SOC. ELECTIONS CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 27 février 2013
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 430 FS-P+B
Pourvoi no N 11-23.331
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. Salim Z, domicilié Paris,
2o/ M. Jacques Y, domicilié Juvisy-sur-Orge,
3o/ M. Nuno X, domicilié Le Bouscat,
4o/ le syndicat SNPCA CFE CGC, dont le siège est France Paris cedex 15,
contre le jugement rendu le 10 août 2011 par le tribunal d'instance de Paris 15e (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant
1o/ à la société France télévisions, dont le siège est France Paris cedex 15,
2o/ au syndicat CGT, dont le siège est France Paris cedex 15,
3o/ au syndicat CFDT médias, dont le siège est France Paris,
4o/ au syndicat UNSA CFTC, dont le siège est Boulogne cedex,
5o/ au syndicat FO Maison Radio France, dont le siège est Paris cedex 16,
6o/ au syndicat SUD médias télévisions, dont le siège est France Paris,
7o/ au syndicat SNJ, dont le siège est Paris,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 janvier 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Huglo, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, M. Béraud, Mme Lambremon, M. Struillou, conseillers, Mmes Pécaut-Rivolier, Sabotier, conseillers référendaires, M. Finielz, premier avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. Z, Y, X et du syndicat SNPCA CFE CGC, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société France télévisions, l'avis de M. Finielz, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 15e, 10 août 2011), que, par lettre du 7 juin 2011, la société France télévisions avisait le syndicat SNPCA CFE CGC que, n'ayant pas obtenu au moins 10 % des suffrages au premier tour des élections professionnelles ayant eu lieu dans les établissements de la société situés en métropole et dans les départements d'outre-mer, il n'était plus représentatif ; que le syndicat a désigné le 14 juin 2011 MM. Z, Y et X en qualité de délégués syndicaux centraux ; que la société France télévisions a saisi le tribunal d'une demande d'annulation de ces désignations ;
Attendu que le syndicat SNPCA CFC CGC et MM. Z, Y et X font grief au jugement d'annuler les désignations en qualité de délégués syndicaux centraux alors, selon le moyen
1o/ qu'aux termes de l'article L. 2143-5 du code du travail, " dans les entreprises de deux mille salariés et plus, comportant deux établissements de cinquante salariés ou plus, chaque syndicat représentatif " dans l'entreprise " peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués syndicaux d'établissement " et " ce délégué syndical central est désigné par le syndicat qui a recueilli au moins au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, en additionnant les suffrages de l'ensemble des établissements compris dans l'entreprise " ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables à toutes les entreprises à établissements multiples dont le siège social est situé en métropole, que l'ensemble des résultats des élections se déroulant dans les établissements distincts, y compris ceux situés dans les collectivités d'outre-mer auxquels ne sont pas applicables les dispositions de la loi du 20 août 2008, doivent être pris en compte pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau de l'entreprise permettant à ces dernières de désigner un délégué syndical central ; qu'en décidant du contraire, le tribunal d'instance a violé le texte précité et les articles L. 2122-1 du code du travail ;
2o/ que le droit pour tout travailleur de participer par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination des conditions de travail revêt une valeur constitutionnelle et suppose le respect de l'égalité de traitement entre les salariés de l'entreprise pour la mise en place des institutions représentatives du personnel ; qu'en décidant que devaient être exclus du décompte des suffrages exprimés lors des élections des comités d'établissement, servant à déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau de l'entreprise, les résultats des élections ayant lieu, au sein de la société France télévisions, dans les collectivités territoriales de Mayotte, Wallis et Futuna et de la Nouvelle-Calédonie, le tribunal d'instance a violé l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble les articles L. 2143-5 et L. 2631-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2631-1 du code du travail et des articles 73 et suivants de la loi no 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant du ministère de la France d'outre-mer que les accords résultant de la négociation collective entre l'employeur et les délégués syndicaux centraux ne sont pas applicables aux établissements implantés à Mayotte ou à Wallis et Futuna ; que le droit du travail en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ne relève plus de la compétence de l'Etat mais de celle de chacune de ces deux collectivités ; que c'est dès lors à bon droit et sans encourir les griefs du moyen que le tribunal a décidé que, la loi no 2008-789 du 20 août 2008 n'étant pas applicable dans ces collectivités, la représentativité d'une organisation syndicale ayant désigné des délégués syndicaux centraux devait s'apprécier en prenant en compte les résultats des élections professionnelles ayant eu lieu en métropole et dans les départements d'outre-mer ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour MM. Z, Y et X et le syndicat SNPCA CFE CGC
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir annulé les désignations de Messieurs Jacques Y, Salim Z et Nuno X en qualité de délégués syndicaux centraux effectuées par le syndicat SNPCA CFE-CGC, le 14 juin 2011, au sein de la société FRANCE TELEVISIONS,
