SOC. ELECTIONS CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 5 avril 2011
Cassation
M. BÉRAUD, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt no 883 F-D
Pourvoi no H 10-15.341
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est Paris cedex 15,
contre le jugement rendu le 23 mars 2010 par le tribunal d'instance de Vanves (contentieux socio-professionnelles), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Martin Y, domicilié Malakoff,
2o/ au syndicat SNPCA-CFE-CGC, dont le siège est Paris cedex 15,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 mars 2011, où étaient présents M. Béraud, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Darret-Courgeon, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller, M. Foerst, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Darret-Courgeon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société France télévisions, l'avis de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les articles 1er, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la société France télévisions a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation le 9 décembre 2009 par le syndicat SNPCA-CFE-CGC de M. Y en qualité de représentant de la section syndicale de l'établissement RFO Malakoff au motif que le syndicat SPC-CFE-CGC, affilié à la même confédération, avait déjà procédé à une telle désignation le 16 décembre 2009 ;
Attendu que pour valider la désignation de M. Y, le jugement énonce qu'il est constant que les syndicats SNFORT PTA et SNJ-FO disposent chacun de délégués syndicaux au sein de l'entreprise, alors qu'ils sont tous deux affiliés à la même confédération syndicale Force Ouvrière ; qu'en raison des mêmes prérogatives que les délégués syndicaux partagent avec les représentants de sections syndicales édictées à l'article L. 2142-1-1 du code du travail, il est manifeste que l'éviction d'un représentant de section syndicale issu de la confédération CFE-CGC entraînerait une rupture d'égalité avec la double représentation des délégués syndicaux qui est reconnue à la confédération syndicale Force Ouvrière ;
Attendu, cependant, qu'en tout état de cause, des syndicats non représentatifs ne peuvent, au titre du principe constitutionnel d'égalité, revendiquer un traitement identique à celui réservé aux seuls syndicats représentatifs auxquels la loi confère des prérogatives différentes de celles des syndicats non représentatifs ;
Qu'en statuant comme il a fait, le tribunal a violé, par fausse application, les textes et principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 mars 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Vanves ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions.
Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir validé la désignation le 9 décembre 2009 par le syndicat SNPCA-CFE-CGC - affilié à la confédération CFE-CGC - de Monsieur Martin Y en qualité de représentant de la section syndicale auprès de l'établissement Rfo Malakoff ;
AUX MOTIFS QU'" aux termes de sa requête, la société France Télévisions demande l'annulation de la désignation le 9 décembre 2009 par le syndicat SNPCA-CFE-CGC - affilié à la confédération CFE-CGC - de Monsieur Y en qualité de représentant de la section syndicale auprès de l'établissement Rfo Malakoff au motif que Madame Agnès ... est déjà désignée en cette qualité depuis le 16 septembre 2009 par le syndicat SPC-CFE-COC, alors que ce syndicat est lui-même affilié à la confédération CFE-CGC ; qu'à cette fin, la société France Télévisions invoque en premier lieu, les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail à la suite desquelles un seul représentant syndical peut être désigné pour une même section syndicale en sorte que deux syndicats affiliés à une même organisation syndicale ne peuvent désigner deux représentants et conteste en deuxième lieu, la rupture d'égalité invoquée par le syndicat SNPCA-CFE-CGC et qui résulterait du jugement du tribunal d'instance de Paris (16ème) du 10 novembre 2009 aux termes duquel a été approuvée la position de la société France Télévisions d'autoriser la présentation de listes séparées par des syndicats affiliés à une même confédération lors des élections professionnelles de l'établissement de la société Nationale de Radiodiffusion Radio France ; qu'aux termes de l'article L. 2142-1 du Code du travail, dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L. 213 l-1 ; qu'aux termes de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail, chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement de cinquante salariés ou plus peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement ; que le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre ; qu'il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs ; qu'aux termes des débats, il est constant que le syndicat SNPCA-CFE-CGC n'est pas représentatif au sein de l'entreprise France Télévisions, de sorte qu'à la suite de la combinaison des articles L. 2142-l et L. 2142-1-1 précités, le SNPCA-CFE-CGC ne peut tenir sa qualité et son pouvoir de créer une section syndicale et de désigner un représentant de section syndicale que de par son affiliation à la confédération CFE-CGC ; qu'alors qu'il est constant que le syndicat SPC-CFE-CGC