SOC. ELECTIONS LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 14 novembre 2012
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 2372 FS-P+B
Pourvoi no P 12-14.780
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), prise en son établissement Est-Voie, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est Paris cedex 12,
contre le jugement rendu le 20 février 2012 par le tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant
1o/ au Syndicat autonome Tout RATP, dont le siège est Paris,
2o/ à M. Dominique Y, domicilié Saint-Denis,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 octobre 2012, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Huglo, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, M. Béraud, Mme Lambremon, M. Struillou, conseillers, Mmes Pécaut-Rivolier, Salomon, conseillers référendaires, Mme Taffaleau, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la RATP, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne, 20 février 2012), que la Régie autonome des transports parisiens a saisi le tribunal le 15 novembre 2011 d'une demande d'annulation de la désignation de M. Y en qualité de représentant de la section syndicale faite le 28 septembre 2011 par le Syndicat autonome Tout RATP, antérieurement dénommé UNSA Commercial, en faisant valoir que le syndicat avait modifié son champ professionnel et géographique le 30 août 2011 et qu'il ne remplissait pas la condition d'ancienneté de deux ans ;
Attendu que la RATP fait grief au jugement de rejeter sa demande, alors, selon le moyen
1o/ que la condition d'ancienneté posée par l'article L. 2142-1 du code du travail concerne uniquement la création d'une section syndicale et la désignation du représentant de section syndicale au sein d'une entreprise ou d'un établissement donné ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la Convention no 87 de l'OIT permettait librement au Syndicat autonome Tout RATP de changer sa dénomination et de modifier ses statuts pour étendre son champ d'activité, ce qui n'était nullement contesté, le tribunal d'instance a usé de motifs entièrement inopérants quant au point de savoir si ledit syndicat pouvait valablement désigner un représentant de section syndicale au sein de l'établissement Est/Voie sans remplir la condition d'ancienneté posée par l'article L. 2142-1 du code du travail susvisé ; qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a viol, par refus d'application ledit article et, par fausse application, la Convention no 87 de l'OIT ;
2o/ que, selon l'article 3 de la Convention no 87 OIT, " Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. " ; que selon l'article
7, " L'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs, leurs fédérations et confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles 2, 3 et ci-dessus. " ; que ces dispositions concernent exclusivement la liberté pour les syndicats d'élaborer leurs statuts et règlements, d'élire leurs représentants statutaires et d'acquérir la personnalité juridique et non l'usage des prérogatives que la loi nationale a conférées aux syndicats pour leur permettre de mandater des représentants de section syndicale au sein des entreprises ; qu'en décidant cependant que la Convention no 87 de l'OIT ferait obstacle à ce que le législateur national puisse réserver le pouvoir de désignation de représentant de section syndicale dans une entreprise donnée à la condition que le syndicat couvre depuis deux ans le champ géographique et professionnel de ladite entreprise, le juge d'instance a violé la Convention no 87 de l'OIT par fausse application ainsi que l'article L. 2142-1 du code du travail par refus d'application ;
3o/ qu'une liberté n'est jamais illimitée et doit toujours s'exercer dans le cadre des lois qui la réglementent ; que la disposition par laquelle le législateur a subordonné le pouvoir de désignation d'un représentant de section syndicale à une condition minimale d'ancienneté de deux ans constitue une simple modalité de mise en oeuvre de cette prérogative que ne prévoit nullement la Convention OIT et qu'au regard du principe de la liberté syndicale le législateur de chaque Etat dispose d'une marge d'appréciation, de sorte qu'en méconnaissant le rôle respectif de la convention internationale et des autorités nationales chargées de l'appliquer, le juge d'instance a de plus fort violé la Convention de l'OIT no 87 ;
Mais attendu que, s'il résulte de la combinaison des articles L. 2121-1 4o, L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail que, pour constituer une section syndicale et désigner un représentant syndical dans l'entreprise, un syndicat qui n'y est pas représentatif doit justifier qu'il est légalement constitué depuis au moins deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant l'entreprise, la modification par le syndicat de son champ statutaire n'a pas pour effet de remettre en cause l'ancienneté acquise par le syndicat à compter du dépôt initial de ses statuts ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens
Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la RATP de sa demande tendant à l'annulation de la désignation de Monsieur Y en qualité de RSS opérée au nom du Syndicat Autonome Tout RATP, d'avoir condamné la RATP à une somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et d'avoir en outre mis les dépens à la charge de la RATP.
