Avis Conseil de la concurrence n° 08-A-10, 18-06-2008, relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération de la formation professionnelle (FFP)


Avis n° 08-A-10 du 18 juin 2008
relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération de la formation professionnelle (FFP)
Le Conseil de la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le 8 décembre 2006, sous le numéro 06/0102 A, par laquelle la
Fédération de la formation professionnelle (FFP) a saisi le Conseil de la concurrence d'une
demande d'avis sur le fondement de l'article L. 462-1 du Code de commerce ;
Vu le Code du travail ;
Vu le Code de l'éducation ;
Vu l'article 13 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités
locales ;
Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les
représentants de la Fédération de la formation professionnelle entendus au cours de la
séance du 7 mai 2008 ;
Les représentants de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes et
ceux du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et du ministère du travail
(délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) entendus, conformément
aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 463-7 du Code de commerce ;
Est d'avis de répondre à la question posée dans le sens des observations qui suivent :
1. La Fédération de la formation professionnelle (FFP) a saisi le Conseil de la concurrence
d'une demande d'avis relative aux prestations de formation professionnelle. La FFP
souhaite que soient précisées les conditions de l'intervention du service public de l'emploi
dans le secteur de la formation professionnelle, de telle sorte que puisse être évitée toute
situation de concurrence faussée au détriment des prestataires privés. La FFP estime, en
particulier, que le fonctionnement de la concurrence sur le marché de la formation
professionnelle est affecté par la position détenue par l'Association nationale pour la
formation professionnelle des adultes (AFPA), notamment vis-à-vis des demandeurs
d'emploi. La FFP s'interroge en particulier sur la justification de son financement public,
sur le partage entre celles de ses missions relevant d'une activité de service public et celles
relevant d'activités concurrentielles, sur son intervention dans le processus d'agrément des
organismes habilités à délivrer des titres professionnels reconnus par le ministère du
travail, sur sa fonction d'orientation et plus généralement sur sa position avantageuse sur le
marché de la formation professionnelle.
2. A titre liminaire, le Conseil rappelle que, consulté en application de l'article L. 462-1 du
Code de commerce, il ne peut se prononcer que sur des questions de concurrence d'ordre
général. Il ne lui appartient pas, dans ce cadre, de statuer sur le point de savoir si telle ou
telle pratique est ou serait contraire aux articles 81 CE ou 82 CE et aux articles L. 420-1 et
L. 420-2 du Code de commerce. En effet, seule une saisine contentieuse et la mise en
œuvre de la procédure contradictoire prévue aux articles L. 463-1 et suivants du Code de
commerce, sont de nature à permettre l'appréciation de la licéité d'une pratique au regard
des dispositions relatives aux ententes ou aux abus de position dominante.
3. En l'espèce, rien ne fait obstacle à ce que le Conseil réponde aux questions qui lui sont
posées, dans la mesure où elles présentent un caractère de généralité suffisant.
4. Après avoir décrit le cadre juridique et financier dans lequel l'AFPA intervient (I), puis
analysé le secteur visé par la demande (II), le Conseil examine les conditions de l'exercice
de la concurrence en matière de formation professionnelle (III).
I. Le cadre juridique et financier
5. Un certain nombre d'éléments figurant ci-dessous ont été exposés dans le précédent avis
du Conseil n° 00-A-31 du 12 décembre 2000, déjà demandé par la FFP, auquel il est
renvoyé pour le surplus.
6. Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la
Constitution du 4 octobre 1958, fait figurer la formation professionnelle au rang des
« principes particulièrement nécessaires à notre temps ».
7. En conséquence, l'article L. 6111-1 du Code du travail dispose : « La formation
professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle comporte une
formation initiale, comprenant notamment l'apprentissage, et des formations ultérieures,
qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes
déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent. En outre, toute personne engagée dans
la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment
professionnelle. » La qualification d'« obligation nationale », figure également à l'article
L. 122-5 du Code de l'éducation, s'agissant de l'éducation permanente, dont la formation
professionnelle fait partie intégrante.
2
A. LE CADRE GÉNÉRAL DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
8. Initialement conçue comme un simple instrument individuel de promotion sociale, la
formation professionnelle est devenue un vecteur de la politique de l'emploi avec la
création, par la loi du 18 décembre 1963, du Fonds national de l'emploi (FNE). Les lois du
3 décembre 1966 et du 31 décembre 1968 ont institué le congé individuel de formation
(CIF) et organisé son financement. La loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 organisant la
formation professionnelle dans le cadre de l'éducation permanente, vise à répondre à un
objectif général de formation, permettant l'adaptation ou la reconversion des salariés,
l'entretien et le perfectionnement des connaissances, la promotion sociale, ainsi que la
préformation des plus jeunes. Le CIF y est maintenu comme un droit individuel.
9. L'organisation de la formation professionnelle repose sur la pluralité des financeurs et des
offreurs, sur une politique concertée entre l'État, les régions, les organismes de placement
et de formation et les partenaires sociaux, ainsi que sur la participation financière
obligatoire des employeurs. La loi du 24 février 1984 a précisé les conditions dans
lesquelles ceux-ci peuvent s'acquitter de leurs obligations : plans de formation internes,
versement à un fonds d'assurance formation, financement d'actions de formation au
bénéfice des travailleurs privés d'emploi, contribution au financement d'études ou de
recherche. Ce texte étend, en outre, le droit au CIF à tous les salariés et institue le principe
de la formation professionnelle en alternance. La loi n° 85-832 du 5 août 1985 relative au
congé de conversion a complété les moyens d'intervention du FNE, la formation
professionnelle étant utilisée pour le reclassement des travailleurs licenciés. La loi
n° 90-579 du 4 juillet 1990 a reconnu à tout salarié entrant ou engagé dans la vie active un
droit à congé formation permettant d'acquérir une qualification professionnelle, qui ouvre
droit à un bilan de compétences et à l'élaboration d'un projet personnalisé de parcours de
formation, ainsi qu'à la prise en charge totale ou partielle de cette formation. La loi
quinquennale n° 93-1313 du 23 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la
formation professionnelle, a réformé les modalités de financement, développé les mesures
de formation en alternance, ainsi que les droits individuels des salariés. Elle institue,
notamment, les plans régionaux de développement des formations professionnelles des
jeunes couvrant l'ensemble des filières de formation des jeunes préparant l'accès à
l'emploi : formation initiale, contrats d'insertion en alternance, formation professionnelle
continue. La loi n° 95-116 du 4 février 1995 a posé le principe d'un agrément des
organismes de formation par l'État. La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation,
relative à la lutte contre les exclusions, renforce l'accompagnement personnalisé vers
l'emploi pour les jeunes de 16 à 25 ans (programme TRACE). La loi n° 2004-391 du
4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue
social crée un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures par an, cumulable
sur six ans, dont le déclenchement relève de l'initiative du salarié et le choix de l'action est
arrêté par accord entre celui-ci et l'employeur.
10. La formation professionnelle continue a ainsi pour objet de permettre l'adaptation des
travailleurs aux changements des techniques et des conditions de travail et de favoriser leur
promotion professionnelle.