a déjà désigné un représentant de section syndicale en la personne de Madame ..., le syndicat SNPCA-CFECGC ne pouvait, en droit, désigner en surnombre Monsieur Y ; que cependant, il est constant que les syndicats SNFORT PTA et SNJ-FO disposent chacun de délégués syndicaux au sein de l'entreprise, alors qu'ils sont tous deux affiliés à la même confédération syndicale Force Ouvrière ; qu'en raison des mêmes prérogatives que les délégués syndicaux partagent avec les représentants de sections syndicales édictées à l'article L. 2142-1-1 précité, il est manifeste que l'éviction d'un représentant de section syndicale issu de confédération CFE-CGC entraînerait une rupture d'égalité avec la double représentation des délégués syndicaux qui est reconnue à la confédération syndicale Force Ouvrière ; que par ces motifs, il convient de déclarer valide la désignation de Monsieur Martin Y " ;
ALORS D'UNE PART QU'il résulte de la combinaison des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du travail, issus de la loi no 2008-789 du 20 août 2008, que chaque syndicat qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, et légalement constitué depuis au moins deux ans, dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée et qui constitue une section syndicale d'entreprise peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise, désigner un représentant de cette section ; qu'en validant la désignation par le syndicat SNPCA-CFE-CGC - affilié à la confédération CFE-CGC - de Monsieur Martin Y en qualité de représentant de la section syndicale de l'établissement de Rfo Malakoff quand bien même il avait constaté que le syndicat SPC-CFE-CGC - affilié également à la confédération CFE-CGC - avait déjà désigné un représentant de section syndicale, le Tribunal de Vanves a violé l'article L. 2141-1-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la régularité de la désignation d'un représentant de section syndicale ne nécessite pas que le syndicat à l'origine de la désignation remplisse les critères fixés par les articles L. 2121-1 et L. 2122-1 du Code du travail relatifs à la représentativité ; qu'il suffit qu'il réunisse, à la date de la désignation, les conditions fixées par les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 dudit Code ; que l'article L. 2142-1 du Code du travail exige, pour la constitution d'une section syndicale, la présence d'au moins deux adhérents dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en déclarant valable la désignation par le syndicat SNPCA-CFE-CGC de Monsieur Martin Y en qualité de représentant de la section syndicale de l'établissement de Rfo Malakoff aux motifs que les syndicats SNFORT PTA et SNJ-FO, tous deux affiliés à la confédération syndicale Force Ouvrière, disposaient chacun de délégués syndicaux au sein de l'établissement Malakoff de la société France Télévisions et que l'éviction d'un représentant de section syndicale issu de confédération CFE-CGC entraînerait une rupture d'égalité avec la double représentation des délégués syndicaux qui est reconnue à la confédération syndicale Force Ouvrière, le Tribunal d'instance s'est déterminé par des motifs impropres à établir que le 9 décembre 2009, date de la désignation du représentant de la section syndicale, le syndicat avait constitué dans l'établissement une section syndicale composée d'au moins deux adhérents, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du travail ;
ALORS EN OUTRE QUE l'employeur ne peut, sans violer le principe constitutionnel d'égalité, exercer une discrimination à l'égard d'un syndicat en le privant des droits qu'il a reconnus à d'autres organisations syndicales se trouvant dans la même situation ; qu'en validant la désignation par le syndicat SNPCA-CFE-CGC de Monsieur Martin Y en qualité de représentant de la section syndicale de l'établissement de Rfo Malakoff aux motifs que les syndicats SNFORT PTA et SNJ-FO, tous deux affiliés à la confédération syndicale Force Ouvrière, disposaient chacun de délégués syndicaux au sein de l'établissement et que l'éviction d'un représentant de section syndicale issu de confédération CFE-CGC entraînerait une rupture d'égalité avec la double représentation des délégués syndicaux qui est reconnue à la confédération syndicale Force Ouvrière, le Tribunal d'instance, qui s'est prononcé par des motifs impropres à caractériser une inégalité de traitement, a violé le principe d'égalité garanti par les articles 6 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, et 1, 5 et 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
ALORS QU'ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, le principe d'égalité garanti par les articles 6 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, et 1, 5 et 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut avoir pour effet de légitimer une pratique illicite ; qu'après avoir constaté que le syndicat SNPCA-CFE-CGC - affilié CFE-CGC - ne pouvait, désigner en surnombre Monsieur Y dès lors que le syndicat SPC-CFE-CGC - également affilié à la confédération CFE-CGC - avait déjà désigné un représentant de section syndicale, le Tribunal d'instance qui a toutefois validé la désignation de Monsieur Y au nom du principe d'égalité, a violé les textes susvisés.