Cass. soc., 07-07-2021, n° 20-60.242, F-D, Cassation






SOC. / ELECT

COUR DE CASSATION

Audience publique du 7 juillet 2021

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Pourvoi n° U 20-60.242



LG

Cassation

Arrêt n° 892 F-D



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU



NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE

DU 7 JUILLET 2021


La fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, dont le siège est “case 425” , 263 rue de Paris, 93514 Montreuil cedex, a formé le pourvoi n° U 20-60.242 contre le jugement rendu le 9 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Selecta, dont le siège est immeuble Le Mermoz, 53 avenue Jean Jaurès, 93350 Le Bourget, défenderesse à la cassation

en présence de :

2°/ Mme Aa Ab, domiciliée … … … …, La Chapelle-Basse-Mer, 44450 Divatte-sur-Loire,

.Le dossier a été communiqué au procureur général.

Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Selecta, après débats en l'audience publique du 27 mai 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 09 juin 2020), le 20 décembre 2019, la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services (le syndicat CGT) a notifié à la société Selecta la désignation de Mme Ab en qualité de délégué syndical.

2. Le 23 décembre 2019, la société Selecta a saisi le tribunal d'instance d’une demande d'annulation de cette désignation.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le syndicat CGT fait grief au jugement d'annuler la désignation de Mme Ab en qualité de délégué syndical, alors « que l’article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 29 mars 2018, prévoit que “Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33. La désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs. Elle peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques” ; qu’en l'espèce il n’est pas contesté que la totalité des élus de la liste CGT ont renoncé à être désigné délégué syndical ; qu’en conséquence le syndicat CGT pouvait, en application de l’article L. 2143-3 précité, désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents, au sein de l’entreprise ; que pourtant le tribunal a estimé qu’il n’est pas établi, en l'espèce, que l’ensemble des élus au comité social et économique de la société Selecta ont renoncé à leur droit d’être désigné délégué syndical, seule la renonciation des candidats issus du syndicat CGT étant produite aux débats ; que le tribunal, qui a ainsi ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, la renonciation devant sans contestation possible s'entendre de la renonciation des élus par liste et non de la totalité des élus du comité social et économique, a violé l’article L. 2143-3 du code du travail. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :

4. Le texte susvisé fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical , le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

5. S'il n'est pas exclu qu'un syndicat puisse désigner un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat, qui a obtenu au moins 10 % des voix et qui l'accepte librement, l'article L. 2143-3 du code du travail n'exige pas de l'organisation syndicale qu'elle propose, préalablement à la désignation d'un délégué syndical en application de l'alinéa 2 de l'article précité, à l'ensemble des candidats ayant obtenu au moins 10 %, toutes listes syndicales confondues, d'être désigné délégué syndical.

6. Pour annuler la désignation de la salariée en qualité de délégué syndical, le jugement retient qu’il ressort du procès-verbal des élections que, s'agissant du premier collège, le syndicat CGT avait présenté seize candidats titulaires et seize candidats suppléants au premier tour des élections au sein du comité social et économique de la société Selecta, que chacun de ces candidats, titulaires ou suppléants, a personnellement recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour des élections, que seize autres candidats ont également recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour de ces élections, qu’il n'est pas établi que l'ensemble des élus au comité social et économique de la société Selecta ont renoncé à leur droit d'être désigné délégué syndical, seule la renonciation des candidats du syndicat CGT étant produite aux débats, qu’en conséquence, les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail permettant la désignation d'un adhérent en qualité de délégué syndical ne sont pas remplies.

7. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que tous les candidats du syndicat CGT remplissant la condition de score personnel de 10 % avaient renoncé à leur droit d'être désigné délégué syndical, ce dont il résultait que le syndicat pouvait se prévaloir de la renonciation de ces candidats pour désigner l’un de ses adhérents, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 09 juin 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bobigny ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Selecta et la condamne à payer à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par

le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.