11. Elle est assurée dans le cadre des actions énumérées à l'article L. 6313-1 du Code du
travail :
«
1° Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle ;
2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés ;
3° Les actions de promotion professionnelle ;
3
4° Les actions de prévention ;
5° Les actions de conversion ;
6° Les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances ;
7° Les actions de formation continue relative à la radioprotection des personnes prévues à
l'article L. 1333-11 du code de la santé publique ;
8° Les actions de formation relatives à l'économie de l'entreprise ;
9° Les actions de formation relatives à l'intéressement, à la participation et aux dispositifs
d'épargne salariale et d'actionnariat salarié ;
10° Les actions permettant de réaliser un bilan de compétences ;
11° Les actions permettant aux travailleurs de faire valider les acquis de leur expérience ;
12° Les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs
ou repreneurs d'entreprises artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une
activité. »
B. LA RÉGIONALISATION ET LE FINANCEMENT PUBLIC
12. L'élargissement du droit à la formation, qui est financé à titre principal par les entreprises
mais aussi par les pouvoirs publics qui l'organisent également, s'est accompagné d'un
transfert de compétences de l'État aux régions. Depuis la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, qui
attribue à ces dernières la compétence de droit commun en matière de formation
professionnelle continue, le mouvement de décentralisation s'est poursuivi. La loi
quinquennale n° 93-1313 du 23 décembre 1993, relative au travail, à l'emploi et à la
formation professionnelle, a posé le principe du transfert du financement des actions à
destination des jeunes de l'État vers les régions. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002
relative à la démocratie de proximité, renforce également leur rôle en la matière : l'article
L. 214-12 du code de l'éducation, issu de cette loi, modifié par les lois n° 2004-809 du
13 août 2004, précitée, et n° 2006-340 du 23 mars 2006, reconnaît à la région une
compétence de droit commun en matière de formation professionnelle continue et
d'apprentissage. L'article L. 214-13 du code de l'éducation confère aux conseils régionaux
la responsabilité d'arrêter un plan régional de formation professionnelle, et, dans sa version
antérieure à la loi du 13 août 2004 précitée, d'arrêter le schéma régional des formations de
l'AFPA. Il transfère de l'État aux régions la prise en charge des primes aux employeurs
d'apprentis, tout en renforçant la coordination régionale par l'élargissement du champ
d'intervention du plan régional de développement des formations professionnelles aux
adultes.
13. L'article L. 214-12 du code de l'éducation est ainsi rédigé : « La région définit et met en
œuvre la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et
des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle. Elle
organise sur son territoire le réseau des centres et points d'information et de conseil sur la
validation des acquis de l'expérience et contribue à assurer l'assistance aux candidats à la
validation des acquis de l'expérience. Elle organise des actions destinées à répondre aux
besoins d'apprentissage et de formation en favorisant un accès équilibré des femmes et des
hommes aux différentes filières de formation. Elle veille en particulier à organiser des
formations permettant d'acquérir une des qualifications mentionnées à l'article L. 900-3 du
code du travail. Elle assure l'accueil en formation de la population résidant sur son
territoire, ou dans une autre région si la formation désirée n'y est pas accessible. Dans ce
dernier cas, une convention fixe les conditions de prise en charge de la formation par les
régions concernées. Elle institue, notamment, les plans régionaux de développement des
4
formations professionnelles des jeunes couvrant l'ensemble des filières de formation des
jeunes préparant l'accès à l'emploi : formation initiale, contrats d'insertion en alternance,
formation professionnelle continue », tandis que l'article L. 214-13 du même code prévoit
notamment que le conseil régional approuve le plan régional de développement des
formations professionnelles, qui a pour objet de définir « une programmation à moyen
terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes et de favoriser un
développement cohérent de l'ensemble des filières de formation en favorisant un accès
équilibré des femmes et des hommes à chacune de ces filières de formation ». Ce plan est
« élaboré en concertation avec l'État, les collectivités territoriales concernées et les
organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives à l'échelon
national ». L'ANPE participe à cette élaboration.
14. Ce mouvement de transfert des compétences s'est accompagné d'un transfert, plus tardif,
des crédits budgétaires antérieurement attribués par l'État à l'AFPA. La loi n° 2004-809 du
13 août 2004, précitée, prévoit en effet que « les compétences dévolues aux régions … en
matière d'organisation de formation professionnelle, lorsqu'elles donnent lieu à
l'organisation et au financement, par l'État, de stages de l'AFPA, sont transférées au plus
tard le 31 décembre 2008 ». Avant cette date, ce même texte prévoit que le transfert est
possible, sous réserve de la signature d'une convention tripartite État - région - AFPA. Il
donne alors lieu à compensation financière de la part de l'État. La quasi totalité des régions
ont déjà opéré ce transfert. Les régions deviennent ainsi, en application des conventions
tripartites, les donneurs d'ordre principaux de l'AFPA, jusqu'alors financée principalement
par l'État au titre de politiques publiques. Dans ce contexte, même s'il n'appartient pas au
Conseil de la concurrence, dans le cadre d'un avis, de prendre position sur l'interprétation
des textes régissant la commande publique, il semble que dans de nombreux cas les régions
seront appelées à recourir à la passation de marchés publics en matière de formation
professionnelle. L'AFPA devrait ainsi être mise en concurrence avec d'autres opérateurs
plus fréquemment qu'autrefois, dans le cadre d'appels d'offres. Dans son avis n°
00-A-31,
précité, le Conseil de la concurrence avait déjà souligné les aspects positifs d'une telle
évolution. Les crédits d'État transférés se rapportent à la formation qualifiante, à la
rémunération des stagiaires et aux prestations associées à la formation des demandeurs
d'emploi c'est-à-dire l'accompagnement, l'hébergement et la restauration. Les régions qui
ont déjà opéré le transfert reçoivent une enveloppe globale de crédits qui correspond à la
moyenne des dépenses actualisées constatées au cours des trois années précédant le
transfert, versée par le biais d'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers
(TIPP).
15. L'État conserve la compétence en matière d'orientation des demandeurs d'emploi, de
certification de titres, mais aussi, en ce qui concerne la formation proprement dite, les
prestations relatives à l'accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans, en application de la loi
n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale. Il demeure en
outre compétent s'agissant des programmes nationaux spécifiques, c'est-à-dire de la
formation des Français établis hors de France (article 9 de la loi du 13 août 2004, codifié à
l'article L. 214-12-1 du code de l'éducation), des détenus incarcérés ou en régime de semi
liberté, des travailleurs handicapés, des anciens militaires, des salariés d'outre mer. Pour
ces catégories de personnes, le contrat de progrès État-AFPA prévoit que l'État, qui assure
le financement de ces actions, passe des conventions annuelles ou pluriannuelles avec
l'AFPA.
16. En outre, la collectivité territoriale de Corse échappe aux modalités générales de
décentralisation. En application de l'article L. 4424-34 du code général des collectivités
territoriales, à l'occasion de la mise en œuvre du plan régional de développement : « la
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collectivité territoriale de Corse signe une convention, notamment avec l'Association
nationale pour la formation professionnelle des adultes, dont elle arrête le programme des
formations et le programme des opérations d'équipement pour la Corse. »
17. La formation professionnelle ne correspond pas dans sa globalité à un service public,
même si cette qualification a parfois été retenue pour certaines situations en raison de la
nature de l'organisme concerné (pour les centres de formation d'apprentis, Conseil d'État,
11 décembre 1996, FSUER, les établissements publics, Tribunal des conflits,
16 janvier 1995 ou les GRETA, Tribunal des conflits, 12 fév. 2001, Mme D) et même si la
formation professionnelle participe, en vertu de l'article L. 5311-2 du code du travail, au
service public de l'emploi qui : « comprend le placement, l'indemnisation, l'insertion, la
formation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi » (article L. 5311-1 du même
code). L'AFPA, pour sa part, assume « sous le contrôle de l'État une mission d'intérêt
général » (Conseil d'État, 13 février 1987, Nehal, 23 juin 2000, Adam). La participation à
ce service public n'entraîne pas en elle-même la mise en œuvre de prérogatives de
puissance publique.
18. Les procédés juridiques utilisés dans les relations entre personnes publiques et offreurs de
formation professionnelle reposent sur l'agrément du stage, qui conditionne la
rémunération du stagiaire par la collectivité publique concernée (art. L. 6341-4 du code du
travail) et la convention de formation professionnelle, qui constitue la relation essentielle
entre offreurs et demandeurs (articles D. 6122-4 et D. 6122-5 du code du travail). Celle-ci
fixe :
- la nature, l'objet, la durée et les effectifs des stages qu'elle prévoie ;
- les modalités de leur déroulement ;
- les prix et les contributions financières éventuelles des personnes publiques ;
- les modalités de contrôle pédagogique et technique.
