SOC. / ELECT FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 novembre 2015
Rejet
M. FROUIN, président
Arrêt n 2042 FS D Pourvoi n F 15-14.624 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1 / la fédération Sud PTT, dont le siège est Paris,
2 / M. Y Y, domicilié Prades-le-Lez,
contre le jugement rendu le 2 mars 2015 par le tribunal d'instance de Paris 15e (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant
1 / à la société Orange, société anonyme, dont le siège est Paris,
2 / à la société Orange Réunion, société anonyme, dont le siège est Saint-Denis,
3 / à la société Orange Caraïbe, société anonyme, dont le siège est Arcueil,
4 / à la société Orange promotions, société anonyme, dont le siège est Bagneux,
défenderesses à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 octobre 2015, où étaient présents M. Frouin, président, Mme Lambremon, conseiller rapporteur, MM. Béraud, Huglo, Mmes Reygner, Farthouat-Danon, Slove, conseillers, Mmes Sabotier, Salomon, conseillers référendaires, M. Boyer, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lambremon, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la fédération Sud PTT et de M. Y, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat des sociétés Orange, Orange Réunion, Orange Caraïbe et Orange promotions, l'avis de M. Boyer, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 15e, 2 mars 2015), que l'unité économique et sociale, constituée par les sociétés Orange, Orange Réunion, Orange Caraïbe et Orange promotion (l'UES Orange) est divisée conventionnellement, pour l'application de la législation sur la représentation du personnel, en sept établissements principaux, eux-mêmes subdivisés en établissements secondaires ; qu'à l'issue des élections des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel qui se sont déroulées du 18 au 20 novembre 2014, la fédération syndicaliste des activités postales et de télécommunications Sud PTT (la fédération Sud PTT), a, par lettre du 28 novembre 2014, désigné en qualité de délégué syndical d'établissement principal, M. Y, candidat qui n'a pas obtenu au moins 10 % des suffrages lors de ces élections ;
Attendu que la fédération Sud PTT et M. Y font grief au jugement d'annuler cette désignation alors, selon le moyen
1 / que si l'article L. 2143-3 du code du travail dispose en son alinéa premier que le délégué syndical est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, il prévoit, en son alinéa 2, que s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement plus aucun candidat présenté par l'organisation syndicale qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents ; que lorsqu'il est établi que tous les candidats satisfaisant aux conditions d'audience requise refusent d'être mandatés délégué syndical, il en résulte que le syndicat ne dispose plus de candidat en mesure d'exercer un mandat syndical à son profit et qu'il peut alors user de la possibilité ouverte par l'alinéa 2 du texte précité ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision d'annulation de la désignation de M. Y qu'un syndicat tel que la fédération Sud PTT, disposant de candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés, doit obligatoirement désigner ses délégués syndicaux parmi eux, même si ces élus ne souhaitent pas exercer ce mandat, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
2 / qu'en s'abstenant de rechercher, comme il y était invité, si au sein de l'établissement " Fonctions Support et Finances " de l'UES Orange, tous les candidats présentés par la fédération Sud PTT aux élections, qui avaient atteint le seuil d'audience personnelle requis, n'avaient pas décliné l'offre de se voir confier un mandat de délégué syndical, situation qui permettait dès lors à la fédération Sud PTT de faire porter son choix sur un autre candidat, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ;
Mais attendu que l'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n 2014-288 du 5 mars 2014, fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, et que ce n'est que si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale à l'une ou l'autre de ces élections, ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, que le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ;
Et attendu qu'ayant constaté que la fédération se bornait à faire valoir que les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages lors de l'élection des membres du comité d'établissement ou des délégués du
personnel avaient refusé d'être désignés en qualité de délégué syndical, le tribunal a exactement décidé que le délégué syndical devait être choisi parmi ceux-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la fédération Sud PTT et M. Y.
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir annulé la désignation de Monsieur Y Y en qualité de délégué SUD de l'établissement principal " Fonctions Support et Finances " de l'unité économique et sociale constituée entre les sociétés ORANGE, ORANGE RÉUNION, ORANGE CARAIBE et ORANGE PROMOTION, notifiée le 2 décembre 2014 par la fédération SUD PTT.
