En ouvrant le service public de l'emploi à des opérateurs de droit privé et, donc, en abandonnant le monopole de l'activité de placement à des institutions de droit public, le législateur a pris acte de deux évènements d'importance égale : d'une part, une évolution sociale, psychologique, économique et industrielle, selon laquelle l'activité de placement n'est réalisée qu'en partie par l'ANPE, qui n'est plus un opérateur de premier rang (concurrencé par les cabinets de conseil en recrutement, le placement direct, les agences d'intérim...) ; d'autre part, une influence du droit international et du droit européen de la concurrence (CJCE, 23 avril 1991, aff. C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH N° Lexbase : A0092AWC, RTDE 1993, p. 92, note E. Travsersa).
1.1. Placement
Désormais, la loi définit l'activité de placement : elle consiste à fournir, à titre habituel, des services visant à rapprocher offres et demandes d'emploi, sans que la personne physique ou morale assurant cette activité ne devienne partie aux relations de travail susceptibles d'en découler (C. trav., art. L. 310-1, rédaction loi cohésion sociale). Le législateur s'est inspiré du droit international selon lequel "l'expression agence d'emploi privée désigne toute personne physique ou morale, indépendante des autorités publiques, qui fournit un ou plusieurs des services suivants se rapportant au marché du travail des services visant à rapprocher offres et demandes d'emploi, sans que l'agence d'emploi privée ne devienne partie aux relations de travail susceptibles d'en découler".
La loi de cohésion sociale pose le principe très consensuel selon lequel le placement ne peut être discriminatoire. En effet, aucun service de placement ne peut être refusé à une personne à la recherche d'un emploi en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail, en raison de son état de santé ou de son handicap (motifs énumérés à l'article L. 122-45 N° Lexbase : L5583ACR). Aucune offre d'emploi ne peut comporter de référence à l'une de ces caractéristiques (C. trav., art. L. 310-2, rédaction loi de cohésion sociale).
Enfin, la loi de cohésion sociale reprend le principe, consacré dès les années 1930, de la gratuité du placement. Aucune rétribution, directe ou indirecte, ne peut être exigée des personnes à la recherche d'un emploi en contrepartie de la fourniture de services de placement. Deux exceptions toutefois : le placement des artistes du spectacle (C. trav., art. L. 762-3 N° Lexbase : L6807AC4) et l'activité d'agent sportif (art. 15-2 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives N° Lexbase : L7559AG3).
1.2. Organismes concourant au service public de l'emploi
Depuis l'ordonnance de 1986, le service public du placement est assuré par l'ANPE, des établissements publics, des organismes gérés paritairement par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés et des associations, pour autant qu'ils soient agréés à cet effet par l'Etat ou qu'ils aient passé convention avec l'ANPE ; enfin, les employeurs ou groupes d'employeurs qui entreprennent des actions de reclassement en faveur de leur personnel.
La loi de cohésion sociale a modifié le paysage juridique français du placement. Désormais, le service public de l'emploi est assuré par les services de l'Etat chargés de l'emploi, l'ANPE, l'AFPA, mais aussi l'Unédic (dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont propres) ; les collectivités territoriales et leurs groupements ; les organismes publics ou privés (dont l'objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l'insertion, à la formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi) ; les organismes liés à l'Etat par une convention ; les entreprises de travail temporaire ainsi que les agences de placement privées mentionnées à l'article L. 312-1 (C. trav., art. L. 311-1, rédaction loi de cohésion sociale).
La grande innovation de cette loi, la plus médiatisée certainement, mais pas la plus innovante juridiquement, reste la mise en place des maisons de l'emploi.
Comme leur nom l'indique, ces organismes contribuent à la coordination des actions menées dans le cadre du service public de l'emploi. Elles exercent des actions en matière de prévision des besoins de main-d'oeuvre et de reconversion des territoires, notamment en cas de restructurations. Elles participent à l'accueil et à l'orientation des demandeurs d'emploi, à l'insertion, à l'orientation en formation, à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des salariés et à l'aide à la création d'entreprise (C. trav., art. L. 311-10-1). Leur structure emprunte au droit commun des organismes de droit public. Les maisons de l'emploi prennent la forme de groupements d'intérêt public, associant l'Etat, l'ANPE, l'Unédic, les Assédics, les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale.
- Agences privées
Le législateur a totalement refondu certaines dispositions du Code du travail, relatives au placement privé, qui n'étaient plus en phase avec l'évolution du droit positif ou des moeurs. Les anciennes dispositions prévoyaient, ainsi, qu'il ne peut être ouvert de nouveaux bureaux de placement gratuit (C. trav., art. L. 312-1 N° Lexbase : L6077AC3) ; ou que les bureaux de placement gratuit créés avant le 24 mai 1945, notamment par les syndicats professionnels, les bourses de travail, les sociétés de secours mutuels et les associations d'anciens élèves sont habilités à continuer leurs opérations sous le contrôle de l'administration, s'ils ont obtenu l'autorisation prévue par les dispositions finales du deuxième alinéa de l'article 3 de l'ordonnance nº 45-1030 du 24 mai 1945 (C. trav., art. L. 312-2 N° Lexbase : L6078AC4).
