Cass. soc., 06-01-2011, n° 10-18.205, FS-P+B+R, Cassation



SOC.

ELECTIONS

CF

COUR DE CASSATION

Audience publique du 6 janvier 2011

Cassation

Mme ...,

Arrêt n° 79 FS P+B+R

Pourvoi n° V 10-18.205

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par

1°/ la société SFR opérateur Aix-en-Provence, société anonyme, dont le siège est Paris,

2°/ la société SFR service clients, dont le siège est Paris La Défense ,

3°/ la société Neuf Center, dont le siège est Marseille ,

4°/ la société Neuf assistance,

5°/ la société LD collectivités, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège Boulogne-Billancourt,

6°/ la société LTB-R,

7°/ la société SRR,

8°/ la société Guet@Li haut débit, ayant toutes trois leur siège ZE du Chaudron, Sainte-Clotilde,

contre le jugement rendu le 14 mai 2010 par le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant

1°/ à M. Yann T, domicilié Le Puy-Sainte-Reparade,

2°/ à la Fédération nationale des salariés du secteur des activités postales et de télécommunication CGT, dont le siège est Paris Montreuil ,

3°/ au syndicat CFDT communication, dont le siège est Paris ,

4°/ au syndicat CFE-CGC métallurgie, dont le siège est Paris,

5°/ au syndicat UNSA Télécom, dont le siège est Bagnolet , défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 novembre 2010, où étaient présents Mme Collomp, président, M. Béraud, conseiller rapporteur, Mmes Morin, Perony, Lambremon, conseillers, Mmes Pécaut-Rivolier, Darret-Courgeon, conseillers référendaires, M. Aldigé, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Béraud, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat des sociétés SFR opérateur, SFR service clients, Neuf Center, Neuf assistance, LD collectivités, LTB-R, SRR et Guet@Il haut débit, l'avis de M. Aldigé, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Vu les articles L. 2122-1, L. 2143-3 et L. 2143-5 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes du premier texte, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; que selon le deuxième, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, désigne un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; que selon le troisième, un délégué syndical central est désigné par un syndicat qui a recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, en additionnant les suffrages de l'ensemble des établissements compris dans ces entreprises ; qu'il en résulte que lorsque sont mis en place des comités d'établissement, seuls peuvent désigner un délégué syndical au sein du périmètre couvert par l'un des comités, les syndicats qui ont obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires de ce comité et que ni un accord collectif ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent avoir pour effet de modifier ce périmètre légal d'appréciation de la représentativité syndicale ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que la liste présentée par la Fédération nationale des salariés du secteur des activités postales et de télécommunications CGT a obtenu moins de 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour des élections des membres du comité d'établissement "Opérateur" de l'unité économique et sociale SFR du 18 juin 2009, tout en réalisant un score d'au moins 10 % sur l'ensemble de l'entreprise ; que le 12 janvier 2010, la fédération a désigné M. T en qualité de délégué syndical d'établissement sur le site d'Aix-le-Sulky compris dans le périmètre du comité d'établissement "Opérateur" ;

Attendu que pour rejeter la requête des sociétés composant l'unité économique et sociale SFR tendant à l'annulation de cette désignation, le tribunal retient qu'il résulte d'une note de la direction établie au lendemain des élections en application d'un accord collectif antérieur que les syndicats représentatifs au niveau de l'ensemble de l'UES peuvent désigner des délégués syndicaux d'établissement ;

Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 mai 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Arles ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour les sociétés SFR, SFR service clients, Neuf Center, Neuf assistance, LD collectivités, LTB-R, SRR et Guet@Il haut débit Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR rejeté la demande des sociétés SFR SA, SFR SERVICE CLIENT SA, NEUF CENTER, NEUF ASSISTANCE, LD COLLECTIVITES SA, LTB-R, SRR, GUET@LI HAUT DEBIT tendant à l'annulation de la désignation de monsieur Yann T effectuée le 12 janvier 2010 en qualité de délégué syndical CGT d'établissement sur le site d'AIX EN PROVENCE.