19. La loi du 13 août 2004, en même temps qu'elle organise la régionalisation, maintient
d'ailleurs la possibilité pour l'État de contribuer financièrement tant aux dépenses de
fonctionnement des stages qu'à la construction ou à l'équipement des centres. Cette
contribution est établie sur la base d'une convention ( article L. 6122-1 du code du travail).
20. Il en résulte que l'État, en application de ce texte, dispose toujours de la possibilité de
s'engager, par convention, à financer sur fonds publics des actions de formation continue
en contrepartie d'obligations de la part du cocontractant, qui peut être un centre de
formation public ou privé, une entreprise ou un organisme paritaire.
21. Les régions utilisent également ce même outil juridique pour mettre en œuvre leur
politique de formation, en en arrêtant librement les éléments, notamment en matière de
contrôle.
22. Ce système de conventions n'apparaît pas incompatible, pour une même prestation, avec le
recours aux appels d'offres.
C. LE FINANCEMENT PRIVÉ
23. La formation professionnelle est aussi financée par des sources privées.
24. Toutes les entreprises sont assujetties à l'obligation de formation professionnelle, dont elles
peuvent s'acquitter de multiples manières : par des actions internes, par des conventions
6
conclues avec des organismes de formation librement choisis, par des conventions
conclues avec un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), par le financement de
centres de formation pour chômeurs ou des engagements de développement de la
formation. A défaut, l'entreprise s'acquitte de ses obligations par un versement au Trésor
public.
25. La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle est
définie aux articles L. 6331-1 et suivants du code du travail. Le taux légal, rehaussé par la
loi n° 2004-391, précitée, du 4 mai 2004, varie selon la taille des entreprises. Les
employeurs occupant moins de dix salariés doivent consacrer au financement de la
formation professionnelle 0,55 % du montant des rémunérations payées au cours de
l'année civile, pour le financement du plan de formation, intégralement versé à un
organisme paritaire collecteur agréé (OPCA). Pour les entreprises employant de 10 à
19 salariés, ce taux est de 1,05 %. Les employeurs occupant au moins 20 salariés doivent
consacrer un pourcentage minimal de 1,6 % du montant des rémunérations versées pendant
l'année de référence, dont 0,9 % au titre du plan de formation. Pour les entreprises de
travail temporaire employant au moins 20 salariés, ce taux s'élève à 2 %.
Décomposition de l'obligation légale des entreprises selon leur effectif
Obligation légale des entreprises
selon leurs effectifs
Moins de
10 salariés
(taux rehaussés au
1/1/2005)
De 10 à 19 salariés
(catégorie créée à
compter de 2005)
A partir de
20 salariés
(taux rehaussés au
1/1/2005)
CIF - - 0,2 %
Professionnalisation 0,15 % 0,15 % 0,5 %
Plan de formation 0,4 % 0,9 % 0,9 %
OBLIGATION LEGALE 0,55 % 1,05 % 1,6 %
26. En pratique, ces taux sont souvent dépassés, et atteignent, en moyenne, environ 3 % de la
masse salariale globale, toutes entreprises confondues. L'effort financier tend à augmenter
avec la taille de l'entreprise. Cette participation permet de financer le plan de formation de
l'entreprise, qui regroupe les formations à l'initiative de l'entreprise et liées à l'entreprise,
le CIF, le capital temps formation pour des formations d'initiative conjointe, lorsqu'il
existe un accord sur ce point, et la formation en alternance des jeunes.
II. Le secteur de la formation professionnelle
A. LES DÉPENSES POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE
27. Les statistiques relatives à la formation professionnelle sont établies notamment à partir
des déclarations déposées par les entreprises, des comptes rendus d'activité des organismes
paritaires collecteurs agréés (OPCA), des informations fournies par les organismes de
formation, ainsi que des enquêtes individuelles de formation et de qualification
7
professionnelles réalisées par l'INSEE. En 2005, les dépenses totales consacrées à la
formation professionnelle s'élèvent ainsi à 25,9 milliards d'euros, dont 3,7 milliards
d'euros au titre de l'apprentissage.
28. Une partie de ces sommes est consacrée à la formation professionnelle réalisée par les
entreprises elles-mêmes en direction de leurs salariés ou par les collectivités publiques
pour leurs propres agents. Ces sommes correspondent à des prestations fournies en interne,
par les entreprises (12 % de leurs dépenses, soit plus d'un milliard d'euros) et par les
collectivités publiques (5,5 milliards), et ne font donc pas l'objet d'un échange sur le
marché. Les statistiques comprennent les subventions globales, accordées par l'État à
différents organismes (Conservatoire national des arts et métiers, Centre national
d'enseignement à distance, universités, etc.) pour leur activité en matière de formation en
direction d'adultes engagés dans des cursus de formation supérieure initiale.
29. L'autre partie de ces sommes, soit 19,4 milliards d'euros en 2005, correspond à des
prestations qui font l'objet d'une transaction financière sur le marché et qui ont pour
support les conventions ou contrats de formation professionnelle. Dans cet ensemble, les
entreprises sont les principales sources de financement : 10,5 milliards d'euros. Les
entreprises financent ainsi 40,5 % du total de la dépense. Les dépenses de l'État
représentent 4,4 milliards d'euros, celles des régions 3,2 milliards d'euros, mais sont en
forte progression du fait du transfert de compétences : + 2 % en 2005, + 17 % en 2006, le
solde est financé par les bénéficiaires. De 1999 à 2005, la part des entreprises augmente de
16,5 %, celle des régions de 57 %, tandis que celle de l'État baisse de 16 %.
30. Globalement, l'activité de la branche a progressé de 3,5 %, en euros courants, de 2004 à
2005. Entre 1999 et 2005, les prestations internalisées ont, en tout cas pour la fonction
publique, plus progressé que les prestations externalisées (21 % contre 11 %).
B. LES ACTEURS
31. Les statistiques de la formation professionnelle portent sur les organismes exerçant une
activité de formation à titre principal, ou, à tout le moins, de façon pérenne et significative.
Elles révèlent une grande diversité des acteurs et des situations.
32. La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a remplacé, à l'article
L. 6351-1 du code du travail, la déclaration préalable des entreprises par une simple
déclaration d'activité. Selon les derniers indicateurs généraux, qui concernent l'année 2004,
54 799 établissements dispensateurs de formation ont « renseigné leur bilan pédagogique
et financier » et 45 777 ont effectivement réalisé des actions de formation professionnelle,
ce qui représente un chiffre d'affaires global de 8,8 milliards d'euros. Les prestataires
individuels, bien que numériquement importants sur le marché (30 %), n'en réalisent
qu'une faible part, environ 4 %.
33. 13 500 établissements, soit environ le quart du total des organismes qui interviennent dans
le secteur, ont l'enseignement ou la formation comme activité principale (+ 2,1 %). En
2004, ces 13 500 opérateurs ont dégagé un chiffre d'affaires de 5,4 milliards d'euros. Ils
représentent ainsi 60 % du chiffre d'affaires global du marché. Les organismes appartenant
au secteur public et assimilé, y compris les structures régionales de l'AFPA et ceux
relevant de l'éducation nationale, ne représentent que 6 % de ces établissements, mais ils
réalisent 21 % de l'ensemble de leur chiffre d'affaires.
8
C. LE RÔLE DE L'AFPA
34. Association nationale à gestion tripartite, l'AFPA a pris, en 1966, la suite de l'Association
nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'œuvre
(ANIFRMO), laquelle avait été créée en 1949. L'AFPA est le premier organisme
d'orientation et de formation professionnelle en France. L'article 4 de ses statuts prévoit
que son administration est assurée, de façon paritaire, par 39 représentants : 13 des
pouvoirs publics (État et deux représentants des conseils régionaux), 13 des organisations
professionnelles d'employeurs, et 13 des syndicats de salariés. Elle est placée sous la
tutelle de l'État. Cette tutelle se manifeste notamment par l'existence d'un contrôle d'État,
néanmoins limité à certaines dépenses et aux recettes d'origine privée dont le montant
excède un million d'euros, par la présence d'un commissaire du Gouvernement qui dispose
d'un droit de veto (en pratique ce droit n'est pas utilisé, les décisions étant arrêtées en
amont), ainsi que par l'approbation des emprunts et par l'agrément du ministre à la
nomination du directeur général. Au niveau fonctionnel, la tutelle se traduit par le fait que
l'AFPA met en œuvre, dans le cadre du service public de l'emploi, les politiques de
l'emploi et de la formation professionnelle décidées par les pouvoirs publics.
