RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
gosses délivrées ux parties le
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section B
ARRÊT DU 06 MARS 2009
(n° 7 4, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 07/03115
Décision déférée à la Cour Jugement du 10 Février 2003 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 200107515
APPELANTS
-Madame L. ... épouse ..., prise en sa qualité de curatrice de son fils Alexandre, né le 1" novembre 1988.
ainsi qu'agissant en son nom personnel.
INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE APPELANTE
-Monsieur J. ...
demeurant BAZEMONT
représentés par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour
assistés de Me Marie-Laurence BAI BRAMI, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour
le cabinet BRAMI et Associés, toque J 105
INTIMÉS
Société PFIZER HOLDING FRANCE venant aux droits de PFIZER SAS, elle-même
venant aux droits de la Société
PARIS
représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistée de Me Aurélie CADAIN et Me C. ..., avocats au barreau de PARIS, toque P 555, plaidant pour la SCP BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD SPORTES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES YVELINES
VERSAILLES
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me V. ...
Monsieur ... ...
PONTOISE
assigné à domicile n'ayant pas constitué avoué
- Monsieur ... ...
PARIS
et
- M.A.C.S.F.
PUTEAUX
représentés par la SCP Aime-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour assistés de Me Emmanuel JOB, avocat au barreau de PARIS, toque D1665, plaidant pour le cabinet Jean-Luc HIRSCH.
S.A. COMPAGNIE GENERALI IARD
PARIS
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée de Me Gilles CARIOU, avocat au barreau de PARIS, toque P141, plaidant pour la SCP NORMAND et Associés
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2009, en audience publique et selon l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de
Jacques BICHARD, Président
Anne-Marie GABER, Conseillère
Domitille DUVAL-ARNOULD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Tony METAIS
ARRÊT
- défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jacques BICHARD, président et par Tony METAIS, greffier.
Vu l'action en responsabilité intentée par les époux L., en qualité de représentants légaux de leur fils Alexandre né le Ier novembre 1988 à la clinique Domont et présentant une infirmité motrice cérébrale, à l'encontre de la société Pharmacia, producteur du Rhéomacrodex, du docteur ..., médecin anesthésiste, assuré par la société MACSF, du docteur T. P. V., médecin gynécologue et du liquidateur de la clinique Domont, assurée par la société Generali lard venant aux droits de la société Concorde ;
Vu l'expertise médicale du 18 mars 1998 ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris et réalisée par les docteurs ..., ..., R. et ... ;
Vu l'ordonnance du 4 décembre 2001 rendue par le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris qui a
- rejeté la demande de la société Pharmacia tendant à la désignation d'un expert en périnatalogie
- constaté l'extinction de l'instance engagée contre le docteur T. P. V. du fait du désistement à son égard des époux L. ;
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1ère Chambre, section B
(Pl
ARRÊT DU 6 mars 2009 RG n°07/03115 - 2ème page
Vu le jugement rendu le 10 février 2003 par le tribunal de grande instance de Paris
quia
- écarté des débats les extraits d'article en langue anglaise communiqués par la société Pharmacia sans traduction certifiée conforme
- déclaré les époux L. et la CPAM des Yveline mal fondés en leurs demandes et les en a déboutés
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement ni à application de l'article 700 du
Code de procédure civile
- condamné les époux L. aux entiers dépens de l'instance, frais d'expertise inclus ;
Vu l'appel relevé le 17 mars 2003 par les époux L. ;
Vu l'ordonnance de retrait du rôle rendue le 15 avril 2005 par le conseiller de la mise en état de cette Cour à la demande des époux L. ;
Vu la réinscription au rôle du 20 février 2007 ;
Vu les dernières conclusions des époux L. et d'A. L. devenu majeur en cours d'instance par lesquelles ils demandent à la Cour d'infirmer le jugement et .
