Cass. soc., 23-06-2010, n° 09-60.438, FS-P+B, Rejet



SOC.

ELECTIONS

AM

COUR DE CASSATION

Audience publique du 23 juin 2010

Rejet

Mme COLLOMP, président

Arrêt n° 1277 FS P+B

Pourvoi n° E 09-60.438

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Faten Z, domiciliée Paris,

contre le jugement rendu le 10 novembre 2009 par le tribunal d'instance de Neuilly-sur-Seine (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant

1°/ à la société JC Decaux, société anonyme, dont le siège est Plaisir ,

2°/ à la société JC Decaux mobilier urbain, dont le siège est Neuilly-sur-Seine ,

3°/ à la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication (FILPAC)-CGT, dont le siège est Paris Montreuil , défenderesses à la cassation ;

La Fédération des travailleurs des industries du livre du papier et de la communication a formé un pourvoi incident contre le même jugement ;

Les demanderesses aux pourvois principal et incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique commun de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 mai 2010, où étaient présents Mme Collomp, président, Mme Morin, conseiller rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, Mme Perony, M. Béraud, Mme Lambremon, conseillers, Mmes Agostini, Pécaut-Rivolier, Darret-Courgeon, conseillers référendaires, M. Allix, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Morin, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat des sociétés JC Decaux et JC Decaux mobilier urbain, les conclusions de M. Allix, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique commun aux pourvois principal et incident

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Neuilly-sur-Seine, 10 novembre 2009) que la fédération des travailleurs des industries du livre du papier et de la communication (FILPAC CGT) qui avaient plusieurs adhérents dans l'unité économique et sociale JC Decaux (l'UES), a notifié, le 21 septembre 2009, aux sociétés composant l'UES la désignation de Mme Z comme déléguée syndicale de l'établissement distinct de Neuilly de cette UES ;

Attendu que Mme Z et la FILPAC-CGT font grief au jugement d'avoir annulé cette désignation alors, selon le moyen

1°/ que la régularitéde la désignation d'un délégué syndical nécessite que le syndicat réunisse les conditions posées par l'article L. 2142-1 du code du travail à la date de la désignation à savoir avoir plusieurs adhérents dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en l'espèce Mme Z soutenait qu'il était établi et d'ailleurs non contesté que le syndicat FILPAC CGT avait formé une section syndicale dans l'entreprise et que ledit syndicat y avait plus de deux adhérents si bien qu'il pouvait constituer une section syndicale dans l'établissement de Neuilly ; alors que pour annuler la désignation de Mme Z la tribunal a relevé que la multiplicité d'adhésions au syndicat FILPAC-CGT n'était pas établie au sein de l'établissement de Neuilly ; qu'en statuant ainsi, quand l'établissement de la multiplicité d'adhésion au sein de l'entreprise suffisait, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2142-1 et L. 2143-3 du code du travail ;

2°/ qu'en tout état de cause, la salariée soutenait en ses conclusions que sa désignation en tant que déléguée syndicale de l'établissement de Neuilly était en toute hypothèse régulière en application de l'article 1.3 de l'accord sur la concertation sociale du 31 octobre 2007 conclue au sens des sociétés Decaux lequel stipule que " dans les établissements de l'UES JC Decaux tels que définis pour les DP, chaque organisation représentative a la possibilité de nommer un délégué syndical d'établissement ou DES", dès lors que Neuilly constituait un établissement distinct pour l'élection des délégués du personnel ; qu'en se contentant pour annuler la désignation de Mme ... d'affirmer que le syndicat FILPAC-CGT n'établissait pas avoir plusieurs adhérents dans l'établissement conformément aux dispositions de l'article L. 2142-1 du code du travail, sans rechercher si Mme Z ne pouvait invoquer à son bénéfice les stipulations de l'accord sur la concertation sociale du 31 octobre 2007, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que pour désigner un délégué syndical dans l'entreprise ou l'établissement, un syndicat représentatif doit avoir constitué une section syndicale dans les conditions prévues par l'article L. 2142-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de loi n° 2008-789 du 20 août 2008, selon lequel la section peut être constituée dans l'entreprise ou l'établissement dès lors que le syndicat a plusieurs adhérents "dans l'entreprise ou l'établissement " ; qu'il en résulte que pour désigner un délégué syndical dans un établissement distinct, le syndicat doit y avoir constitué une section syndicale comportant au moins deux adhérents ;

Et attendu ensuite que si, en application de l'article L. 2141-10 du code du travail, des conventions ou accords collectifs de travail peuvent prévoir des clauses plus favorables à celle de la loi notamment en ce qui concerne l'institution des délégués syndicaux, le tribunal n'avait pas à répondre à un argument qui était inopérant, dès lors que l'article 1-3 de l'accord sur la concertation sociale dans les sociétés de l'UES Decaux du 31 octobre 2007 a pour seul objet de définir le périmètre des établissements distincts pour la désignation des délégués syndicaux par des organisations syndicales représentatives sans modifier les conditions légales de cette désignation ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen commun aux pourvois principal et incident produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme Z et la Fédération des travailleurs des industries du livre du papier et de la communication.

