er et deuxième collèges ; qu'au sein de l'établissement secondaire Portail, il est soutenu et non contesté que le syndicat SUD-PTT dispose seulement de 3 candidats, lesquels n'ont pas obtenu le score de 10 % ; que la société FRANCE TELECOM soutient que le syndicat SUD-PTT ne peut désigner parmi ses propres candidats des DS n'ayant pas obtenu le score de 10 % alors qu'au sein de l'établissement, d'autres candidats se présentant sur des listes syndicales différentes ont obtenu l'audience électorale requise par la loi ; que néanmoins, en application de l'alinéa 2 de l'article L.2143-3 du code du travail, l'organisation syndicale représentative qui ne dispose pas dans l'établissement de candidat ayant obtenu au moins 10 % des voix peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ; que s'il n'est pas exclu qu'un syndicat puisse désigner en qualité de délégué syndical un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat, qui a obtenu plus de 10 % des voix, et qui l'accepte librement, ce texte n'exige pas de l'organisation syndicale qui n'a pas de candidat au-dessus du seuil qu'elle propose, préalablement à toute désignation d'un délégué syndical, à l'ensemble des candidats ayant obtenu plus de 10% des voix, toute liste syndicale confondue, d'être désigné délégué syndical pour son propre compte ; qu'en l'espèce, le syndicat SUD-PTT ne dispose pas de candidats au sein de l'établissement secondaire ayant obtenu le score requis et peut à juste titre désigner Monsieur Patrick T et Monsieur Ali S, candidats aux dernières élections, en qualité de délégués syndicaux principal et adjoint de l'établissement secondaire Portail ; que par conséquent la demande d'annulation est rejetée" ;

ALORS QUE loin d'être dérogatoire aux conditions légales de désignation des délégués syndicaux, l'article L.2143-3 al.2 du code du travail est uniquement destiné à régler le cas où un syndicat ayant légalement exercé son pouvoir de désignation au profit d'un candidat ayant recueilli plus de 10% de voix se trouve privé de son représentant syndical par une défection de ce dernier en cours de mandat et ne dispose plus, alors, de candidat ayant obtenu un score personnel suffisant, ce qui l'autorise à recourir, entre deux élections, soit à de simples candidats, soit à de simples adhérents ; de sorte qu'en décidant que le syndicat SUD, qui n'avait jamais disposé d'un titulaire remplissant les conditions légales, dans le périmètre de désignation, pouvait à défaut mandater de simples "candidats", le juge d'instance a violé par fausse application le texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le pourvoi fait reproche au jugement attaqué d'avoir débouté les sociétés France TELECOM, ORANGE FRANCE, ORANGE DISTRIBUTION et ORANGE RÉUNION de leurs demandes tendant à l'annulation des désignations de Messieurs T et S en qualité respectivement de délégué syndical et de délégué syndical adjoint au sein de l'établissement secondaire " Portail " de l'établissement principal "VMF" ;

AUX MOTIFS QUE "sur les conditions d'application de l'article L.2143-3 alinéa 2 du code du travail au profit du syndicat SUD-PTT au sein de l'établissement Portail qu'il est établi et non contesté d'une part que Monsieur Patrick T et Monsieur Ali S ont été candidats aux élections des membres titulaires et suppléants du comité de l'établissement VMF et que Monsieur Patrick T a été candidat aux élections de délégués du personnel de l'établissement secondaire Portail, et d'autre part qu'ils n'ont pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés ; qu'au niveau de l'établissement principal VMF, chaque organisation syndicale peut désigner 23 délégués syndicaux en application des dispositions conventionnelles ; qu'il ressort des procès-verbaux d'élections que le syndicat SUD-PTT a présenté tous collèges confondus 29 candidats au niveau de l'établissement principal VMF, dont 14 ont obtenu un score d'audience d'au moins 10%, dans les 1er et deuxième collèges ; qu'au sein de l'établissement secondaire Portail, il est soutenu et non contesté que le syndicat SUD-PTT dispose seulement de 3 candidats, lesquels n'ont pas obtenu le score de 10% ; que la société FRANCE TELECOM soutient que le syndicat SUD-PTT ne peut désigner parmi ses propres candidats des DS n'ayant pas obtenu le score de 10 % alors qu'au sein de l'établissement, d'autres candidats se présentant sur des listes syndicales différentes ont obtenu l'audience électorale requise par la loi ; que néanmoins, en application de l'alinéa 2 de l'article L.2143-3 du code du travail, l'organisation syndicale représentative qui ne dispose pas dans l'établissement de candidat ayant obtenu au moins 10 % des voix peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ; que s'il n'est pas exclu qu'un syndicat puisse désigner en qualité de délégué syndical un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat, qui a obtenu plus de 10 % des voix, et qui l'accepte librement, ce texte n'exige pas de l'organisation syndicale qui n'a pas de candidat au-dessus du seuil qu'elle propose, préalablement à toute désignation d'un délégué syndical, à l'ensemble des candidats ayant obtenu plus de 10% des voix, toute liste syndicale confondue, d'être désigné délégué syndical pour son propre compte ; qu'en l'espèce, le syndicat SUD-PTT ne dispose pas de candidats au sein de l'établissement secondaire ayant obtenu le score requis et peut à juste titre désigner Monsieur Patrick T et Monsieur Ali S, candidats aux dernières élections, en qualité de délégués syndicaux principal et adjoint de l'établissement secondaire Portail ; que par conséquent la demande d'annulation est rejetée" ;

ALORS QU'en énonçant que chaque organisation syndicale désigne un ou plusieurs délégués syndicaux parmi "les candidats" qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages, l'article L. 2143-3 du code du travail vise l'ensemble des candidats quelle que soit leur appartenance syndicale et pas seulement ceux présentés sous les couleurs du syndicat auteur des désignations, de sorte que la désignation prévue par l'alinéa 2 de ce texte, de candidats n'ayant pas obtenu 10 % des suffrages ou de simples adhérents, ne peut intervenir qu'après épuisement des candidats ayant recueilli au moins 10 % des suffrages au sein du même établissement, toutes appartenances syndicales confondues ; qu'en validant cependant les désignations litigieuses au motif que le syndicat SUD ne disposait pas dans l'établissement secondaire considéré de candidats propres, le tribunal d'instance a violé par fausse application l'article L. 2143-3 du code du travail ;

ALORS QU'il en est d'autant plus ainsi qu'en subordonnant la désignation aux fonctions de délégué syndical à la condition préalable que le salarié pressenti ait présenté sa candidature aux élections et obtenu 10 % des suffrages, le législateur a exigé que le délégué syndical soit choisi parmi les salariés disposant d'une double investiture, celle du syndicat qui le désigne mais aussi et avant tout celle des salariés qui lui ont accordé leur vote ; que méconnaît l'objectif du législateur d'associer désormais les salariés au choix des représentants syndicaux et viole de plus fort l'article L. 2143-3 du code du travail le juge d'instance qui, en validant la désignation de MM. T et S, privilégie des candidats n'ayant pas obtenu l'investiture des électeurs.

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