AUX MOTIFS QUE l'article L.2143-3 alinéa 1 du code du travail dispose que chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; que l'article L.2143-3 alinéa 2 du code du travail dispose que si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au seul de l'entreprise ou de l'établissement ; qu'il résulte du rapport parlementaire n 1754 du 30 janvier 2014 rédigé par Jean-Patrick GILLE (page 445) au soutien de la loi du 5 mars 2014 ayant intégré le deuxième alinéa de l'article L. 2143-3 que "en premier lieu, le 1o précise que, pour être désigné délégué syndical, le salarié doit avoir obtenu, à titre personnel et dans son collège, 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles autrement dit, il n'est pas nécessaire qu'il ait obtenu 10% de l'ensemble des suffrages exprimés lors de cette élection contrairement à l'interprétation qui pourrait être faite de la lettre de l'article L.2143-3, mais bien dans le cadre de son seul collège. [...] Le 2o apporte une précision concernant la possibilité pour une organisation syndicale de désigner un délégué syndical, en l'absence de candidat ayant recueilli au moins 10% des suffrages en effet, si, entre deux élections professionnelles, l'organisation syndicale ne dispose plus de candidat remplissant ces conditions, elle peut désigner un délégué syndical parmi ses candidats aux élections n 'ayant pas obtenu 10% des voix, ou bien à défaut de candidats, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement " ; qu'il résulte clairement de ces dispositions, sans aucune interprétation possible, qu'une organisation syndicale peut procéder à la désignation de délégués syndicaux au sein d'une entreprise ou d'un établissement d'au moins 50 salariés à la double condition d'être une organisation syndicale représentative et que le délégué syndical désigné se soit présenté aux élections et qu'il ait recueilli à titre personnel et dans son collège au moins 10% des suffrages ; que dans l'hypothèse, uniquement subsidiaire, ou le syndicat représentatif n'a pas de candidats ayant recueilli 10 % des suffrages sur son nom, il peut alors désigner un membre parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise du de l'établissement ; qu'en conséquence, un syndicat disposant de candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés doit obligatoirement désigner ses délégués syndicaux parmi eux, même si ces élus ne souhaitent pas exercer ce mandat ; qu'il n'appartient pas d'ajouter des conditions à des dispositions légales claires ;
QU'en l'espèce, les sociétés ORANGE forment une unité économique et sociale ; que des élections des délégués du personnel et des représentants du personnel s'y sont tenues du 18 au 20 novembre 2014 ; qu'à l'issue de ces élections, la Fédération SUD PTT a obtenu plus de 10 % des suffrages et qu'il n'est contesté par aucune des parties qu'il s'agit d'une organisation syndicale représentative avec 51 élus ayant obtenus au moins eux-mêmes 10 % des suffrages ; qu'il résulte également de ces élections, ce qui n'est contesté par aucune des parties, que Monsieur Y Y s'est porté candidat à quatre mandats aux dernières élections professionnelles et qu'il n'a jamais obtenu 10 % des suffrages ; que par lettre recommandée en date du 28 novembre 2014 reçue le 2 décembre 2014 adressée à ORANGE, la Fédération SUD PTT a fait savoir qu'elle procédait à la désignation de ce dernier en qualité de délégué syndical SUD de l'établissement principal "Fonctions Supports et Finances" ; qu'elle ne pouvait procéder à cette désignation, faute pour Monsieur Y Y de remplir la condition de représentativité exigée à l'alinéa 1 de l'article L.2143-3 du code du travail ; que, compte tenu du nombre d'élus de la Fédération SUD PTT, l'alinéa 2 de l'article L.2143-3 ne peut trouver à s'appliquer ; qu'en conséquence, il convient d'annuler la désignation de Monsieur Y Y en qualité de délégué syndical SUD de l'établissement principal "Fonctions Supports et Finances" de l'unité économique et sociale constituées entre les sociétés ORANGE, ORANGE RÉUNION, ORANGE CARAÏBE et ORANGE PROMOTION notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 novembre 2014 reçue le 2 décembre 2014 ;
QU'il n'y a pas lieu à statuer sur les autres moyens soulevés par les défendeurs ; qu'en effet, les moyens relatifs au périmètre des établissements, au refus des autres élus, aux conséquences pour eux de l'annulation de la désignation, aux anciennes élections et désignations, à l'absence non prouvée d'impartialité d'ORANGE n'ont aucune incidence sur la question de droit posée à la présente juridiction sur l'application de l'article L.2143-3 du code du travail relatif aux faits de l'espèce ; qu'il s'agit de simples arguments et non de moyens et que de plus il a été fait droit à l'annulation de la désignation ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si l'article L.2143-3 du Code du travail dispose en son alinéa premier que le délégué syndical est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, il prévoit, en son alinéa 2, que s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement plus aucun candidat présenté par l'organisation syndicale qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents ; que lorsqu'il est établi que tous les candidats satisfaisant aux conditions d'audience requise refusent d'être mandatés délégué syndical, il en résulte que le syndicat ne dispose plus de candidat en mesure d'exercer un mandat syndical à son profit et qu'il peut alors user de la possibilité ouverte par l'alinéa 2 du texte précité ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision d'annulation de la désignation de Monsieur Y qu'un syndicat tel que la fédération SUD PTT, disposant de candidats ayant obtenu au moins 10% des suffrages exprimés, doit obligatoirement désigner ses délégués syndicaux parmi eux, même si ces élus ne souhaitent pas exercer ce mandat, le Tribunal d'instance a violé l'article L.2143-3 du Code du travail ;
ET ALORS D'AUTRE PART QU'en s'abstenant de rechercher, comme il y était invité, si au sein de l'établissement " Fonctions Support et Finances " de l'UES ORANGE, tous les candidats présentés par la fédération SUD PTT aux élections, qui avaient atteint le seuil d'audience personnelle requis, n'avaient pas décliné l'offre de se voir confier un mandat de délégué syndical, situation qui permettait dès lors à la fédération SUD PTT de faire porter son choix sur un autre candidat, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.2143-3 du Code du travail.