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation de Mlle Faten Z en date du 21 septembre 2009 en qualité de déléguée syndicale FILPAC CGT au sein de l'établissement de Neuilly Sur Seine de l'UES JC DECAUX ;

AUX MOTIFS QUE l'article L 2142-1 du Code du travail prévoit que dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L 2131-1 du Code du travail ; que les dispositions transitoires applicables en l'espèce dans l'attente du résultat des premières élections professionnelles prévoient que chaque syndicat représentatif dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l'employeur, conformément aux articles L 2143-3 et L 2143-6 dans leur rédaction antérieure ; que l'article 2143-3 dans sa rédaction applicable avant la loi du 20 août 2008 autorisait la désignation d'un délégué syndical par un syndicat représentatif qui constitue une section syndicale ; qu'il n'est pas contesté que la CGT est présumée représentative ; que néanmoins pendant la période transitoire puisque l'article L 2142-1 est applicable immédiatement, il faut établir que dans l'entreprise ou dans l'établissement le syndicat dispose de plusieurs adhérents ; que dans l'établissement de Neuilly visé par la lettre de désignation du 21 septembre 2009 ainsi que des méls de M. ... de la FILPAC CGT des 21 et 22 septembre 2009, la FILPAC CGT indique expressément qu'il n'y avait aucun délégué syndical ; qu'elle ne rapporte pas par ailleurs les éléments de preuve utiles à établir la présence de plusieurs adhérents dans l'établissement ; or l'établissement est une entité différente de l'entreprise ainsi que cela résulte notamment des articles R 2143-1 et R 2143-3 du Code du travail ; qu'en conséquence, faute de preuve de l'existence de plusieurs adhérents au sein de l'établissement de Neuilly, la FILPAC CGT n'établit pas avoir valablement pu désigner Melle Z en qualité de déléguée syndicale ; que le tribunal sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres demandes annule la désignation de Melle Z en qualité de déléguée syndicale FILPAC CGT de l'établissement de NEUILLY sur Seine ;

ALORS QUE la régularité de la désignation d'un délégué syndical nécessite que le syndicat réunisse les conditions posées par l'article L 2142-1 du Code du travail, à la date de la désignation, à savoir avoir plusieurs adhérents dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en l'espèce, Mlle Z soutenait qu'il était établi et d'ailleurs non contesté que le syndicat FILPAC CGT avait formé une section syndicale dans l'entreprise et que ledit syndicat y avait plus de deux adhérents si bien qu'il pouvait constituer une section syndicale dans l'établissement de Neuilly (cf. conclusions p. 5) ; qu'or pour annuler la désignation de Mlle ... le tribunal a relevé que la multiplicité d'adhésions au syndicat FILPAC CGT n'était pas établie au sein de l'établissement de Neuilly ; qu'en statuant ainsi, quand l'établissement de la multiplicité d'adhésions au sein de l'entreprise suffisait, le tribunal d'instance a violé les articles L 2142-1 et L 2143-3 du Code du travail ;

ALORS en tout état de cause QUE Melle Z soutenait en ses conclusions que sa désignation en tant que délégué syndicale de l'établissement de Neuilly était en toute hypothèse régulière en application de l'article 1.3 de l'accord sur la concertation sociale du 31 octobre 2007 conclu au sein des sociétés Decaux lequel stipule que " dans les établissements de PUES JC DECAUX tels que définis pour les DP, chaque organisation syndicale représentative a la possibilité de nommer un délégué syndical d'établissement ou DSE ", dès lors que Neuilly constituait un établissement pour les élections de délégués du personnel (cf. pièce 15) (cf.conclusions p. 7) ; qu'en se contentant pour annuler la désignation de Melle Z d'affirmer que le syndicat FILPAC CGT n'établissait pas avoir plusieurs adhérents dans l'établissement conformément aux dispositions de l'article L 2142-1 du Code du travail, sans rechercher si Mlle Z ne pouvait invoquer à son bénéfice les stipulations de l'accord sur la concertation sociale du 31 octobre 2007 le tribunal d'instance a violé l'article 455 du Code de procédure civile.