ARRÊT N° 4042' HB/CM
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 13 AVRIL 2010
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 30 mars 2010
N° de rôle 10/00787 Transmission de la question prioritaire de constitutionnalité dans le cadre d'un appel d'une décision du Conseil de prud'hommes
de Lure en date du 17 novembre 2008 Code affaire 80 G - 1 G Demande en paiement de créances salariales en l'absence de rupture du contrat de travail
Gilberte Z veuve Z agissant pour elle même et en qualité d'ayant droit de Mr Gilbert Z, Sylvie Z épouse Z agissant pour elle-même et en qualité d'ayant droit de Mr Gilbert Z C/
SOCIÉTÉ THEVENIN ET DUCROT
PARTIES EN CAUSE
Madame Gilberte Z veuve Z agissant pour elle même et en qualité d'ayant droit de Mr Gilbert Z, demeurant EHUNS
Madame Sylvie Z épouse Z agissant pour elle-même et en qualité d'ayant droit de Mr Gilbert Z, demeurant BRO111, LES LUXEUIL
APPELANTES - Demanderesses à la question prioritaire de constitutionnalité REPRESENTEES par Me Michel X, avocat au barreau de PARIS
ET
SOCIÉTÉ THEVENIN ET DUCROT, ayant son siège social, CHEVIGNY ST SAUVEUR
INTIMÉE
REPRÉSENTÉE par Me Philippe W, avocat au barreau de BESANCON
Giviù Mer'
- 3a
- Me ... /
141- nutMeg/
COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats du 30 Mars 2010
PRÉSIDENT DE CHAMBRE Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS Madame H. ... et Madame V. ...
GREFFIER Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES Lors du délibéré
PRÉSIDENT DE CHAMBRE Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS Madame H. ... et Madame V. ... Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 13 Avril 2010 par mise à disposition au greffe.
**************
Vu l'arrêt rendu par la cour de ce siège, chambre sociale, le 11 septembre 2009 dans le litige opposant Mme Gilberte Z veuve Z et Mme Sylvie Z épouse Daniel à la société Thevenin-Ducrot, relatif à l'application du statut de gérant de succursale (article L 781-1 et suivants du code du travail, actuellement L 7321-1 et suivants dudit code).
Vu le mémoire des consorts Z en date du 12 mars 2010, enregistré au greffe le 15 mars 2010 tendant à la saisine du Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'application de la prescription quinquennale issue de la loi n° 71-586 du 16 juillet 1971 aux personnes relevant du statut susvisé.
Vu l'ordonnance en date du 23 mars 2010 du Président de chambre, chargé de l'instruction des affaires enrôlées à la chambre sociale, prise en application de l'article 126-3 du décret n° 2010-148 du 16 février 2010, ordonnant le renvoi devant la formation de jugement.
En application de l'article 61-1 de la Constitution, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu que si une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
En application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.
En l'espèce les consorts Z prétendent que la loi du 16 juillet 1971 n°71-586 portant modification des articles 2262 du code civil et L 143-14 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, en ce qu'elle est appliquée aux personnes protégées par l'article L 781-1 du code du travail et fait grief à celles-ci, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution française, en ce que cette application combinée desdits textes est contraire aux principes fondamentaux suivants
- accessibilité et intelligibilité de la loi
- égalité devant la loi
- droit au travail et à sa rémunération
- discrimination
- atteinte au droit de propriété La société Thevenin Ducrot, à laquelle la requête portant sur la question prioritaire de constitutionnalité a été transmise, n'a pas formulé d'observations écrites sur le mérite de cette requête soumise à l'appréciation de la cour.
Elle a conclu au sursis à statuer sur le fond du litige, dans l'attente de la décision à intervenir sur la question prioritaire de constitutionnalité.
Le ministère public qui a reçu communication du mémoire et des pièces y annexées le 15 mars 2010 a formulé ses observations écrites le 29 mars 2010.
Sous réserve de la recevabilité du moyen relatif au principe d'égalité devant la loi dont le fondement constitutionnel n'est pas précisé, il est d'avis que les conditions posées par l'article 232 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, relatives à l'application au litige de la disposition législative en cause, à l'absence de précédent soumis au Conseil constitutionnel et au caractère sérieux de la question posée, sont remplies et qu'il y a lieu d'ordonner la transmission de celle-ci à la Cour de cassation, en la reformulant de la manière suivante
- la limitation à cinq ans de la prescription des actions en paiement des salaires, prévue par les actuels articles L 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil, applicable aux actions introduites sur le fondement des actuels articles L 7321-1 à L 7321-5 du code du travail, porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par
* les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (atteinte au droit de propriété) ;
* les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (principe de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi) ;
la loi ; * les articles non précisés par les requérants concernant le principe d'égalité devant
* l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (droit à un travail et à la rémunération qui l'accompagne) ;
- l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (principe de non discrimination) ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution
Le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 15 mars 2010 dans un écrit distinct des conclusions et motivé. Il est donc recevable.
Sur la transmission de la Question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation
L'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux La disposition contestée est applicable au litige, puisqu'elle est relative à la prescription quinquennale des salaires que la société Thevenin-Ducrot entend opposer aux prétentions des requérantes.
Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
Enfin elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que
- d'une part, la notion de disposition législative susceptible d'être contestée peut être entendue comme une prescription résultant de la combinaison de plusieurs textes législatifs
- d'autre part l'application d'une même règle de prescription abrégée faisant grief à des situations juridiques non strictement identiques est susceptible de porter atteinte à certains des principes de valeur constitutionnelle invoqués par les requérantes.
Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante
- la limitation à cinq ans de la prescription des actions en paiement des salaires, prévue par les actuels articles L 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil, applicable aux actions introduites sur le fondement des actuels articles L 7321-1 à L 7321-5 du code du travail, porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par
- les articles 4,5,6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (principe de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi) ;
- les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (atteinte au droit de propriété) ;
- 1' article 1" de la Constitution du 4 octobre 1958 (principe d' égalité devant la loi);
- l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (droit à un travail et à la rémunération qui l'accompagne) ;
- l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (principe de non discrimination) ;
distinct.
Il sera d'autre part sursis à statuer sur les demandes des parties, et ce par arrêt
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, insusceptible de recours indépendamment de l'arrêt sur le fond, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante
- la limitation à cinq ans de la prescription des actions en paiement des salaires, prévue par les actuels articles L 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil, applicable aux actions introduites sur le fondement des actuels articles L 7321-1 à L 7321-5 du code du travail, porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par
- les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (principe de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi) ;
- les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (atteinte au droit de propriété) ;
- 1" de la Constitution du 4 octobre 1958 (principe d'égalité devant la loi);
- l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (droit à un travail et à la rémunération qui l'accompagne) ;
- l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (principe de non discrimination) ;
Dit qu'il sera sursis à statuer par arrêt distinct ;
Dit que le présent arrêt sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;
Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente
décision ;
Rappelle aux parties les dispositions de l'article 126-9 du code de procédure civile
"Les parties disposent d'un délai d'un mois à compter de la décision de transmission pour faire connaître leurs éventuelles observations. Celles-ci sont signées par un avocat au Conseil d' Etat et à la Cour de cassation, dans les matières où la représentation est obligatoire devant la Cour de cassation".
Ledit arrêta été prononcé par mise à disposition au greffe le treize avril deux mille dix et signé par Monsieur J. ..., Président de chambre et Monsieur J. ..., Greffier en chef.
oHts- LE GREFFJER EN CHEF,
LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,