AUX MOTIFS QUE l'article L 2143-3 du Code du travail permet à chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus de désigner parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel...un ou plusieurs délégués syndicaux ; qu'il n'est pas contesté que monsieur T, désigné par la Fédération Nationale des Salariés du Secteur des Activités Postales et de Télécommunications en qualité de délégué syndical CGT d'établissement sur le site d'AIX EN PROVENCE a obtenu plus de 10% des suffrages exprimés au premier tour de l'élection des délégués du personnel et peut donc être désigné délégué syndical si le syndicat qui le mandate est cumulativement représentatif ; que l'article L 2122-1 du Code du travail dispose que " dans l'entreprise ou l'établissement sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères ...et qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel " ; qu'il est constant qu'a été créée par accord collectif du 19 juin 2008, modifié par avenant du 16 janvier 2009, l'Unique Économique et Sociale SFR qui comprend les Sociétés SFR, SFR SERVICE CLIENT, NEUF CENTER, NEUF ASSISTANCE, LD COLLECTIVITES SA, LTB-R, SRR, GUET@IL HAUT DEBIT (et JET MULTIMEDIA FRANCE) ; que l'Unité Économique et Sociale est précisément créée pour la mise en place des institutions représentatives du personnel ; que si en vue des élections professionnelles dont le premier tour s'est déroulé le 18 juin 2009, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, le protocole d'accord préélectoral du 27 avril 2009 a défini le périmètre des établissements distincts pour l'exercice des attributions des membres des comités d'établissements d'une part et pour celles des délégués du personnel d'autre part, la représentativité des syndicats s'apprécie au niveau de l'UES ainsi que cela a d'ailleurs été expressément admis dans le document d'analyse des résultats du premier tour du scrutin des élections professionnelles en date du 18 juin 2009, établi par " L'UES SFR " ; qu'en effet, il indique (p.1) - que quatre syndicats sont représentatifs au niveau de L'UES SFR dont la CGT, - que seuls ces quatre syndicats représentatifs pourront désigner des délégués syndicaux centraux (DSC), des délégués syndicaux centraux adjoint (DSCA), des délégués syndicaux intermédiaires (DSI), des délégués syndicaux (DS) ; que ce même document précise concernant ces mandats désignatifs en page 3 que " Compte tenu de l'historique SFR alignant le périmètre de désignation des DS (délégués syndicaux) à celui des délégués du personnel et de la loi du 20 août 2008 qui n'a pas modifié les articles relatifs à l'établissement distinct, le périmètre de désignation du DS correspond toujours à ce jour au périmètre des DP (délégués du personnel), cet " historique " étant celui issu de l'accord sur le dialogue social dont il n'est pas contesté qu'il soit toujours en vigueur " ; qu'en l'espèce, pour les délégués du personnel, le protocole d'accord préélectoral a défini pour périmètre des attributions des délégués du personnel les " 12 régions SFR ", 6 " instances Relation Clientèle " et " la Réunion " et au nombre des régions SFR figure le périmètre " Aix le Sulky ", périmètre auquel correspond donc celui défini pour l'exercice des attributions des délégués syndicaux " d'établissement " (fiche thématique n° 3 de l'accord sur le dialogue social) ; que conformément à l'article L 2143-3 du Code du travail, la Fédération Nationale des Salariés du Secteur des Activités Postales et de Télécommunications CGT, représentative au niveau de l'UES pouvait donc désigner monsieur T qui avait obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des éléments des délégués du personnel, comme délégué syndical de l'établissement Aix le Sulky au sens défini pour l'exercice des attributions des délégués du personnel ; que la demande des Sociétés SFR, SFR SERVICE CLIENT, NEUF CENTER, NEUF ASSISTANCE, LD COLLECTIVITES SA, LTB-R, SRR, GUET@IL HAUT DEBIT sera en conséquence rejetée et elles seront condamnées solidairement à payer à la Fédération Nationale des Salariés du Secteur des Activités Postales et de Télécommunication CGT et Monsieur Yann T la somme de 700,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

1) ALORS QUE la loi d'ordre public du 20 août 2008 définissant les conditions de représentativité des syndicats a rendu immédiatement caducs les accords d'entreprises antérieurs et entaché de nullité toute disposition prévoyant des critères de représentativité syndicale différents ; qu'en se fondant sur la note intitulée "le dialogue social au lendemain des élections professionnelles" du 18 juin 2009, selon laquelle la représentativité des syndicats eu sein de l'UES SFR, composée de plusieurs établissements, dont l'établissement "Opérateur", s'apprécierait au niveau de cette UES, et donc selon des critères différents de la loi du 20 août 2008, pour retenir que la CGT, représentative au sein de l'UES SFR, pouvait désigner un salarié en tant que délégué syndical de "l'établissement" dénommé Aix le Sulky, le tribunal d'instance a violé les articles 13 de la loi du 20 août 2008 et L 2122-1, L 2143-3, L 2143-11 et L 2251-1 du Code du travail ;

2) ALORS QUE sous l'empire de la précédente législation, le droit d'un syndicat de désigner un délégué syndical d'établissement était conditionné par la preuve de la représentativité de ce syndicat au niveau de l'établissement ; qu'il résultait des mentions de la note sur "le dialogue social au lendemain des élections professionnelles" que la CGT était représentative au niveau de l'UES et des deux établissements distincts sur trois ("Relations clientèle" et "La Réunion"), de sorte qu'elle pouvait désigner des délégués syndicaux ; qu'en l'absence de précision supplémentaire, cette note n'admettait le droit pour la CGT de désigner des délégués syndicaux qu'au niveau central de l'UES et au niveau des deux établissements distincts où elle était représentative, à l'exclusion donc de l'établissement "Opérateur" et de tout autre établissement où elle n'était pas représentative, et ce en conformité avec le droit applicable ; qu'en estimant que la note intitulée "le dialogue social au lendemain des élections professionnelles" permettait à la Fédération nationale des salariés du secteur des activités postales et de télécommunications CGT de désigner un délégué syndical, monsieur T, au sein d'un établissement dépendant de l'activité "Opérateur", "l'établissement" Aix le Sulky, où elle n'était pas représentative, le tribunal d'instance a dénaturé ladite note sur le dialogue social et violé les articles 1134 du Code civil et L 2122-1 et L 2143-3 du Code du travail.