AUX MOTIFS QUE " l'article L 2142-1 du code du travail permet à toute organisation syndicale satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituée depuis au moins deux ans, et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée, de constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale ; Qu'au regard des débats parlementaires relatifs à la loi du 20 août 2008, il apparaît que l'intention du législateur consistait à appliquer la condition d'ancienneté de deux ans non seulement au syndicat, mais également à son champ professionnel et géographique couvrant l'entreprise concernée ; Par ailleurs que la modification par un syndicat de son champ statutaire relève des libertés garanties par la Convention no87 de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical, ratifiée par la France ; Qu'en l'espèce, il est constant que le Syndicat Autonome Traction, constitué en janvier 1947, est devenu le syndicat UNSA Commercial à la suite d'une modification des statuts du 10 décembre 2008 puis le Syndicat Autonome Tout RATP en vertu d'une modification statutaire du 30 août 2011 ; Qu'aux termes de l'article 1er des statuts du 10 décembre 2008, le syndicat UNSA Commercial avait pour vocation la défense des " agents actifs et retraités de la catégorie opérateur " B1, BL " qui en acceptent les statuts " ; Que l'article 2 des statuts modifiés le 30 août 2011 fait référence aux " agents actifs et retraités de toutes les catégories sur l'ensemble de l'entreprise RATP, du Groupe RATP et de ses Filiales qui en acceptent le statut " ; Que le changement de dénomination et la modification statutaire intervenus relèvent de la liberté syndicale ; Que les syndicats choisissent librement leur affiliation et déterminent librement leur champ d'action ; Que le syndicat antérieurement constitué a toujours pour objet l'étude et la défense des droits et des intérêts matériels et moraux des personnes mentionnées dans ses statuts ; Que dès lors, il survit aux modifications intervenues et que la condition d'ancienneté posée par le texte susvisé est remplie ; Que dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande présentée par la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) prise en son Établissement EST/VOIE " ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la condition d'ancienneté posée par l'article L. 2142-1 du Code du travail concerne uniquement la création d'une section syndicale et la désignation du RSS au sein d'une entreprise ou d'un établissement donné ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la Convention no87 de l'OIT permettait librement au Syndicat Autonome Tout RATP de changer sa dénomination et de modifier ses statuts pour étendre son champ d'activité, ce qui n'était nullement contesté, le Tribunal d'instance a usé de motifs entièrement inopérants quant au point de savoir si ledit syndicat pouvait valablement désigner un RSS au sein de l'établissement EST/VOIE sans remplir la condition d'ancienneté posée par l'article L. 2142-1 du Code du travail susvisé ; qu'en statuant ainsi, le Tribunal d'instance a violé par refus d'application ledit article et par fausse application la Convention no 87 de l'OIT ;
ALORS, D'AUTRE PART, ET DE TOUTE FAÇON QUE selon l'article 3 de la Convention no87 OIT, " Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. " ; que selon l'article 7, " L'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs, leurs fédérations et confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles 2, 3 et ci-dessus. " ; que ces dispositions concernent exclusivement la liberté pour les syndicats d'élaborer leurs statuts et règlements, d'élire leurs représentants statutaires et d'acquérir la personnalité juridique et non l'usage des prérogatives que la loi nationale a conférées aux syndicats pour leur permettre de mandater des RSS au sein des entreprises ; qu'en décidant cependant que la Convention no87 de l'OIT ferait ob stacle à ce que le législateur national puisse réserver le pouvoir de désignation de RSS dans une entreprise donnée à la condition que le syndicat couvre depuis deux ans le champ géographique et professionnel de ladite entreprise, le juge d'instance a violé la convention no87 de l'OIT par fausse application ainsi que l'article L.2142-1 du Code du travail par refus d'application ;
ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QU'une liberté n'est jamais illimitée et doit toujours s'exercer dans le cadre des lois qui la réglementent ; que la disposition par laquelle le législateur a subordonné le pouvoir de désignation d'un RSS à une condition minimale d'ancienneté de deux ans constitue une simple modalité de mise en oeuvre de cette prérogative que ne prévoit nullement la Convention OIT et qu'au regard du principe de la liberté syndicale le législateur de chaque Etat dispose d'une marge d'appréciation, de sorte qu'en méconnaissant le rôle respectif de la convention internationale
et des autorités nationales chargées de l'appliquer, le juge d'instance a de plus fort violé la Convention de l'OIT no87.