Cass. soc., 02-03-2011, n° 09-60.419, FS-P+B, Cassation



SOC.

ELECTIONS

CB

COUR DE CASSATION

Audience publique du 2 mars 2011

Cassation

Mme COLLOMP, président

Arrêt n° 530 FS P+B

Pourvoi n° J 09-60.419

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par le Syndicat national des journalistes (SNJ), dont le siège est Paris,

contre le jugement rendu le 20 octobre 2009 par le tribunal d'instance de Vanves (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant

1°/ à la société France télévisions, venant aux droits de la société France 3 Paris Ile-de-France Centre, dont le siège est Paris ,

2°/ au syndicat CFDT médias, dont le siège est Paris ,

3°/ à l'Union des syndicats nationaux de l'audiovisuel (USNA) CFTC France 3, dont le siège est Paris ,

4°/ au syndicat CGC (SNPCA/SCP), dont le siège est Paris ,

5°/ au Syndicat national de radio télévision CGT, dont le siège est Paris ,

6°/ au Syndicat national Force ouvrière de radiodiffusion et de télévision, dont le siège est Paris ,

7°/ à la société SITR, dont le siège est Paris ,

8°/ au syndicat UNSA SRCTA, dont le siège est Paris ,

9°/ au syndicat Sud, dont le siège est Paris ,

10°/ à Mme Lydie O,

11°/ à M. Arab Ouid N,

12°/ à M. Pierrick M,

13°/ à M. Hervé L,

14°/ à Mme Nathalie K,

15°/ à M. Vincent J,

16°/ à M. Thierry I,

17°/ à M. Gilles H,

18°/ à M. Jacques G,

19°/ à M. Pierre-Yves F,

20°/ à M. Dominique E,

21°/ à M. Jean-Jacques D,

22°/ à Mme Chantal C,

23°/ à M. Vincent J,

24°/ à M. Philippe B,

25°/ à Mme Nathalie K,

26°/ à M. Jean-Paul AA,

27°/ à M. Daniel ZZ,

28°/ à Mme Marie YY,

29°/ à M. Yves Le Z,

30°/ à Mme Annie XX,

31°/ à Mme Aline WW,

32°/ à Mme Laurence VV,

33°/ à M. Marc UU,

34°/ à M. Eric TT,

35°/ à Mme Laurence VV,

36°/ à M. Nicolas SS,

37°/ à M. Olivier RR,

38°/ à M. Fernando QQ,

39°/ à M. Jérôme PP,

40°/ à M. Daniel ZZ,

41°/ à M. Pascal OO,

42°/ à M. Claudio NN,

43°/ à Mme Virginie MM,

44°/ à M. Daniel ZZ,

45°/ à M. Pierre-Julien LL,

46°/ à Mme Béatrice KK,

47°/ à M. Philippe B,

48°/ à M. Jacques G, ayant tous élu domicile à la Maison de France télévision, Paris , défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 janvier 2011, où étaient présents Mme Collomp, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, M. Béraud, Mme Lambremon, M. Huglo, conseillers, Mmes Agostini, Darret-Courgeon, conseillers référendaires, M. Lalande, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat du Syndicat national des journalistes, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société France télévisions, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Vu l'article L. 7111-7, ensemble les articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 du code du travail ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu'un collège électoral spécifique pour les journalistes professionnels et assimilés peut être créé dans les entreprises mentionnées aux articles L. 7111-3 et L. 7111-5 du code du travail ; qu'il s'ensuit que ne sont pas applicables à ce collège spécifique les dispositions de l'article L. 2324-12 conditionnant la création d'un collège électoral modifiant les prévisions légales à la signature d'un accord par toutes les organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise, de sorte que l'instauration de ce collège, prévu par la loi, n'est pas soumis à la conclusion d'un accord unanime ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que des élections des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel ont été organisées au sein de la société France 3 Ile-de-France, devenue société France télévisions, le 26 février 2009 ; que, reprochant à l'employeur de n'avoir pas prévu la création d'un collège de journalistes distinct de celui des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maître et assimilés dans lequel les journalistes ont dû voter, le syndicat SNJ a saisi le tribunal d'instance d'une demande en annulation du scrutin ;