35. Cependant, l'AFPA dispose d'une large autonomie par rapport à l'État : le budget est voté
par l'assemblée générale, les implantations de centres dépendent largement de choix
régionaux et répondent souvent aux sollicitations des conseils régionaux ou d'autres élus
locaux, le recrutement des formateurs relève de la compétence des directeurs de centre, les
décisions de créer une formation proviennent souvent de demandes des branches
professionnelles prises en compte au niveau régional. Ses relations avec l'État et les
régions et plus généralement avec les opérateurs publics, s'effectuent sur une base
largement contractualisée, ce qui constitue une marque de cette autonomie.
36. L'AFPA occupe une place originale par rapport aux autres intervenants du secteur.
37. Elle est principalement orientée vers les besoins des demandeurs d'emploi qui représentent
deux tiers environ des stagiaires. En 2006, 266 199 personnes ont été conseillées et
orientées, dont 196 777 au titre des services d'appui à la définition d'un projet de
formation à la demande de l'ANPE, 64 % des personnes ainsi dirigées ont ensuite
bénéficié d'un parcours de formation, dont 43 % dans des formations assurées par l'AFPA
elle-même, et 21 % dans d'autres organismes. Au total, l'AFPA a enregistré, en 2006,
159 000 entrées en formation, dont 104 320 étaient des demandeurs d'emploi.
38. L'AFPA répond, néanmoins, d'une manière croissante aux demandes de formation pour
les salariés. Le nombre de stagiaires salariés a augmenté de 63 % entre 2005 et 2006, avec
plus de 47 700 entrées en formation et 77 600 personnes en stage au cours de l'année 2006.
Parmi les entrées, 42 000 personnes sont formées au titre d'un plan de formation
d'entreprise et plus de 4 000 personnes au titre d'un CIF.
39. Ramenée au nombre total de personnes ayant bénéficié d'un stage de formation
professionnelle, qui s'élève à 8,3 millions, l'activité de l'AFPA concerne en 2006 environ
1,8 % des stagiaires. Elle a assuré 57,6 millions d'heures de formation sur un total de
654 millions d'heures assurées annuellement (8,8 %), l'écart entre cette proportion et celle
des stagiaires accueillis s'expliquant notamment par le fait que la formation de demandeurs
d'emploi est, en moyenne, beaucoup plus longue que celle des autres stagiaires.
9
40. L'AFPA se consacre, en priorité et très largement, aux premiers niveaux de formation,
destinés aux personnes les moins qualifiées et aux salariés touchés par des reconversions
industrielles. 80 % à 90 % de ses stagiaires sont des personnes peu qualifiées, dont la
mobilité géographique est souvent réduite. Près de 90 % des heures de formation
concernent ainsi la formation qualifiante. De ce fait, l'AFPA intervient beaucoup dans les
secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l'industrie, souvent en fonction de
spécialisations locales. Son intervention dans le cadre de la formation continue des salariés,
par exemple pour des missions d'adaptation aux postes de travail, ou pour des stages de
courte durée, est, comme indiqué précédemment, limitée.
41. L'AFPA est ainsi un instrument de mise en œuvre des politiques publiques de retour à
l'emploi, et permet de mettre en œuvre une logique de solidarité, ce dont témoigne le
caractère gratuit de la formation pour les bénéficiaires de ces pratiques. Concrètement, elle
intervient seule dans certains secteurs où il n'existe pas, sur le même territoire, voire au
niveau national, d'offre alternative, sinon de manière marginale.
42. L'AFPA est implantée sur tout le territoire national. Elle dispose de 272 sites de formation
et de validation, de 215 sites d'orientation, et gère six établissements d'études. Cette
présence permet d'assurer une bonne adéquation à la demande et de lutter contre le déficit
d'offre de formation, ou du moins contre un risque de concentration géographique de
l'offre. Les résultats positifs, sur le plan opérationnel, de cette situation ainsi que du
caractère concerté avec de nombreuses branches professionnelles du contenu et de la
nature des formations sont largement reconnus. De plus, la dimension de l'AFPA lui
permet certaines souplesses, comme l'accueil continu en stage de formations qualifiantes,
ce qui permet aux collectivités publiques, par exemple, de mettre en œuvre rapidement des
plans de revitalisation de bassins d'emploi en cas de restructurations locales.
43. L'AFPA emploie près de 12 000 personnes (11 500 équivalents temps plein) dont environ
5 000 formateurs, près de 870 psychologues conseillers en formation et 350 ingénieurs de
formation et consultants. Les formateurs sont souvent d'anciens professionnels, l'exigence
requise étant d'au moins cinq ans de pratique professionnelle dans le métier concerné. La
convention collective (article 8) exige de leur part une réussite à des essais professionnels.
A l'exception de quelques personnes détachées de la fonction publique, le personnel est
régi par un statut de droit privé, principalement sous contrats à durée indéterminée, et
bénéficie d'une convention collective.
D. LES RESSOURCES DE L'AFPA
44. L'AFPA est actuellement attributaire, au total, de 4,2 % des produits de la formation
professionnelle, essentiellement par le biais du financement émanant des pouvoirs publics
(8,2 % de ce financement est destiné à l'AFPA).
10
Ressources de l'AFPA depuis 2005 (en M€)
2005 2006 2007 2008
primitif
Crédits d'État prévus par la loi de finances
(fonctionnement)
701,86 694,68 132,89 275,49
Ressource d'État extra budgétaire 0 0 175,00 0
Autres recettes publiques, y compris régions 74,81 96,67 497,04 518,51
Recettes privées (entreprises, fonds mutualisés,
bénéficiaires)
115,31 149,76 155,17 161,43
Recettes ou concours reçus des institutions
européennes
53,37 65,87 51,58 50,00
45. Opérateur au sens du droit budgétaire, l'AFPA est principalement financée par des
ressources publiques. En premier lieu, elle reçoit des crédits d'État, pour son
fonctionnement comme pour son équipement. Ces crédits s'élèvent dans la loi de finances
pour 2008 à 400 millions d'euros environ, toutes dotations confondues.
46. Ils se décomposent de la manière suivante :
• 109 millions d'euros au titre de la subvention de fonctionnement inscrits au
programme accès et retour à l'emploi ;
• 75 millions d'euros au titre des publics en situation difficile ;
• 77 millions au titre des actions de formation qualifiantes ;
• 65 millions pour la politique de certification.
47. 74 millions de crédits de paiement sont en outre destinés, en 2008, à l'investissement, au
titre de la remise à niveau du patrimoine dont l'État est propriétaire, mais qui est mis à
disposition de l'Agence, dont 10 millions au titre des contrats de plan État-région. Au titre
de ces contrats, pour l'ensemble de la période 2007-2013, la part de l'État doit s'élever à
73 millions d'euros, et celle des régions à 54,3 millions d'euros.
48. Les crédits directement versés par l'État, visés par la saisine de la FFP, sont en forte baisse
du fait du transfert des compétences aux régions ainsi que le montre le tableau précédent.
Corrélativement, les autres recettes publiques de l'Agence sont en très forte augmentation,
puisque ce poste inclut notamment les dotations des collectivités locales. Au total, les
recettes de l'Agence, prévues pour 2008 à hauteur de 1 078 millions d'euros environ, sont
en augmentation, y compris la part des recettes privées, qui doivent atteindre 161 millions
d'euros pour 2008.