Désormais, selon la loi de cohésion sociale, toute personne physique ou morale de droit privé, dont l'activité principale consiste à fournir des services de placement, est tenue d'en faire la déclaration préalable à l'autorité administrative. La fourniture de services de placement est exclusive de toute autre activité à but lucratif, à l'exception des services ayant pour objet le conseil en recrutement ou en insertion professionnelle.
L'agence de placement privée est, également, tenue d'adresser régulièrement à l'autorité administrative des renseignements d'ordre statistique sur son activité de placement. A relever qu'un régime de sanctions est prévu. Lorsque l'activité de placement est exercée en méconnaissance des dispositions précitées ou en cas d'atteinte à l'ordre public, l'autorité administrative peut, après mise en demeure, ordonner la fermeture de l'organisme en cause pour une durée n'excédant pas 3 mois.
- Agences publiques
S'inspirant de la jurisprudence élaborée par la CJCE, qui reconnaît à l'activité de placement une pleine et entière soumission au droit commun de la concurrence, le législateur a prévu que pour l'exercice de ses missions, l'ANPE peut prendre des participations et créer des filiales. Celles-ci peuvent fournir des services payants, sauf pour les demandeurs d'emploi. Un décret en Conseil d'Etat fixera, au printemps 2005, la nature des activités pouvant être exercées par ces filiales, apportera les garanties de nature à prévenir toute distorsion de concurrence avec les opérateurs privés et précisera les conditions dans lesquelles ces filiales seront créées, ainsi que les modalités dans lesquelles s'exercera le contrôle de l'Etat (C. trav., art. L. 311-7, rédaction loi de cohésion sociale).
2. Chômage
2.1. Qualité juridique de chômeur
Le législateur avait laissé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer :
- les conditions dans lesquelles sont radiées de la liste des demandeurs d'emploi les personnes qui ne peuvent justifier de l'accomplissement d'actes positifs de recherche d'emploi ou qui, sans motif légitime, refusent d'accepter un emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail offert, compatible avec leur spécialité ou leur formation antérieure, leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leur situation personnelle et familiale, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région ;
- les conditions dans lesquelles sont radiées de la liste des demandeurs d'emploi les personnes qui, sans motif légitime, refusent de suivre une action de formation, de répondre à toute convocation de l'ANPE, de se soumettre à une visite médicale auprès des services médicaux de main-d'oeuvre destinés à vérifier leur aptitude au travail ou à certains types d'emploi ou, encore, qui ont fait de fausses déclarations pour être ou demeurer inscrites sur cette liste (C. trav., art. L. 311-5 N° Lexbase : L6069ACR).
La loi de cohésion sociale a apporté quelques modifications au régime juridique de la radiation de la liste des demandeurs d'emploi des chômeurs. La radiation pour défaut de recherche d'emploi doit, désormais, être fondée sur un défaut d'actes positifs de recherche d'emploi et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise.
De plus, au sens de la loi de cohésion sociale, le défaut dans la recherche d'emploi tient compte de la situation personnelle et familiale du demandeur d'emploi ainsi que, désormais, des aides à la mobilité qui leur sont proposées.
La radiation peut, aussi, intervenir pour un motif tenant au défaut de suivi de formation. La loi de cohésion sociale projette une image large de la notion d'action de formation qui doit, désormais, comprendre aussi les aides à la recherche d'emploi proposées par l'un des organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 311-1 (N° Lexbase : L6064ACL).
Enfin, la radiation d'un chômeur de la liste des demandeurs d'emploi peut être prononcée pour absence à convocation de l'ANPE. Désormais, au sens de la loi de cohésion sociale, la radiation peut être prononcée si le chômeur n'a pas satisfait à une convocation, que celle-ci émane de l'ANPE ou des services et organismes visés au premier alinéa de l'article L. 311-1 ou mandatés par ces services et organismes.
2.2. Contrôle de la recherche d'emploi
On sait que les opérations de contrôle de la recherche d'emploi sont effectuées par des agents publics relevant du ministre chargé de l'Emploi (service de contrôle de la recherche d'emploi). Pour l'exercice de leurs missions, ces agents ont accès aux renseignements détenus par les administrations sociales et fiscales, ainsi que les institutions gestionnaires du régime d'assurance (C. trav., art. L. 351-18 N° Lexbase : L6249ACG). La loi de cohésion sociale met fin au monopole de l'Etat dans l'exercice de cette mission. Dorénavant, le contrôle de la recherche d'emploi est opéré par des agents publics relevant du ministre chargé de l'Emploi et de l'ANPE, ainsi que par des agents relevant du régime d'assurance chômage (Unédic, Assédic : c'est la nouveauté).
Les décisions de réduction, de suspension à titre conservatoire ou de suppression du revenu de remplacement sont prises dans les cas mentionnés à l'article L. 351-17 (N° Lexbase : L6247ACD). Elles sont précédées d'une procédure contradictoire, dans laquelle le demandeur d'emploi a le droit d'être entendu, le cas échéant accompagné d'une personne de son choix. Le revenu de remplacement peut être supprimé ou réduit par le représentant de l'Etat, après consultation, le cas échéant, d'une commission où sont représentés l'Unédic et l'ANPE. Les Assédic peuvent, également, à titre conservatoire, suspendre le versement du revenu de remplacement ou en réduire le montant.
Le dossier est alors transmis au représentant de l'Etat, qui se prononce sur le maintien de la décision de suspension ou de réduction après une éventuelle consultation d'une commission où sont représentés les Assédic et l'ANPE.