- recevoir Madame L. en son intervention volontaire en qualité de curatrice d'Alexandre
- recevoir A. L. en son intervention volontaire
- recevoir les époux L. en leurs demandes
- voir la Cour se déclarer suffisamment éclairée par les conclusions des experts
- rejeter tout demande de la société Pfizer Holding France de voir désigner un expert en périnatalogie
- dire que l'injection de Rhéomacrodex à Madame L. est la cause du préjudice causé aux époux L. en leur nom personnel et à leur enfant représenté par sa mère - dire que les risques du Rhéomacrodex chez la mère et le foetus étaient connus au jour de l'accouchement
- dire que la société Pfizer Holding France a commis une négligence fautive en maintenant la distribution et l'utilisation du Rhéomacrodex alors que les risques étaient connus et de ce fait engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil subsidiairement si la responsabilité de la société Pfizer n'était pas retenue sur le fondement quasi-délictuel
- dire que la société Pfizer Holding France a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'obligation de sécurité et constater qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une cause exonératoire assimilable à un cas de force majeure
- dire le docteur ... et la clinique de Domont également responsables sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil du fait de négligences dans le suivi pré, per, post anesthésique de Madame L. ainsi qu'en raison de l'injection du Rhéomacrodex dont les risques étaient connus
- condamner solidairement la société Pfizer Holding France, le docteur ..., la clinique de Domont, la société MACSF et la société Generali lard à réparer leur entier préjudice et au versement des sommes suivantes
[> à Madame L. en qualité de curatrice d'Alexandre
- 1 Million d' euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par Alexandre depuis sa naissance et pour l'avenir et subsidiairement une rente mensuelle de 2.000 euros pour permettre une assistance permanente et qu'il soit pourvu aux besoins d'Alexandre non couverts par la CPAM
- 17.941,45 euros au titre des frais médicaux et d'appareillage non pris en charge par la CPAM avec intérêts au taux légal à compter de la signification des premières conclusions d'appel
- 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile r> aux époux L.
- 152.449,02 euros au titre de leurs préjudices personnels
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subsidiairement si la Cour ne faisait pas droit à la demande de Madame L. en qualité de curatrice d 'Alexandre au titre de 17PP et des autres incapacités
- ordonner un complément d'expertise sur l'évolutivité d'Alexandre et le taux définitif de ses différentes incapacités
- condamner solidairement la société Pfizer Holding France, le docteur ..., la clinique de Domont, la société MACSF et la société Generali lard aux dépens ;
Vu l'appel incident et les dernières conclusions de la société Pfizer Holding France venant aux droits de la société Pfizer venant elle-même aux droits de la société Pharmacia du 2 octobre 2008 par lesquelles elle demande à la Cour de
- dire que les experts ont conclu à l'imputabilité vraisemblable du Rhéomacrodex dans l'infirmité d'origine cérébrale dont est affecté A. L.
- dire que la littérature scientifique en périnatologie s'accorde pour conclure que dans la majorité des cas l'infirmité motrice d'origine cérébrale est de cause inconnue
- dire que tous les facteurs susceptibles d'établir l'existence d'une relation causale n'ont pas été étudiés par les experts
- dire en conséquence que les époux L. sont défaillants dans l'administration de la charge de la preuve et que c'est à tort que le tribunal a retenu un lien de causalité entre l'utilisation du Rhéomacrodex et l'infirmité motrice d'origine cérébrale d'A. L.
- infirmer le jugement sur ce point et débouter les époux L. de leurs demandes pour absence de lien de causalité entre l'utilisation du Rhéomacrodex et l'infirmité motrice d'origine cérébrale de l'enfant
- débouter la CPAM des Yvelines au même titre
- débouter le docteur ... de sa demande de garantie
- condamner les époux L. aux entiers dépens de Ière instance et d'appel
subsidiairement
- ordonner une contre-expertise en périnatologie
à titre plus subsidiaire
- confirmer le jugement
- constater qu'au 1er novembre 1988, l'état des connaissances médicales ne permettait pas de connaître les effets secondaires du Rhéomacrodex sur le foetus lors de l'accouchement
- dire qu'elle n'a pas commis de faute en maintenant à cette date l'utilisation du Rhéomacrodex pour les accouchements, compte-tenu de l'état des connaissances de l'époque
en toute hypothèse
- déclarer les époux L. irrecevables en leur demande de condamnation sur le fondement de la responsabilité contractuelle