49. Les recettes privées de l'AFPA proviennent de plusieurs sources. Leur décomposition en
2008 est prévue de la manière suivante :
• 59 millions d'euros proviennent des entreprises, dans le cadre de leur plan
de formation ;
• 51 millions d'euros, au titre des CIF, dont le financement provient des
OPCA, des fonds de gestion individuelle du congé de formation
(FONGECIF) et pour une part des bénéficiaires ;
11
• 33 millions d'euros au titre des contrats en alternance, par exemple des
contrats de professionnalisation, en vertu desquels le stagiaire a le statut de
salarié en apprentissage, c'est-à-dire une alternance entre l'apprentissage en
centre de formation et l'apprentissage dans l'entreprise ;
• 14,3 millions d'euros sont des recettes provenant des bénéficiaires de
formation : il s'agit pour l'essentiel de la contribution de l'ensemble des
stagiaires aux frais de restauration. Les stagiaires formés à titre lucratif
payent leur repas. S'agissant des demandeurs d'emploi, la prise en charge
est faite par la subvention publique ;
• 3,7 millions d'euros qui, pour l'essentiel, recouvrent la contribution des
personnels aux frais de restauration.
50. Cette comparaison de la part respective des financements publics et privés de l'AFPA
montre la spécificité de son activité : la part des recettes privées, même si elle augmente
régulièrement, ne représente actuellement que 16 % de l'ensemble de ses ressources. Ceci
montre que l'AFPA est toujours pour l'essentiel un acteur auquel les pouvoirs publics
recourent dans le cadre de politiques publiques d'intervention.
III. Les conditions de la concurrence sur les marchés de la
formation professionnelle
51. Le Conseil n'aborde ci-après que des aspects n'ayant pas fait l'objet de considérations dans
son précédent avis n°
00-A-31 et renvoie à nouveau à celui-ci pour le surplus.
A. L'ASSUJETTISSEMENT AUX RÈGLES DE CONCURRENCE
52. L'AFPA ne dispose pour aucune de ses activités d'un monopole légal, pas plus que les
entreprises membres de la FFP. Si les employeurs sont soumis à une obligation de
formation professionnelle au profit de leurs salariés, ils peuvent s'en acquitter soit
directement, soit au moyen de leur participation financière aux actions en la matière, mais
l'effort qui leur est demandé ne fait pas l'objet d'une mutualisation au sein d'un dispositif
unique. Par ailleurs, si l'État, ou le cas échéant les régions, ont mis en place au profit de
certains publics des politiques de formation professionnelle fondées sur le principe de la
solidarité qui poursuivent différents objectifs d'intérêt public, notamment d'ordre social, la
mise en œuvre de celles de ces politiques qui sont visées par la présente demande d'avis
n'est pas effectuée directement « en régie » par les pouvoirs publics, mais est confiée à
l'AFPA ou à d'autres prestataires de la formation professionnelle qui l'assurent contre
rémunération, même si cette rémunération est prévue sous forme de crédits spécifiques
prévus dans les budgets des collectivités publiques concernées.
53. Il ressort de l'ensemble de ces éléments, et compte tenu de la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes en la matière, qu'aussi bien l'AFPA que ces autres
prestataires exercent une activité économique et répondent a priori à la qualification
12
d'entreprise au sens des articles 81 CE à 89 CE, qui définissent les règles de concurrence
au sein du traité instituant la Communauté européenne. Cette qualification les soumet à ces
règles lorsque le commerce entre États membres est affecté par leurs comportements ou
par des interventions financières publiques les concernant. Pour les mêmes raisons,
l'AFPA et ces autres prestataires exercent aussi dans leur ensemble une activité de
services, au sens de l'article L. 410-1 du Code de commerce, ce qui les soumet aux
dispositions du livre IV dudit code, relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
54. Cette appréciation est en l'occurrence indépendante du contrôle que peuvent exercer les
pouvoirs publics sur les organismes concernés (voir en ce sens les arrêts de la Cour de
justice du 23 avril 1991, Höfner, C-41/90, Rec. p. I-1979 et du 16 novembre 1995, FFSA,
C-244/94, Rec. p. I-4013).
55. Cet assujettissement de principe aux règles communautaires et nationales de la
concurrence n'exclut pas que, le cas échéant, l'AFPA ou un autre opérateur se voie
déléguer une prérogative de puissance publique de nature non économique dont l'exercice
pourrait ne pas être soumis aux règles de concurrence (voir en ce sens l'arrêt de la Cour de
justice du 18 mars 1997, Diego Cali, C-343/95, Rec. p. I-1547). On peut penser à cet égard
aux fonctions d'élaboration de titres professionnels d'État et au processus de leur
délivrance ainsi qu'au contrôle des organismes y préparant, ou à des fonctions de gestion
pour le compte de l'État, comme celle consistant à verser pour celui-ci la rémunération due
à certains stagiaires. Néanmoins, comme il sera vu plus avant, les conditions dans
lesquelles la délégation de ce type de compétence à des entreprises, au sens précité, s'opère
et l'exercice conjoint de certaines de ces compétences avec une activité économique sur le
marché peuvent parfois poser des problèmes de concurrence susceptibles de contrevenir
aux règles en la matière.
56. Il n'est pas non plus exclu que si une mission de service public confiée à l'un de ces
organismes était mise en échec par l'application normale des règles de concurrence, cellesci
pourraient être écartées sur le fondement de l'article 86, paragraphe 2, CE, qui stipule :
«les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général (…) sont
soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les
limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en
fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne
doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté. »
57. A cet égard, l'exercice de la concurrence, tout comme les missions de service public, n'ont
pas de raisons d'être mis en cause par la présence de sources de financement et
d'organismes de statuts divers sur le marché dès lors que les principes énoncés à
l'article 86, paragraphe 2, CE sont respectés. De nombreux opérateurs de la formation
professionnelle ont, comme l'AFPA, un statut d'association et non de société commerciale,
et, symétriquement, la participation au service public de l'emploi peut être le fait
d'organismes variés, même s'il s'agit d'organismes lucratifs. En effet, l'exercice du service
public de l'emploi n'est pas réservé à une catégorie d'opérateurs, comme l'indique l'article
L. 5311-4 du code du travail qui dispose : « peuvent également participer au service public
de l'emploi :
1° les organismes publics ou privés dont l'objet consiste en la fourniture de services
relatifs au placement, à l'insertion, à la formation et à l'accompagnement des demandeurs
d'emploi ;
2° les organismes liés à l'État par une convention mentionnée à l'article L. 5132-2, relative
à l'insertion par l'activité économique de personnes rencontrant des difficultés sociales et
professionnelles particulières ;
13
3° les entreprises de travail temporaire ;
4° les agences de placement privées mentionnées à l'article L. 5323-1. »
58. Par ailleurs, certaines restrictions de concurrence pourraient également être justifiées sur le
fondement des exemptions « de droit commun » énoncées à l'article 81, paragraphe 3, CE
ou à l'article L. 420-4 du code de commerce. Dans de tels cas, cela voudrait dire qu'elles
sont acceptables au regard du progrès économique qu'elles apportent.
59. Les financements publics apportés à ces organismes en contrepartie d'actions effectuées à
la demande des différentes collectivités publiques ne peuvent pour leur part le cas échéant
poser un problème de concurrence que s'ils constituent des aides d'État au sens de l'article
87 CE. Or les financements résultant de mises en concurrence avec appels d'offres
échappent en principe à cette qualification. Il en est de même si ces financements
répondent aux conditions exposées par la Cour de justice dans l'arrêt du 24 juillet 2004,
Altmark Trans (C-280/00, Rec. p. I-7747), à savoir :
- l'entreprise doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de
service public clairement définies ;
- les paramètres de la compensation doivent être établis de manière claire et
objective ;
- la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts
occasionnés par les obligations de service public en tenant compte des
recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de
ces obligations. Le respect d'une telle condition est indispensable afin de
garantir que n'est accordé à l'entreprise bénéficiaire aucun avantage qui
fausse ou menace de fausser la concurrence en renforçant la position
concurrentielle de cette entreprise ;
- lorsque le choix de l'entreprise chargée de l'exécution d'obligations de
service public, n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché
public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services
au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation
nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une
entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir
satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour
exécuter ces obligations, et en tenant compte des recettes et du bénéfice
raisonnable évoqué précédemment.
