Cass. civ. 1, 11-12-2008, n° 08-10.105, F-D, Cassation partielle



CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION

Audience publique du 11 décembre 2008

Cassation partielle

M. BARGUE, président

Arrêt n° 1254 F D

Pourvoi n° Z

08-10.105

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Centre médico-chirurgical de l'Atantique, société anonyme, dont le siège est Puilboreau,

contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2007 par la cour d'appel de Poitiers (3e chambre civile), dans le litige l'opposant

1°/ à M. Hervé Y,

2°/ à M. Patrick X,

3°/ à M. Fabrice W,

domiciliés Puilboreau,

4°/ à M. Georges V, domicilié La Flotte-en-Ré,

5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, dont le siège est La Rochelle,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 13 novembre 2008, où étaient présents M. Bargue, président, M. Lafargue, conseiller référendaire rapporteur, M. Gridel, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lafargue, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Centre médico-chirurgical de l'Atantique, de la SCP Richard, avocat de MM. Y, X et W, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte au Centre médico-chirurgical de l'Atlantique du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. V et la CPAM de la Charente-Maritime ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche

Vu l'article 1147 du code civil et l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, applicable à compter du 5 septembre 2001 ;

Attendu que M. V qui souffrait d'une gonarthrose fémoro-tibiale a subi, en avril 1998, une arthroplastie totale du genou droit avec conservation ligamentaire, pratiquée dans les locaux de la société "Centre médico-chirurgical de l'Atlantique", (la société) par M. Y, chirurgien-orthopédiste, assisté de MM. X et W anesthésistes ; qu'une infection nosocomiale s'étant déclarée peu après, M. V a recherché la responsabilité de la clinique, laquelle a appelé en la cause les trois médecins ;

Attendu que pour rejeter le recours de la société à l'encontre de MM. Y, X et W, l'arrêt retient qu'en l'absence de faute établie à l'encontre de ceux-ci, la société devait seule assumer les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont a été victime M. V ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de se prononcer au regard de la responsabilité de plein droit qui pesait tant sur la clinique que sur les médecins, l'acte de soins étant antérieur au 5 septembre 2001, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des griefs invoqués

CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions concernant M. V et la CPAM de la Charente-Maritime, l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;

Condamne MM. Y, X et W aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, MM. Y, X et W à payer à la société Centre médico-chirurgical de l'Atlantique la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de MM. Y, X et W ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Centre médico-chirurgical de l'Atlantique.

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué

D'AVOIR débouté la société CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'ATLANTIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre des docteurs Y, X et W ;

AUX MOTIFS QUE " selon l'expert Monsieur ... la conjonction "nécrose cutanée" et "infection nosocomiale" a été responsable de l'évolution très défavorable ; que toutefois cet expert n'évoque aucune faute dans le traitement de la nécrose, il relate la mise en place de pansements quotidiens, d'une antibiothérapie de couverture immédiate mais avec une infection qui a continué à s'aggraver malgré une antibiothérapie à large spectre et en quantité tout à fait satisfaisante, c'est ainsi que l'infection a gagné la prothèse du genou ; que la seule possibilité thérapeutique qui était envisageable et à laquelle il a été procédé était une ablation de la prothèse infectée suivie d'une arthrodèse ; que l'évolution a alors été favorable ; que les Docteurs ... et ... ont observé que l'indication chirurgicale d'une arthroplastie était justifiée, que le délai de six mois avait été respecté entre la constatation de l'arthrose et l'intervention chirurgicale, que la nécrose avait été favorisée par l'excès de poids du patient. Ils ont considéré que le Docteur Y avait pris en charge tardivement la nécrose puisqu'elle avait été constatée le 7 avril et n'avait fait l'objet que d'un traitement conservateur insuffisant basé sur des soins locaux avant un geste radical d'excision pratiqué le 27 avril ; que, quant aux médecins anesthésistes les docteurs X et W, ils n'avaient pas eu une conduite thérapeutique parfaitement adaptée pendant la phase de soins locaux par le choix des antibiotiques qu'ils avaient fait ; qu'ils estiment que cette antibiothérapie aveugle n'avait pas lieu d'être ; que toutefois en réponse à des dires, ils ont replacé les faits dans leur contexte de l'époque pour considérer qu'aujourd'hui, l'excision précoce de la nécrose et la couverture par un procédé de chirurgie plastique est l'attitude généralement admise mais qu'en 1998 on pouvait discuter face à cette attitude radicale celle plus attentiste qui consistait à pratiquer des soins locaux de décapage et à n'intervenir chirurgicalement que lorsque la nécrose était totalement circonscrite ; qu'ils en concluent que la prise en charge radicale tardive n'a pas participé à l'extension de la nécrose, qu'il n'est pas exclu que ce délai ait pu favoriser mais sans la provoquer la surinfection de la prothèse et quoi qu'il en soit il s'agissait alors d'une attitude qui était légitime à l'époque des faits ; qu'ils soulignent que ....antibiothérapie aveugle des premiers jours n'a pu en aucun cas contribuer à rendre inefficace les soins locaux de la nécrose ; que selon leurs dernières conclusions "l'infection nosocomiale a donc été favorisée par la nécrose cutanée qui est une complication classique de la prothèse de genou et n'est pas due à une négligence dans la prise en charge de la médecine initiale" ; que les conclusions expertales ne mettent en évidence aucune faute des médecins ; qu'aucune conclusion contraire n'est apportée ; qu'il est retenu que les médecins ont agi selon les données de la science à l'époque des faits, qu'il ne peut pas leur être reproché d'avoir opté pour un traitement local d'une nécrose qui n'a aucun lien direct, certain et exclusif avec la situation actuelle ; que le Tribunal a donc exactement retenu que le Centre Médico-Chirurgical n'était pas fondé en son recours contre les médecins ; que seul le Centre Médico-Chirurgical doit assumer les conséquences des séquelles subies par Monsieur V " ;

1°/ ALORS, d'une part, QUE, dans ses écritures d'appel, le CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'ATLANTIQUE avait, pour demander la condamnation des médecins à prendre en charge le préjudice subi par la victime, soutenu que, compte tenu de la date à laquelle l'infection nosocomiale a été contractée, soit antérieurement au 5 septembre 2001, le médecin est tenu, vis-à-vis de son patient, d'une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la responsabilité des médecins et décider que seul le CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'ATLANTIQUE devait assumer les conséquences des séquelles subies par Monsieur V à la suite de l'infection nosocomiale dont il a été victime, qu'aucune faute ne pouvait leur être reprochée, sans se prononcer sur ce chef de conclusion de nature à établir que les médecins devaient répondre in solidum avec le CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'ATLANTIQUE du dommage subi par Monsieur V, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE selon l'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, modifié par l'article 3 de la loi n° 2002-1577 de la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale, l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique est applicable seulement aux infections nosocomiales consécutives à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces infections font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable ait été prononcée ; que, lorsque l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique n'est pas applicable, l'établissement de soin et le médecin praticien sont tenus à l'égard de la victime d'une infection nosocomiale d'une obligation de sécurité de résultat dont ils ne peuvent se libérer que par la preuve d'une cause étrangère, de sorte qu'ils doivent contribuer par parts égales à la réparation des conséquences dommageables de l'infection ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité des médecins et décider que seul le CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'ATLANTIQUE devait assumer les conséquences des séquelles subies par Monsieur V à la suite de l'infection nosocomiale dont il a été victime, qu'aucune faute ne pouvait leur être reprochée, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 1147 du Code civil ensemble les dispositions susvisées.