- déclarer la CPAM des Yvelines et le docteur ... irrecevables en leurs demandes - dire que les conditions de sa responsabilité au titre de l'obligation de sécurité ne sont pas réunies en conséquence débouter les époux L. de leurs demandes tant au titre de la responsabilité délictuelle que de la responsabilité contractuelle et débouter la CPAM des Yvelines et le docteur ... de leurs demandes
- déclarer les époux L. irrecevables en leur intervention volontaire en leur nom personnel
- les condamner aux entiers dépens de Ière instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions du docteur ... et de la MACSF du 16 décembre 2008 par lesquelles ils demandent à la Cour de
- confirmer le jugement
subsidiairement dans l'hypothèse où la responsabilité du docteur ... serait retenue - dire qu'ils sont recevables et bien fondés à demander la garantie de la société Pfizer Holding France en sa qualité de fabricant et fournisseur du Rhéomacrodex afin d'être relevés intégralement de toutes condamnations à leur encontre en principal intérêts et frais - condamner les époux L. et subsidiairement la société Pfizer Holding France aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de la société Generali lard du 21 novembre 2008 par
lesquelles elle demande à la Cour de
- confirmer le jugement
subsidiairement dans l'hypothèse où la Cour estimerait devoir mettre une somme à sa charge
-dire que la société Pfizer Holding France en sa qualité de fabricant et fournisseur du Rhéomacrodex sera condamnée à la garantir des condamnations qui seraient mises à sa charge en principal, frais et accessoires
en tout état de cause
- évaluer les différents chefs de préjudice dans des proportions plus raisonnables que les évaluations des demandeurs
- condamner tout succombant au paiement de 4.000 e au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de la CPAM des Yvelines du 14 novembre 2007 par
lesquelles elle demande à la Cour de
- lui donner acte qu'elle s'en rapporte sur le mérite des demandes formulées
- pour le cas où des responsabilités seraient retenues, condamner in solidum le ou les tiers responsables à lui payer
t> 398.462,93 euros à titre provisionnel avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, la dite somme étant réglée par priorité et à due concurrence de l' indemnité mise à la charge de ces tiers conformément à l'article L376-1 du Code de la Sécurité sociale avec intérêts au taux légal à compter des 11 mars 2002 sur la somme de 86.430,62 euros, 16 septembre 2002 sur la somme de 113.683,57 euros, 4 mars 2005 sur la somme de 244.225,08 euros r> 910 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L376-1 du Code de la sécurité sociale
[> 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamner le ou les responsables aux entiers dépens ;
Vu l'assignation de Maître ... en sa qualité de liquidateur de la clinique Domont ; Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 décembre 2008 ;
SUR CE LA COUR
Considérant que le 1er novembre 1988 à 8h40, Madame L. a été admise à la clinique Domont en vue de son accouchement ;
Qu'elle a été suivie par le docteur.T. P. V., gynécologue obstétricien, et par le docteur ..., médecin anesthésiste qui a procédé, à 11 h, à une analgésie péridurale comportant une perfusion de Rhéomacrodex dont le Dextran est le principe actif et qui était produit par la société Pharmacia ;
Qu'à la suite de la constatation d'une baisse de tension artérielle et d'un rash cutané présentés par Madame L. et d'une chute anormale du rythme cardiaque de l'enfant, la perfusion a été arrêtée ce qui a entraîné la disparition des symptômes de Madame L. et une stabilisation du rythme cardiaque de l'enfant ;
Qu'à 11h55, Madame L. a donné naissance à l'enfant A. L. qui a été examiné par le docteur ..., pédiatre qui l'a revu le lendemain et n'a pas décelé d'anomalie ;
Que le 4 novembre 1988 à l'issue d'un examen réalisé par le docteur ..., pédiatre, l'enfant a été transféré à l'hôpital Beaujon ;
Qu'il présente une infirmité motrice cérébrale ;
q11
Qu' à l'issue d'une enquête de pharmacovigilance, le Rhéomacrodex a été, à compter de 1989, contre-indiqué lors de l'accouchement avec analgésie ou anesthésie péridurale en raison de "la possibilité de risque mortel ou de séquelles neurologiques graves chez l'enfant";
Que les époux L., estimant que l'infirmité de l'enfant était liée à l'administration du Rhéomacrodex, ont sollicité une expertise médicale ;
Que les experts ont conclu, le 31 juillet 1997, sur les responsabilités
"1)L 'accouchement de Madame L. a été marqué par une bradycardie sévère survenue 55 minutes avant l'accouchement. Cependant nous ne disposons pas des 15 dernières minutes du tracé.
2) Sur le plan anesthésique, il n'y a pas eu de faute anesthésique mais on peut signaler l'imprécision quant aux actes effectués, les horaires approximatifs' et l'absence d'informations essentielles en rapport avec l'accident.
