CE 1/6 SSR., 19-05-2010, n° 331025, publié au recueil Lebon
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
331025
M. THERON
M. Richard Senghor, Rapporteur
M. Mattias Guyomar, Rapporteur public
Séance du 7 mai 2010
Lecture du
19 mai 2010
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux
Vu le mémoire, enregistré le 3 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Pierre THERON, demeurant à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, rue Lavoisier, BP 482 (69665) ; M. THERON demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'abrogation de l'article D. 320-1 du code de procédure pénale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 728-1 du même code ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu l'article 728-1 du code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. THERON,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. THERON ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (.) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (.) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que M. THERON soutient que l'article 728-1 du code de procédure pénale est contraire au principe de la présomption d'innocence, énoncé à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; que, toutefois, d'une part, le Conseil constitutionnel a eu l'occasion à plusieurs reprises de faire application de cette disposition à valeur constitutionnelle, y compris au regard des limitations pouvant être apportées aux droits des personnes placées en détention provisoire ; que, d'autre part, l'article 728-1, qui établit un cadre général organisant le traitement des valeurs pécuniaires dont peuvent disposer les détenus, prévoit l'ouverture pour chacun d'un compte nominatif et renvoie à un décret le soin de fixer " les modalités de gestion du compte nominatif des détenus ", n'a pas par lui-même pour objet et ne saurait avoir pour effet d'imposer aux personnes prévenues un prélèvement définitif de leurs avoirs au profit des parties civiles et des créanciers d'aliments, dès lors que cette mesure, dont il est excipé qu'elle méconnaîtrait le principe de la présomption d'innocence, a un caractère purement conservatoire ; que par suite, la question soulevée n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 728-1 du code de procédure pénale porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. THERON.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. THERON et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Copie en sera adressée pour information au Conseil constitutionnel.