60. Enfin, même si des financements publics apportés directement ou indirectement à des
organismes de formation répondent à la qualification d'aide d'État, il est possible qu'ils
soient autorisés par la Commission européenne sur le fondement de l'article 87,
paragraphe 3, CE ou de l'article 86, paragraphe 2, CE. Pour ce faire ils doivent :
- soit satisfaire aux conditions de règlements d'exemption catégoriels ou de
décisions catégorielles en matière d'aides d'État (voir par exemple le
règlement (CE) n° 68/2001 de la Commission du 12 janvier 2001
concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides à la
formation, JOCE L 10, p. 20, ainsi que la décision de la Commission du
28 novembre 2005 concernant l'application des dispositions de l'article 86,
paragraphe 2, du traité CE aux aides d'État sous forme de compensations de
service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de
services d'intérêt économique général, JOUE L 312, p. 67, laquelle peut en
14
l'occurrence concerner les entreprises de formation dont le chiffre d'affaires
annuel moyen hors taxes, toutes activités confondues, n'a pas atteint
100 millions d'euros au cours des deux exercices précédant celui de l'octroi
d'un financement public pour la mise en œuvre d'actions de service public),
- soit bénéficier, après notification à la Commission, d'une décision
individuelle positive de celle-ci (voir notamment l'encadrement
communautaire des aides d'État sous forme de compensations de service
public, JOUE 2005, C 294, p. 4, pour les entreprises de formation ne
pouvant pas bénéficier de la décision catégorielle évoquée ci-dessus).
61. D'une manière générale, le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion de rappeler que
le bon fonctionnement de la concurrence sur un marché n'implique pas nécessairement que
tous les opérateurs se trouvent dans des conditions d'exploitation exactement identiques. Il
suppose, toutefois, qu'aucun opérateur ne bénéficie, pour son fonctionnement ou
développement, de facilités dont les autres intervenants seraient privés et qui seraient d'une
ampleur telle, qu'elles lui permettraient de fausser le jeu de la concurrence, sauf alors à ce
qu'elles soient justifiées par des considérations d'intérêt général. De tels avantages
pourraient en effet faire obstacle au développement d'une compétition par les mérites sur
le marché concerné, quel que soit par ailleurs le niveau des performances des opérateurs.
Ceci est d'autant plus vrai que les choix des bénéficiaires des actions de formation, qui le
plus souvent ne les financent pas, ne répondent pas à des critères économiques.
62. A cet égard, s'agissant du recours à des appels d'offres, le Conseil a observé dans son avis
00-A-31 : « le secteur de la formation professionnelle continue repose ainsi sur des
mécanismes spécifiques, qui l'apparentent à un marché de prescription. Les individus qui
bénéficient d'actions de formation professionnelle n'ont pas, dans la très grande majorité
des cas, à financer celles-ci, dès lors qu'elles sont prises en charge par une collectivité
publique ou par l'employeur selon le type de stage, et qu'ils n'auront pas non plus été,
dans bon nombre de cas, à l'origine du choix de l'action de formation suivie. Cette
intermédiation peut être encore renforcée dans le cas des PME-PMI par la mutualisation
et la gestion par les OPCA des fonds de la formation professionnelle continue que ces
entreprises destinent à leurs salariés.
Dans un tel contexte, l'équilibre du marché de la formation professionnelle continue ne
conduit pas à une allocation optimale des ressources, dès lors que la demande qui
s'exprime ne maximise pas l'utilité inter temporelle des individus concernés in fine par les
actions de formation professionnelle continue : d'une part, l'expression des besoins par le
truchement de l'entreprise peut être biaisée par la prise en compte de ses seuls intérêts
propres, d'autre part, les individus ne disposent que d'une information imparfaite sur les
prestations existantes. La demande ne peut ainsi exercer la même fonction que sur un
marché sur lequel le consommateur exerce directement ses choix en fonction des prix et de
la qualité des prestations recherchées en disposant d'une information complète sur les
avantages qu'il peut attendre de l'acquisition des différents produits qui lui sont proposés.
Dans la mesure où la demande ne peut jouer son rôle, il convient donc de rechercher
d'autres mécanismes qui puissent venir compenser cette imperfection du marché.
L'élaboration particulièrement précise des cahiers de charges qui expriment les besoins
propres des bénéficiaires de l'action de formation peut constituer un de ces mécanismes. »
63. Comme indiqué précédemment, le Conseil a, dans ce contexte, souligné les aspects positifs
d'un recours accru aux mécanismes d'appels d'offres.
64. Ces observations conservent toute leur pertinence, alors que le financement public de la
formation professionnelle sera désormais majoritairement le fait des régions. La
15
régionalisation devrait avoir pour effet d'accroître la diversité de l'offre de formation, les
régions étant en particulier à même dans de nombreuses situations de mettre l'AFPA en
concurrence avec d'autres opérateurs et de substituer à l'ancien système de commande
publique un système d'appels d'offres. Pour autant, il n'est pas exclu que dans certaines
circonstances seule l'AFPA ou seul tel ou tel autre organisme soit manifestement en
mesure de répondre à certaines demandes d'une collectivité publique ou que des
infrastructures financées sur fonds publics soient significativement sous utilisées dans un
cadre de libre concurrence entre prestataires de services de formation professionnelle. Dans
le premier cas, il pourrait être justifié de s'écarter du recours à des appels d'offres et dans
le second de confier au bénéficiaire de l'infrastructure les formations qui l'ont justifiée
pendant une durée assez longue pour que les investissements publics en cause soient
« rentabilisés ». Il n'est a contrario pas non plus exclu de recourir à des mécanismes
permettant de remettre en compétition assez régulièrement la gestion (y compris la
maintenance) d'infrastructures dont la réalisation a nécessité un soutien public
prépondérant.
65. L'octroi d'aides publiques indépendamment des cas où il s'agit de financer la réalisation
d'une politique publique demeure également possible, sous réserve de respecter les règles
communautaires relatives aux aides d'État rappelées précédemment. Ainsi une collectivité
publique peut, dans le cadre de ses compétences, apporter son soutien à un projet initié par
un organisme de formation.
66. L'application de l'ensemble de ces règles devrait non seulement permettre de concilier
concurrence et missions de service public, mais aussi de mieux identifier pour les
différents prestataires les charges particulières qu'ils assument à cet égard. En particulier,
l'AFPA devrait en bénéficier. En effet, son dernier contrat de progrès identifiait ses
charges de service public de la manière suivante : « (…)l'AFPA constitue un service
d'intérêt économique général que l'État soutient en compensant les charges occasionnées
par l'exécution de sa mission d'intérêt général. La subvention d'exploitation versée par
l'État prend ainsi en compte les frais de structure consécutifs au rôle de l'AFPA dans le
Service Public de l'Emploi, les frais de structures générés par les règles publiques de
gestion financière et comptable et de contrôle que l'État lui impose, ainsi que, à échéance
du présent Contrat de progrès, les contraintes de service public répondant à une logique
de proximité et d'universalité de services sur l'ensemble du territoire. » Or, la subvention
de l'Etat présentée dans ledit contrat comme compensant ces charges y est traitée comme
suit : « La subvention d'exploitation, fixée pour les exercices 2004 à 2006 à hauteur de
44 millions d'euros, sera ramenée à 32 millions d'euros en 2007, 27 millions d'euros en
2008 et 22 millions d'euros en 2009. ». Même si, comme indiqué paragraphes 44 et
suivants, l'AFPA a reçu en fait des dotations de l'Etat bien plus importantes, le caractère à
tout le moins « forfaitaire » du chiffrage de ces compensations peut poser à divers titres des
difficultés à l'organisme.