3) A. L. présente une infirmité motrice cérébrale, syndrome dont les causes sont variées
L'encéphalopathie génétique peut être discutée mais aucun élément clinique ne permet de l'affirmer. L'argument majeur pour écarter ce diagnostic est l'absence d'aggravation de la maladie neurologique.
L'encéphalopathie post anoxique est le diagnostic de choix en raison des données de l'anamnèse obstétricale, des observations des premiers jours de vie, de l'évolution ultérieure, des données de l'IRM et en l'absence d'arguments pour une autre cause d 'encéphalopathie.
4) Sur le plan pharmacologique, les produits utilisés lors de l'accouchement ont été à des doses et selon un mode d 'administration conformes à I 'usage. Le Rhéomacrodex lui-même a été administré conformément à l'usage du moment. Aucun élément connu d'incompatibilité ne permet de déconseiller l'usage de ces produits ( Syntocinon, Fentanyl, Marcaine, Rhéomacrodex) en association.
En l'état actuel du dossier clinique, si 1 'on s 'appuie sur les méthodes de diagnostic de pharmacovigilance qui permettent d'évaluer 1 'imputabilité accordée au Rhéomacrodex, celle-ci est appréciée comme étant vraisemblable. ";
Qu'en réponse aux dires des parties et notamment à l'avis du professeur A. ..., soumis par la société Pharmacia, ils ont relevé
- qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les manquements professionnels suggérés par les experts quant à la tenue de la feuille d'anesthésie et les conséquences dommageables de l'encéphalopathie post anoxique retenue comme étant une cause vraisemblable de l'infirmité motrice de l'enfant, que l'absence des 15 dernières minutes du tracé du rythme cardiaque foetal n'était pas nécessairement due à une perte, l'enregistrement présentant fréquemment une discontinuité, que même si tel était le cas, cela n'était pas le fait du docteur ... et qu'en conclusion le travail de l'anesthésiste s'était effectué sans faute directe mais avec un manque de rigueur professionnelle et d'implication personnelle notamment mis en exergue par l'absence de prise en charge du nouveau-né et de suivi de la mère
- qu'on pouvait dire que la responsabilité du Rhéomacrodex dans le déterminisme des lésions neurologiques de l'enfant Alexandre reposait sur des arguments à la fois négatifs et positifs, qu'il n'existait aucune autre cause patente, que si les critères de l'asphyxie périnatale reposant sur l'étude du rythme cardiaque foetal et du score d' Apgar méritaient effectivement discussion en l'absence de décélération profonde et durable, la décélération était apparue brutalement, sur un rythme cardiaque jusqu'à présent normal, avait duré trois minutes et ces anomalies étaient concomitantes à l'installation de la perfusion, qu'après la naissance les anomalies cliniques comme l'électroencéphalogramme étaient compatibles avec le diagnostic d'encéphalopathie anoxo ischémique de stade II sans non plus être spécifiques, qu'au total l'ensemble des données obstétricales et néonatales, l'aspect actuel de l'IRM, et les séquelles neurologiques étaient compatibles avec le diagnostic d'asphyxie périnatale bien que tous les critères scientifiques ne soient pas réunis car on connaissait leur imperfection, qu'une pathologie congénitale par malformation ou maladie héréditaire
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1ère Chambre, section B paraissait exclue de même qu'un problème purement obstétrical, que l'argument du périmètre crânien un peu au dessous de la moyenne ne paraissait pas recevable et enfin que les accidents publiés avec le Rhéomacrodex avaient été marqués par des naissances en état de mort apparente ou des nouveaux nés ayant convulsé mais aussi des tableaux plus insidieux ;
Que les époux L. agissant en qualité de représentants légaux d'Alexandre ont ensuite recherché la responsabilité de la société Pharmacia, du docteur T. P. V., du docteur ... assuré par la société MACSF et la clinique Domont représentée par son liquidateur et assurée par la société Generali lard venant aux droits de la société Concorde ; qu'ils se sont désistés de leur demande à l'égard du docteur T. P. V. ;
Que les premiers juges ont essentiellement retenu en se fondant sur les constatations des experts que le dommage subi par l'enfant avait pour origine une réaction allergique au Rhéomacrodex, qu'aucune négligence fautive ne pouvait être reprochée à la société Pharmacia dès lors qu'il n'était pas établi qu'elle aurait eu connaissance avant le Ier novembre 1988 des risques de souffrance néonatale liées à l'utilisation du Rhéomacrodex lors de l'accouchement, ou encore à la clinique et au docteur ... qui n'avaient pas dans ce domaine plus de connaissances que la société Pharmacia et enfin qu'il n'était pas établi que les autres fautes reprochées au docteur ... liées au suivi pré per et post-anesthésique de Madame L. fussent en relation avec le dommage ;