AUX MOTIFS QUE sur l'achèvement du processus électoral, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, un syndicat doit, pour être représentatif au sein d'une entreprise, recueillir 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires du comité d'entreprise ou d'établissement ; que lorsque l'entreprise est divisée en établissements distincts pour l'élection des comité d'établissement, les résultats des élections dans les établissements doivent être pris en compte et additionnés ; qu'en l'espèce, le processus électoral est achevé en métropole et dans les départements d'outremer et des élections doivent se dérouler en septembre 2011 à Mayotte, Wallis et Futuna et en Nouvelle Calédonie ; que les défendeurs prétendent pouvoir bénéficier du régime transitoire par la loi du 5 mars 2009 dans l'attente des élections à venir dans les collectivités territoriales d'outre-mer ; que la société FRANCE TELEVISIONS soutient au contraire que ces derniers résultats n'ayant pas à être pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés, le syndicat SNPCA CFE-CGC a d'ores et déjà perdu sa représentativité, eu égard au pourcentage des suffrages obtenus ;
QUE, que le principe de la " spécialité législative ", qui signifie que les lois édictées pour la France métropolitaine ne sont pas applicables de plein droit dans les collectivités d'outre-mer, est repris par l'article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958 aux termes duquel les collectivités d'outre-mer ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elle au sein de la République, statut défini par une loi organique qui fixent les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; que la loi du 20 août 2008 ne comporte aucune disposition prévoyant son applicabilité aux collectivités d'outre-mer ; que l'article 74-1 de la Constitution dispose que, dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en nouvelle Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l'organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure ; qu'en l'espèce, de telles ordonnances n'ont pas été prises ;
Que le changement récent de Mayotte est sans incidence dans la mesure où la loi du 7 décembre 2010 prévoit à son article 30 la possibilité pour le Gouvernement de modifier les règles législatives applicables à Mayotte par ordonnances, ce qui n'a pas été le cas à ce jour en la matière ; que le code du travail métropolitain ne prévoit aucune dispositions relatives à la Nouvelle Calédonie ; que les dispositions spécifiques applicables à Mayotte et à Wallis-et-Futuna concernent le comité central d'entreprise (article L.2632-1), la négociation des conventions et accords collectifs (article L.2631-1) et le comité de groupe (article L.2632-2) ; que pour le surplus, Mayotte, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle Calédonie disposent chacune d'un code du travail qui leur est propre ;
Que dès lors, et en l'absence de la conclusion d'un accord de transposition entre la société FRANCE TELEVISIONS et les partenaires sociaux comme prévu par les articles L.2222-1 du code du travail, les dispositions du code du travail métropolitain relatives à la détermination de la représentativité des syndicats ne sont pas applicables à Mayotte, Wallis-et-Futuna et à la Nouvelle Calédonie ; qu'en l'absence de difficulté sérieuse, il convient de rejeter la demande de saisine pour avis de la Cour de cassation et de dire que le processus électoral pour apprécier la représentativité du syndicat SNPCA CFE-CGC est achevé ;
Que l'analyse de la société FRANCE TELEVISIONS correspond au demeurant à celle du ministère du travail communiquée le 16 juin 2010 au syndicat SNJ France Télévisions et confirmée dans un courriel du 6 juillet 2011 ;
Qu'enfin les arguments invoqués par les défendeurs ne sauraient remettre en cause les dispositions constitutionnelles, eu égard à la hiérarchie des normes ;
QUE, sur les résultats des élections, la société FRANCE TELEVISIONS a calculé la représentativité des syndicats en additionnant les suffrages exprimés dans chacun des établissements concernés ; qu'elle a également tenu compte de l'accord de répartition passé par le syndicat SNPCA CFE-CGC et les syndicats CFDT et SNJ pour le pôle de gouvernance Nord Est (35% pour le SNPCA CFE-CGC pour le collège des techniciens, agents de maîtrise et assimilés et 25% pour le collège des ingénieurs, chefs de service, cadres et assimilés) ; que l'audience électorale du syndicat SNPCA étant inférieure à 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections, les désignations de Messieurs Y, Z et X doivent être annulées ;
ALORS D'UNE PART QUE aux termes de l'article L.2143-5 du Code du travail, " dans les entreprises de deux mille salariés et plus, comportant deux établissements de cinquante salariés ou plus, chaque syndicat représentatif
" dans l'entreprise " peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués syndicaux d'établissement " et " ce délégué syndical central est désigné par le syndicat qui a recueilli au moins au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, en additionnant les suffrages de l'ensemble des établissements compris dans l'entreprise " ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables à toutes les entreprises à établissements multiples dont le siège social est situé en métropole, que l'ensemble des résultats des élections se déroulant dans les établissements distincts, y compris ceux situés dans les collectivités d'outre-mer auxquels ne sont pas applicables les dispositions de la loi du 20 août 2008, doivent être pris en compte pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau de l'entreprise permettant à ces dernières de désigner un délégué syndical central ; qu'en décidant du contraire, le Tribunal d'instance a violé le texte précité et les articles L.2122-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le droit pour tout travailleur de participer par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination des conditions de travail revêt une valeur constitutionnelle et suppose le respect de l'égalité de traitement entre les salariés de l'entreprise pour la mise en place des institutions représentatives du personnel ; qu'en décidant que devaient être exclus du décompte des suffrages exprimés lors des élections des comités d'établissement, servant à déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau de l'entreprise, les résultats des élections ayant lieu, au sein de la société France TELEVISIONS, dans les collectivités territoriales de Mayotte, Wallis et Futuna et de la Nouvelle Calédonie, le Tribunal d'instance a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble les article L.2143-5 et L.2631-1 du Code du travail.