67. C'est au regard des différents principes rappelés ci-dessus qu'il faut maintenant examiner
les questions plus précises nouvellement soulevées par la demande de la FFP.
B. LA PARTICIPATION À LA GESTION DES TITRES D'ÉTAT ET L'AGRÉMENT DES
ORGANISMES HABILITÉS À DÉLIVRER CES TITRES
68. Il existe environ 500 types de métiers répertoriés au répertoire opérationnel des métiers et
des emplois (ROME) de l'ANPE : 350 correspondent à un titre du ministère du travail. Ces
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derniers font l'objet d'une redéfinition tous les cinq ans, après avis de commissions
consultatives professionnelles. L'AFPA est présente à tous les stades, de la définition et la
maintenance des référentiels de ces titres à l'agrément des organismes habilités à les
délivrer. Le contrat de progrès indique ainsi que : « l'AFPA contribue, dans le cadre de sa
délégation de service, à la définition, la construction et la maintenance du patrimoine des
titres professionnels délivrés au nom du ministère. » Cette mission correspond à quatre
types d'activités et, au regard du principe d'une concurrence non faussée, elle devrait
s'exercer dans des conditions non discriminatoires.
69. Tout d'abord l'AFPA assure le secrétariat des commissions professionnelles consultatives
qui valident les titres. Cette activité, purement administrative, n'a a priori pas d'incidence
en matière de concurrence. Elle pourrait toutefois, si les services de l'État auxquels elle
devrait par nature incomber ne l'assurent pas, aussi être confiée à d'autres organismes qui
en exprimeraient l'intérêt.
70. En deuxième lieu, l'AFPA définit les référentiels qui sont liés à ces titres, et notamment les
règles d'évaluation des compétences des stagiaires. Il s'agit aussi d'une activité de service
public, qu'elle exerce au nom de l'État. Si des professionnels des métiers et de la formation
sont sans doute bien placés pour assurer cette mission, il ne semble pas non plus qu'il y ait
de raison s'opposant à ce que d'autres organismes que l'AFPA interviennent parallèlement
à celle-ci, notamment pour des titres nouveaux.
71. En troisième lieu, l'AFPA bénéficie d'une habilitation de droit commun pour la délivrance
de ces titres alors que les autres intervenants sur le marché doivent se soumettre à une
procédure d'agrément. Aux termes de l'article 8 du décret du 2 août 2002, codifié à
l'article R. 338-8 du code de l'Éducation nationale : « sont autorisés à organiser la
formation et, sous l'autorité du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la
formation professionnelle, les sessions de validation conduisant à la délivrance du titre,
l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ainsi que les
organismes ayant fait l'objet d'un agrément, accordé par le préfet de région. Les critères et
les modalités de cet agrément sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'emploi. » En la
matière, l'égalité de traitement devrait être mieux assurée. En particulier, des organismes
de formation autres que l'AFPA répartis sur le territoire national devraient pouvoir
prétendre à un agrément national. Si les agréments de certains opérateurs sont soumis à des
réexamens aléatoires ou périodiques, tous les opérateurs devraient être soumis au même
régime.
72. Enfin, l'AFPA joue, à la demande des directions régionales du travail, un rôle d'audit des
organismes qui demandent l'agrément, en particulier pour contrôler leurs formateurs, leurs
plateaux techniques et les conditions de délivrance des titres. L'instruction des demandes
d'agrément peut en effet être réalisée par des agents de la direction régionale du travail, de
l'emploi et de la formation professionnelle, ou par des personnels de l'AFPA, commandités
par la direction régionale. Dans la pratique, cette seconde solution est très fréquente du fait
de la grande capacité d'expertise technique de l'AFPA et de sa connaissance des
référentiels. L'activité correspondante prévue pour 2008 dans le budget de l'AFPA est de
2 219 jours d'intervention pour un montant de 1 392 620 euros, payé par l'État au titre de
l'appui au service public de l'emploi. Cette activité, effectuée à la demande des pouvoirs
publics, est cantonnée à des vérifications techniques. Cependant, elle conduit l'AFPA à
jouer un rôle dans le processus conduisant à la délivrance de l'agrément au profit d'autres
opérateurs, ainsi habilités à intervenir sur un marché où elle est, par construction, ellemême
présente. Elle confère de plus à l'AFPA une connaissance précise de ces opérateurs.
17
73. A cet égard, à plusieurs reprises, notamment dans les arrêts du 19 mars 1991, dit
« Terminaux », France/Commission (C-202/88, Rec. p. I-1223), du 13 décembre 1991,
GB-Inno-BM, (C-18/88, Rec. p. I-5941), et du 27 octobre 1993, Decoster (C-69/91, Rec.
p. I-5335) et Taillandier (C-92/91, Rec. p. I-5383), la Cour de justice des Communautés
européennes a jugé qu'un système de concurrence non faussée tel que celui prévu par le
traité ne peut être garanti que si l'égalité des chances entre les différents opérateurs
économiques est assurée. La Cour en a conclu que le maintien d'une concurrence effective
et la garantie de transparence exigent que la formalisation de spécifications techniques, le
contrôle de leur application et l'agrément soient effectués par des entités indépendantes de
celles qui offrent les biens ou les services concernés en concurrence sur le marché. De
même, par exemple, dans l'avis n°
94-A-15 du 10 mai 1994, relatif à la diversification des
activités d'EDF et de GDF, le Conseil de la concurrence a estimé souhaitable d'interdire à
ces entreprises de certifier ou de prescrire du matériel ou des services qui seraient
également proposés par leurs filiales. Dans la décision n°
04-D-75 du 22 décembre 2004,
câbles informatiques pour réseaux locaux, comme dans celle du 17 novembre 2005,
05-D-63 relative à la Poste, le Conseil a considéré qu'un organisme certificateur a un
devoir d'impartialité et d'indépendance, et que les pratiques anticoncurrentielles étaient
aggravées lorsqu'elles émanaient d'un tel organisme.
74. Certes en l'occurrence, deux éléments peuvent être considérés comme atténuant le conflit
d'intérêt résultant de la position de l'AFPA comme « juge et partie » dans le processus
concernant « la définition, la construction et la maintenance du patrimoine des titres
professionnels délivrés au nom du ministère ». D'une part, une fois un titre professionnel
du ministère du travail défini, sa délivrance n'est en principe pas réservée à l'AFPA.
D'autre part, celle-ci n'exerce qu'un rôle d'instruction des demandes d'agrément, de nature
technique, l'administration conservant le pouvoir de décision. A cet égard, dans un
troisième arrêt du 27 octobre 1993, Lagauche (affaires jointes C-46/90 et C-93/91,
Rec. p. I-5267), la Cour de justice a dit pour droit qu'un système dans lequel une entreprise
offrant des biens et des services de télécommunications instruisait les demandes
d'autorisation de détention d'appareils de télécommunications déposées auprès du ministre
chargé du secteur, lequel conservait le pouvoir de décision, et dans lequel elle vérifiait la
conformité technique d'appareils de radiocommunication aux prescriptions fixées par ledit
ministre n'était pas contraire aux règles de concurrence du traité. Toutefois, s'agissant du
premier aspect, même si l'AFPA n'a pas de monopole sur la délivrance des titres du
ministère du travail, son rôle dans l'octroi des agréments des opérateurs habilités à délivrer
les mêmes titres pourrait lui permettre de limiter la concurrence à cet égard. S'agissant du
second aspect, contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt
Lagauche, où l'entreprise en cause se bornait à effectuer des essais sur des produits, le
personnel de l'AFPA instruisant les demandes d'agrément des autres organismes de
formation contrôle le personnel, les installations et les pratiques professionnelles de ces
derniers. La situation pose donc, de l'avis du Conseil, un problème de concurrence.