***
Considérant qu'en cause d'appel, les époux L. agissant en leur nom personnel ainsi qu'A. L., devenu majeur en cours de procédure, et Madame L., curatrice de ce dernier, intervenants volontairement à l'instance, soutiennent que l'injection du Rhéomacrodex est la cause retenue par les experts comme étant à l'origine des préjudices de l'enfant, que l'analyse critique établie par le professeur A. ... ne peut être suivie et qu'une nouvelle expertise avec un expert en périnatalogie n'est pas justifiée ; qu'ils font encore valoir que la société Pfizer Holding France a commis une faute, d'une part, en maintenant l'utilisation de ce produit alors qu'elle connaissait les risques d'une injection de Dextrans chez la mère et le foetus, la littérature médicale ayant, dès avant novembre 1988, fait état d'accidents liés à l'utilisation de ce produit et, d'autre part, en s'abstenant d'informer les utilisateurs sur ces risques et a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1383 du Code civil ;
Qu'à titre subsidiaire, ils ajoutent qu'en toute hypothèse la société Pfizer Holding France a manqué à son obligation de sécurité, consacrée par les articles L221-1 et suivants du Code de la consommation, devant être appréciée à la lumière de la directive du 24 juillet 1985 et constituant une obligation de résultat dont elle ne peut s' exonérer que par la preuve d'une cause exonératoire assimilable à une force majeure ;
Qu'ils estiment encore que le docteur ... et la clinique de Domont ont commis une faute respectivement en injectant ce produit et en continuant de le fournir alors que les risques en étaient connus et en omettant d'assurer une consultation pré-anesthésique, une surveillance per-anesthésique et un suivi post-anesthésique ;
Que la société Pfizer Holding France, venant aux droits de la société Pharmacia, soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'infirmité motrice d'origine cérébrale de l'enfant et l'administration du Rhéomacrodex, que la méthodologie des experts consistant à raisonner par élimination et leurs conclusions en l'absence de causalité connue en matière d'infirmité motrice d'origine cérébrale sont criticables, que l'infirmité dont souffre l'enfant est susceptible d'avoir une autre cause prénatale et que l'existence d'un lien de causalité certain entre cette infirmité et l'administration du Rhéomacrodex n'est pas établie ;
Qu'à titre subsidiaire, elle sollicite une contre-expertise et la désignation d'un périnatalogiste ;
Qu'à titre encore subsidiaire, elle ajoute qu'elle n'a pas commis de faute et ne peut être tenue de garantir l'innocuité absolue du Rhéomacrodex, que sa responsabilité doit s'apprécier au regard de l'état des connaissances de l'époque, soit au Ter novembre 1988, que le laboratoire n'avait pas connaissance de risques de souffrances néonatales liées à l'utilisation de ce produit, que le maintien de ce produit sans contre-indication pour les accouchements et le défaut d'information ne sauraient lui être imputés à faute ; qu'elle précise enfin qu'en l'absence de responsabilité contractuelle, il y a lieu d'interpréter son obligation de sécurité à la lumière de la directive de 1985 et non sur le fondement de l'article L221-1 du Code de la consommation et que les conditions d'une responsabilité au titre d'un manquement à son obligation de sécurité ne sont pas réunies ;
Qu'elle fait enfin valoir qu'en application de l'article 2270-1 du Code de procédure civile, l'intervention des époux L. agissant en leur nom personnel est irrecevable comme formée quatorze ans après la naissance de l'enfant ;
Que le docteur ... soutient qu'au vu du rapport d'expertise et de l'avis du professeur ..., le lien de causalité entre le choc anaphylactique au Rhéomacrodex et l'infirmité cérébrale de l'enfant n'est pas établi, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir utilisé ce produit dont les risques pour le foetus n'étaient pas avérés en novembre 1988 et n'avaient pas été alors portés à sa connaissance, que l'absence de consultation pré-anesthésique, alors dépourvue de caractère obligatoire, est sans incidence avec le dommage de l'enfant, comme l'est également l'absence de mentions sur la feuille d'anesthésie du déroulement de l'analgésie et de l'incident et enfin que l'enfanta reçu les soins nécessaires à la naissance ; qu'il sollicite à titre subsidiaire la garantie de la société Pfizer Holding France ;
