CIV. 2
C.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 8 janvier 2009
Cassation
M. GILLET, président
Arrêt n° 20 F D
Pourvoi n° Z
08-13.371
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT), dont le siège est Rouen ,
contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2007 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (10e chambre B), dans le litige l'opposant
1°/ à Mme Jeannette Y, épouse Y, domiciliée Martigues,
2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme dont le siège est Paris,
3°/ à l'Établissement français du sang (EFS), dont le siège est La Plaine Saint-Denis , défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 décembre 2008, où étaient présents M. Gillet, président, Mme Fontaine, conseiller référendaire rapporteur, M. Mazars, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société MATMUT, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'EFS, les conclusions de Mme de Beaupuis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la MATMUT de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre Mme ... et la société Axa France ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 1147, 1382 et 1251 du code civil ;
Attendu que, soumis à une obligation de résultat, le fournisseur de produits sanguins ne peut s'exonérer de sa responsabilité à l'égard de la victime que par la preuve d'un cas de force majeure ; que l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par ces textes, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 25 janvier 2007, Bull. II n° 20), qu'en juin 1987, Mme ... a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT) ; qu'elle a été hospitalisée de juin à août 1987 et a subi des transfusions de produits sanguins fournis par le centre régional de transfusion sanguine (CRTS) ; qu'en 1996, des examens médicaux ont révélé qu'elle avait été contaminée par le virus de l'hépatite C ; que l'enquête post-transfusionnelle réalisée dans le cadre de l'expertise judiciaire ayant établi que le donneur de l'un des culots globulaires transfusés à Mme ... était porteur du virus, celle-ci a assigné le CRTS devant un tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de son préjudice ; que l'Établissement français du sang (EFS), venant aux droits du CRTS, a appelé en garantie son propre assureur, la société Axa assurances, devenue Axa France IARD, puis a assigné en indemnisation la MATMUT ;
Attendu que, pour condamner la MATMUT à garantir l'EFS à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge en conséquence de la contamination post-transfusionnelle de Mme ..., l'arrêt se borne à considérer que le responsable de l'accident et le centre de transfusion sanguine ont concouru, à proportion égale, à la contamination de Mme ..., puisque, d'une part, sans la survenue de cet accident, la demanderesse n'aurait jamais eu à subir de transfusions, d'autre part, le CRTS est directement à l'origine de cette contamination en ayant administré à cette patiente des produits sanguins viciés dont il devait pourtant garantir l'innocuité ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater l'existence d'une faute imputable au conducteur impliqué, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne l'EFS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'EFS ; le condamne à payer à la société MATMUT la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP BORE et SALVE DE BRUNETON, avocat aux Conseils pour la société MATMUT
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la MATMUT à garantir à hauteur de 50 % l'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG des condamnations mises à sa charge en conséquence de la contamination posttransfusionnelle de Madame Jeannette Y par le virus de l'hépatite C ;
AUX MOTIFS propres et adoptés QUE "c'est par des motifs pertinents qui méritent adoption que le premier juge a considéré que le responsable de l'accident et le Centre Régional de Transfusion Sanguine (aux droits duquel vient l'EFS) ont concouru, à proportions égales, à la contamination de Jeannette BAROUNIAN par le virus de l'hépatite C puisque d'une part, sans la survenue de cet accident, la demanderesse n'aurait jamais eu à subir de transfusion et que, d'autre part, le centre transfusion sanguine est directement à l'origine de cette contamination en ayant administré à cette patiente des produits sanguins viciés dont il devait pourtant garantir l'innocuité ;
QUE le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la MATMUT à relever et garantir l'EFS à hauteur de 50 %" (arrêt p.5 dernier alinéa, p.6 alinéa 1er) ;
ALORS QUE l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les articles 1147, 1382 et 1251 du Code civil, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives ; qu'en accueillant à hauteur de moitié l'action récursoire de l'EFS, fournisseur fautif d'un produit sanguin contaminé, contre la MATMUT, assureur du conducteur impliqué dans l'accident de la circulation ayant rendu la transfusion nécessaire sans constater l'existence et la gravité d'une faute qu'aurait commise ce conducteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.