Attendu que pour débouter le SNJ de ses demandes, le tribunal d'instance énonce que pour la modification du nombre et de la composition des collèges électoraux, ou encore pour l'institution d'un nouveau collège électoral, aucune des dispositions du code du travail, générales ou spécifiques aux entreprises de presse, invoquées par le SNJ ne déroge ou n'ajoute de condition à la seule exigence d'un accord unanime des organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise ainsi que cela s'évince du principe posé par l'article L. 2314-10 du code du travail et dont l'application est d'ordre public impératif ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la création d'un collège spécifique aux journalistes professionnels dans les entreprises mentionnées aux articles L. 7111-3 et L. 7111-5 du code du travail est soumise, en l'absence de dispositions légales particulières, aux conditions de droit commun de validité du protocole préélectoral telles que définies par les articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 du code du travail, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 20 octobre 2009, entre les parties, par le tribunal d'instance de Vanves ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société France télévisions à payer au Syndicat national des journalistes la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour le Syndicat national des journalistes Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté la requête en annulation des élections professionnelles au sein de la Société France 3 Région Ile-de-France, Aux motifs qu'aux termes de sa requête le Syndicat national des journalistes réclame l'annulation des élections du comité d'établissement et des délégués du personnel qui se sont tenues le 12 février 2009 pour la Société France 3 Région Ile-de-France en ce que le scrutin a omis la création d'un collège de journalistes distinct de celui des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés et dans lequel les journalistes ont dû voter ; que cependant et en premier lieu, pour la modification du nombre et de la composition des collèges électoraux, ou encore pour l'institution d'un nouveau collège électoral, aucune des dispositions du Code du travail - générales ou spécifiques aux entreprises de presse - invoquées par le syndicat national des journalistes ne déroge ou n'ajoute de condition à la seule exigence d'un accord unanime des organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise ainsi que cela s'évince du principe posé par l'article L. 2314-10 du Code du travail, et dont l'application est d'ordre public impératif ; qu'en deuxième lieu, il ne s'évince pas des termes de l'article 4, alinéa 1er de l'avenant audiovisuel de la Conveion collective nationale de travail des journalistes, au-delà du simple " attachement ", la preuve d'une intention unanime et non équivoque des syndicats représentatifs de créer un collège spécifique de journalistes, de sorte que par ces motifs, la requête manque en droit et en fait et doit être rejetée ;

Alors que, de première part, il résulte de la combinaison des articles L. 2122-1 et suivants et L. 7118-8 du Code du travail qu'un collège électoral de journalistes doit être créé dans les branches qui couvrent les activités des entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques et agences de presse, ainsi que les activités des entreprises de communication au public par voie électronique ou de communication audiovisuelle ; qu'en déclarant que, pour la modification du nombre et de la composition des collèges électoraux, ou encore pour l'institution d'un nouveau collège électoral, aucune des dispositions du Code du travail - générales ou spécifiques aux entreprises de presse - invoquées par le syndicat national des journalistes ne déroge ou n'ajoute de condition à la seule exigence d'un accord unanime des organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise ainsi que cela s'évince du principe posé par l'article L. 2314-10 du Code du travail, et dont l'application est d'ordre public impératif, le Tribunal d'instance a violé par refus d'application les dispositions combinées des articles L. 2122-1 et suivants et L. 7118-8 du Code du travail ;

Alors que, de deuxième part, dans sa requête en annulation des élections professionnelles, le Syndicat National des Journalistes avait soutenu que l'impossibilité pour les journalistes, qui justifient de conditions de travail spécifiques et sont astreints au respect de règles déontologiques propres, de ne pas pouvoir adhérer aux organisations syndicales de leurs choix porteraient atteinte au principe constitutionnel qui garantit à chaque citoyen le droit d'adhérer au syndicat de son choix ; qu'en s'abstenant de rechercher si le refus de certaines organisations syndicales représentatives de consentir à la constitution d'un collège de journalistes n'avait pas pour objet ou pour effet d'interdire aux syndicats non affiliés à l'une d'elles de prouver leur représentativité dans le cadre où ils entendent exercer les prérogatives qui y sont attachées, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble l'article L. 2121-1 du code du travail ;

Alors que, de troisième part, dans sa requête en annulation des élections professionnelles, le Syndicat National des Journalistes avait soutenu que si l'ensemble des entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques, agences de presse, entreprises de communication au public par voie électronique, ou de communication audiovisuelle devaient refuser la mise en place d'un collège journalistes, il serait dans l'impossibilité de faire la démonstration de sa représentativité au niveau de la branche et priverait ainsi la partie patronale et les journalistes de toute possibilité de faire évoluer la convention collective nationale des journalistes, ce qui porterait directement atteinte au principe constitutionnel de la libre participation des salariés, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail ; qu'en s'abstenant de rechercher si le refus de certaines organisations syndicales représentatives de consentir à la constitution d'un collège de journalistes n'avait pas pour objet ou pour effet d'interdire aux syndicats non affiliés à l'une d'elles de prouver leur représentativité dans le cadre où ils entendent exercer les prérogatives qui y sont attachées et ainsi de priver des journalistes de leur droit à la libre détermination de leurs conditions de travail par l'intermédiaire de leurs délégués, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble l'article L. 2121-1 du code du travail ;

Alors que, de quatrième part, dans sa requête en annulation des élections professionnelles, le Syndicat National des Journalistes avait soutenu que l'obligation de mettre en place un collège journalistes s'impose au regard des nouvelles règles de représentativité syndicale applicables en matière de négociation collective ; qu'en s'abstenant de rechercher si le respect des nouvelles règles instituées en matière de représentativité syndicale n'imposait pas ipso facto la constitution d'un collège journalistes, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2232-12 et L. 7111-10 du Code du travail ;

Alors que, de cinquième part et pour les mêmes motifs, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2232-12 et L. 7111-9 du Code du travail ;

Alors enfin et en tout état de cause que l'article 4, alinéa 1 de la Convention collective nationale des journalistes énonce que les dispositions relatives aux comités d'entreprise, aux délégués du personnel et aux représentants syndicaux feront l'objet d'accords particuliers qui tiendront compte de la spécificité du journaliste dans l'entreprise de presse ; qu'en déclarant qu'il ne s'évince pas de ces termes la preuve d'une intention unanime et non équivoque des syndicats représentatifs de créer un collège spécifique de journalistes, le Tribunal d'instance a violé cette disposition.