Que la société Generali Tard fait valoir que l'accident intervenu est en lien avec l'administration du Rheomacrodex, qu'aucun manquement n'a été retenu à l'encontre de la clinique, que l'insuffisance de la consultation pré-anesthésique ne peut lui être reprochée et est dépourvue de lien avec le dommage, que l'utilisation du Rhéomacrodex relève de la responsabilité de l'anesthésiste et qu'il n'est pas démontré que la clinique ayant fourni ce produit en connaissait les risques, que la mère et l'enfant ont été suivis régulièrement pendant leur séjour et enfin qu'il n'existait à l'époque aucune obligation quant à la constitution et à la conservation du dossier médical ;
Que la CPAM des Yvelines conclut à l'existence d'un lien de causalité entre la perfusion de Rhéomacrodex et l'infirmité de l'enfant, de risque connus liés à l'utilisation de ce produits et de négligences dans la surveillance de Madame L. et le suivi de l'enfant ;
***
Considérant que la responsabilité du producteur d'un produit de santé peut être recherchée sur le fondement de la faute commise par celui-ci, sous réserve d'apporter la preuve d'une telle faute et de son lien de causalité avec le dommage devant être au moins pour partie imputable à l'administration du produit ;
Que la responsabilité du producteur peut être aussi engagée sur le fondement d'un manquement à son obligation de sécurité de résultat, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ;
Qu'au regard de la date de mise en circulation du Rhéomacrodex, cette obligation doit être appréciée à la lumière de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, invoquée par les parties, qui dispose que la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage et qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte-tenu de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu et du moment de la mise en circulation du produit ;
Que si la victime n'est alors pas contrainte de prouver l'existence d'une faute, elle doit néanmoins prouver, outre le fait que le dommage est lié à l'administration du produit, que celui-ci présente une défaut ; que tout produit de santé comportant nécessairement une part de risque, la survenance d'effets indésirables ne suffit pas à établir l'existence d'un défaut ; que le défaut peut être notamment caractérisé par une inversion du rapport bénéfices-risques ou encore par des lacunes dans la présentation et donc l'information sur le produit ;
Que les preuves mises à la charge du demandeur peuvent être apportées par tous moyens et notamment par présomptions pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; que cependant les différents éléments conditionnant la responsabilité du producteur ne peuvent être présumés ;
Que si la directive a prévu dans le cas où l'existence d'un défaut est établie que le producteur pouvait s'exonérer de sa responsabilité en prouvant que l' état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation ne lui a pas permis de déceler l'existence de ce défaut, elle a laissé aux États membres la faculté d'introduire ou non dans leur législation interne cette exonération pour risque de développement ; que dès lors le droit interne ne peut, en l'absence de transposition et d'option alors prise par le législateur français, être interprété à la lumière de la disposition prévoyant ce cas d'exonération de sorte que celui-ci ne peut être invoqué par le producteur d'un médicament défectueux ;
Qu'enfin l'article L221-1 du Code de la consommation n'est pas applicable aux médicaments relevant selon l'article L221-8 de ce Code d'une réglementation spécifique édictée par le Code de la santé publique ;
***
Considérant que si les constatations expertales conduisent à retenir que l'infirmité motrice cérébrale de 1' enfant est vraisemblablement liée à l' administration de Rhéomacrodex, elles ne permettent pas en l'état et compte-tenu des éléments médicaux invoqués par la société Pfizer Holding France, d'entrer en voie de condamnation à l'égard de celle-ci, ni de l'exonérer de toute responsabilité ;
Qu'il convient avant-dire droit sur la responsabilité de la société Pfizer Holding France, d'une part, d'ordonner un complément d'expertise et, d'autre part, d'inviter les parties à conclure, outre sur la faute de la société, au vu des exigences posées par la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 ;
***
Considérant qu'en l'absence d'éléments médicaux permettant de retenir que la fourniture et l'administration du Rhéomacrodex seraient constitutives d'une faute de la part du docteur ... et de la clinique et que le suivi effectué par ce praticien au sein de cette dernière, même non rigoureux, serait en lien de causalité avec le dommage subi par l'enfant, il y a lieu de rejeter les demandes des consorts L. et de la CPAM des Yvelines à l'encontre du docteur ..., de la MACSF, de la clinique de Domont et de la société Generali "lard ;
Que le jugement sera donc confirmé au titre de ces demandes ;
***
Considérant enfin que si en application de l'article 2270-1 du Code civil, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la