75. A la supposer établie, l'absence de lien fonctionnel entre, d'une part, les ingénieurs
conseils chargés du contrôle dans le processus d'agrément d'entreprises qui sont en
concurrence avec l'AFPA et, d'autre part, les centres de formation de l'AFPA n'efface pas
leur appartenance à un même organisme. Ainsi, dans l'arrêt du 9 novembre 1995,
Tranchant (C-91/94, Rec. p. I-3911), la Cour de justice a indiqué en substance que le fait
qu'un laboratoire d'essais chargé de contrôler le respect de spécifications techniques soit
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organiquement rattaché à un opérateur offrant les biens et services concernés sur le marché
n'assure pas son indépendance par rapport à ce dernier.
76. Dans ces conditions, le Conseil estime préférable, indépendamment de l'existence, ou non,
d'une position dominante de l'AFPA sur certains marchés, que l'instruction des demandes
d'agrément soit effectuée par les seuls services de l'État ou à tout le moins, si pour des
raisons pratiques cette solution était difficile à mettre en œuvre, que cette instruction soit
effectuée par des commissions conduites par l'État et comprenant des membres issus de
plusieurs organismes de formation.
C. L'ORIENTATION DES DEMANDEURS D'EMPLOI
77. La FFP évoque la mise en place de « plates-formes communes rassemblant dans un même
lieu des conseillers de l'ANPE et les salariés de l'AFPA axés sur les actions d'orientation
professionnelle », ce qui souligne la présence de l'AFPA au stade de l'orientation de la
demande et dans la formulation des besoins de formation.
78. L'entrée en stage est en effet subordonnée à un examen médical et psychotechnique,
destiné à orienter le futur stagiaire. Cette mission, qui fait partie du service d'appui à la
demande de formation, dit « S2 », incombe, depuis l'origine, largement à l'AFPA. Elle est
par exemple rappelée en annexe à la convention État - ANPE - UNEDIC. Cette activité est
largement assurée par les psychologues de l'AFPA, rattachés aux centres régionaux
d'orientation professionnelle (CROP). Elle est financée par l'État. La relation entre les
structures de formation de l'AFPA et les psychologues de l'AFPA se fait sur une base
contractualisée. Le « document d'orientation » de cette contractualisation note que « l'offre
de service de l'AFPA en matière d'orientation se fait par les CROP ou les centres de
formation ». C'est l'ANPE qui conserve la compétence de prescrire la formation.
Toutefois, les CROP jouent un rôle déterminant dans le processus d'orientation de la
demande. Les psychologues de l'AFPA, auxquels sont adressés les demandeurs d'emploi
les plus hésitants, notamment ceux qui ne parviennent pas à concrétiser un souhait
d'orientation, ont une connaissance exhaustive des centres de formation AFPA, même
situés dans des régions voisines, et des filières offertes par celle-ci et sont donc plus
facilement portés à orienter ces personnes vers ces centres. Ainsi qu'indiqué au
paragraphe 37 du présent avis, l'AFPA a reçu plus de 250 000 personnes en 2006 dont
197 000 lui étaient adressées par l'ANPE, dans le cadre des centres d'orientation. Deux
tiers d'entre elles, soit 130 000 personnes environ, ont été orientées par les CROP vers une
formation. L'AFPA a formé elle-même 104 300 demandeurs d'emploi, dont 85 000 au
moins provenant directement des CROP. Le flux de personnes qui ont été orientées vers
une formation AFPA après passage par le service d'appui de l'ANPE, et donc entretien
avec un psychologue de l'AFPA, représente donc une part prépondérante de l'activité
concurrentielle de l'AFPA en matière de formation des demandeurs d'emploi.
79. Comme l'avait constaté le Conseil dans son avis n°
00-A-31, précité : « l'accès privilégié à
l'information résultant de la participation aux instances de concertation et les actions
d'aide à la décision ne doivent pas donner aux organismes publics, en tant que
dispensateurs de formation, des avantages tels qu'ils leur permettraient d'évincer leurs
concurrents.
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Par ailleurs, la concertation entre les organismes publics participant au "service public de
l'emploi" doit préserver la transparence et l'égalité entre les dispensateurs de formation,
en prohibant toute orientation privilégiée vers la structure publique, à partir du moment
où il existe deux offres concurrentes émanant d'un organisme privé et d'un organisme
public de formation, de telle sorte que les mérites de chacun d'entre eux puissent être
objectivement comparés. »
80. Même si aucun élément concret ne permet de savoir si les flux de personnes orientées vers
les différents opérateurs de la formation professionnelle seraient très différents si les
psychologues concernés étaient indépendants de l'AFPA, le système actuel, en dépit de
l'affirmation de la neutralité de ses psychologues par l'AFPA et de la mise en place de
procédures internes visant à assurer cette neutralité, n'apporte pas de véritable garantie que
toutes les offres de formation sont concrètement connues et prises en compte sur un pied
d'égalité. Il n'élimine donc pas les risques que la concurrence soit faussée au stade de
l'orientation de la demande de formation. En tout état de cause, pour des raisons voisines
de celles exposées en ce qui concerne la participation à la « gestion » des titres d'État, le
système actuel n'est pas conforme aux exigences découlant de la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés européennes visant à assurer une concurrence non faussée.
81. S'il est important que le rôle joué par les psychologues au titre du service public de
l'emploi, dont l'orientation vers une formation est un élément essentiel, demeure assuré et
soit clairement identifié, lesdits psychologues ne devraient donc pas être employés par l'un
des organismes chargé d'assurer les prestations de formation. Ces psychologues devraient
par conséquent être rattachés aux services de l'État. Leur position devrait les conduire à
établir des contacts suivis avec l'ensemble des organismes de formation de leur zone
d'activité. En l'occurrence, la solution alternative envisagée pour l'agrément des
organismes habilités à délivrer des titres d'État, à savoir recourir à des commissions
auxquelles participent des personnes issues de différents organismes, ne paraît pas
praticable compte tenu du « volume » et du caractère permanent de l'activité d'orientation.
D. LA QUESTION DE LA COMPTABILITÉ ANALYTIQUE DE L'AFPA
82. L'ordonnance du 7 novembre 2004 et le décret du 23 novembre 2004, pris pour son
application, imposent aux organismes comme l'AFPA la tenue d'une comptabilité séparée
distinguant entre d'une part l'activité de service public (ou résultant de droits exclusifs ou
spéciaux), et d'autre part les activités de production de biens et de services marchands. Le
contrat de progrès État-AFPA prévoyait une comptabilité analytique au plus tard en 2006.
Celle-ci a été mise en place ou est en passe de l'être s'agissant des comptes de résultat par
financeur. En produits, la comptabilité analytique de l'AFPA opère une distinction entre le
secteur « lucratif » qui est celui où le bénéficiaire supporte la charge de la prestation et le
secteur « non lucratif », pour lequel l'origine du financement est de nature publique. Cette
répartition, même si elle ne correspond pas à la grille d'analyse suivie dans le présent avis,
a le mérite d'identifier les recettes obtenues dans le cadre de la réponse à des appels
d'offres lancés par les régions et certaines compensations pour charges de service public,
comme celles liées à l'hébergement et à la restauration des demandeurs d'emploi. En ce
qui concerne les charges, la distinction est opérée en fonction des coûts de revient des
prestations analysées. Cette sectorisation permet d'affecter 98 % des charges. S'agissant
des éléments qui ne peuvent clairement être affectés, comme par exemple les produits
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exceptionnels, les produits financiers ou les transferts de charges, les conventions
comptables, qui retiennent une répartition en proportion du chiffre d'affaires ne peuvent
appeler de critiques au regard du droit de la concurrence. La mise en place effective depuis
2007, de ces règles de comptabilité analytique permet ainsi en principe de clarifier
l'affectation des financements publics.
Délibéré sur le rapport oral de M. Camby, par Mme Aubert, vice-présidente, présidente de
séance, Mme Béhar Touchais, MM. Ripotot, Flichy et Piot, membres.
Le rapporteur général adjoint,
Jean-Marc Belorgey
La vice-présidente,
Françoise Aubert
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