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manifestation du dommage ou de son aggravation, le délai de prescription ne court en cas de préjudice corporel qu'à compter de la date de la consolidation ;
Qu'il convient d'inviter les parties à conclure, le cas échéant, sur la recevabilité de la demande des époux L. en tenant compte de la date de consolidation de l'enfant ;
***
Considérant qu'il convient de surseoir à statuer sur les demandes des consorts L. et de la CPAM des Yvelines fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que l'équité ne commande pas l'application de cette disposition à l'égard de la société Generali Tard ;
PAR CES MOTIFS
R. A. L. et Madame L. en qualité de curatrice de ce dernier en leurs interventions volontaires ;
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté les époux L. et la CPAM des Yvelines de leurs demandes à l'encontre du docteur ..., de la société MACSF, de la clinique de Domont et de la société Generali lard ;
Avant-dire droit sur les demandes des consorts L. à l'encontre de la société Pfizer Holding France
Invite les parties à conclure les parties à conclure, outre sur la faute de la société Pfizer Holding France, au vu des exigences posées par la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ainsi que, le cas échéant, sur la recevabilité de la demande des époux L. en tenant compte de la date de consolidation de l'enfant ;
Ordonne un complément d'expertise d'A. L.
Commet le docteur M. V. I. de ... Paris Tél 01.40.44.23.21, expert inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Paris, qui aura pour mission de
- Convoquer les parties demeurées dans la procédure par lettre recommandée avec avis de réception et leurs avocats respectifs par lettre simple et procéder à leur audition contradictoire ;
- Se faire communiquer même par des tiers mais avec l'accord des consorts L. tous les documents utiles à la réalisation de sa mission, en particulier les dossiers médicaux, ainsi que l'expertise des docteurs ..., ..., R. et ... et l'avis du professeur A. ... ;
- S'adjoindre en cas de nécessité le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine distinct du sien après en avoir les parties et leurs conseils ;
- Procéder à l'examen d'A. L. et recevoir les explications des consorts L. ainsi que les observations de le société Pfizer Holding France et consigner les constatations effectuées ;
- Donner tous éléments sur l'origine de l'infirmité motrice cérébrale présentée par A. L. et sur l'existence d'un lien entre cette infirmité et l'administration à
sa mère du Rhéomacrodex lors de l'accouchement ;
- Fournir de manière générale tous autres renseignements d'ordre médical qui paraîtraient utiles à la solution du litige ;
Dit que l'expert communiquera aux parties et leurs conseils, par lettre recommandée avec avis de réception, les résultats de ses recherches ;
Dit que dans les six semaines, les parties devront adresser leurs dires à l'expert par lettre recommandée avec avis de réception qui y répondra et les annexera au rapport ;
Dit que le rapport devra mentionner, outre les noms personnes convoquées et présentes aux réunions d'expertise et les dates de celles-ci, la liste des pièces consultées, les déclarations des tiers éventuellement entendues en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leur lien éventuel avec les parties, le cas échéant les constatations et avis du sapiteur, devant figurer dans le pré-rapport, ainsi que les dates d'envoi à chacun des avocats du pré-rapport et du rapport définitif ;
Dit que l'expert adressera son rapport définitif aux parties et le déposera en double exemplaire au secrétariat-greffe de la Cour avant le 3 septembre 2009 ;
Dit que l'expert accomplira sa mission sous le contrôle de Monsieur le Président de la 1ère Chambre B ou de tout magistrat de la formation, conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de Procédure Civile ;
Dit que la société Pfizer Holding France deva consigner au Régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'Appel de Paris - Paris - avant le 6 avril 2009, la somme de 1000 euros à valoir sur les honoraires ;
Dit qu'à défaut de consignation à la date ci-dessus, la désignation de l'expert sera caduque ;
Dit que l'affaire sera appelée à l'audience de procédure du jeudi 9 avril 2009 à 10h15 pour vérification des diligences ;
Dit que l'affaire sera appelée à nouveau à l'audience de procédure du jeudi 1er octobre 2009 à 13 h;
Déboute la société Generali lard de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Laisse au docteur ..., à la société MACSF et à la société Generali Tard la charge de leurs dépens ;
Réserve les demandes formées par les consorts ... et la CPAM des Yvelines au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les autres dépens.
LE GREFFIER