SOC.
PRUD'HOMMES
FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 27 mai 2008
Rejet
M. BAILLY, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 1006 F D
Pourvoi n° Q
06-45.324
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Roland Z, domicilié Saverdun,
contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2006 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant
1°/ à la société Semvat, dont le siège est Toulouse ,
2°/ à la Régie d'exploitation du service des transports urbains de l'agglomération de Toulouse, dénommée Tisseo réseau urbain, dont le siège est Toulouse,
3°/ la CGTE Connex, dont le siège est Toulouse,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 avril 2008, où étaient présents M. Bailly, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Béraud, Linden, conseillers, M. Funck-Brentano, conseiller référendaire, M. Lalande, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Z, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Semvat, de la société Tisseo réseau urbain, les conclusions de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon, l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 septembre 2006), que M. Z, engagé par la société Semvat en 1982, a été désigné délégué syndical par le syndicat CFTC en octobre 1997 ; qu'estimant avoir été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral, il a saisi le conseil de prud'hommes ; que devant la cour d'appel, il a fait assigner en intervention forcée les sociétés Connex et Régie d'exploitation du service des transports urbains de l'agglomération toulousaine auprès desquelles son contrat a été successivement transféré ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes formées au titre de la discrimination syndicale, alors, selon le moyen
1°/ que si le juge n'a pas à se substituer à l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, il lui appartient néanmoins de vérifier, en présence d'une discrimination invoquée, les conditions dans lesquelles s'est déroulée la carrière de l'intéressé, notamment en comparant sa situation durant la période antérieure au début de l'exercice d'une activité syndicale avec celle de la période postérieure ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait M. Z dans ses conclusions d'appel, si, au vu de sa situation antérieure à son activité syndicale, sa carrière n'avait pas été stoppée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-2, alinéa 1, et L. 122-45, alinéa 4, du code du travail ;
2°/ qu'il résulte des articles L. 412-2 et L. 122-45, alinéa 4, du code du travail qu'il et interdit à l'employeur de prendre des mesures à l'encontre d'un salarié en raison de ses activités syndicales ; que l'activitésyndicale ne se limite pas à l'exercice d'un mandat syndical, en sorte qu'un salarié peut exercer une activité syndicale sans être investi d'un mandat, ou antérieurement à sa désignation en tant que délégué syndical ; qu'en retenant, pour écarter la discrimination dont faisait état M. Z, l'existence d'insuffisances professionnelles à l'encontre de M. Z avant que celui ci ne soit désigné en qualité de délégué syndical, sans rechercher si à la date à laquelle ces mesures ont été prises, le salarié n'avait pas, comme il était soutenu, une activité syndicale connue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
3°/ que si le juge n'a pas à se substituer à l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, il lui appartient néanmoins de vérifier, en présence d'une discrimination invoquée, les conditions dans lesquelles s'est déroulée la carrière de l'intéressé, notamment au regard de celle des salariés justifiant de diplômes et d'une ancienneté équivalente; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait M. Z dans ses conclusions d'appel, si, au vu de la situation des cinq cadres dirigeants appartenant, comme lui, au comité de direction, sa carrière s'était normalement déroulée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-2, alinéa 1 et L. 122-45, alinéa 4, du code du travail ;
4°/ que sur la question des primes d'objectifs, M. Z soulignait que ces primes étaient indépendantes de ses résultats et faisaient partie intégrante du salaire ; qu'en jugeant que leur suppression ou leur diminution pour les années 1997, 1999 et 2000 ne saurait être considérée comme discriminatoire, au motif que les insuffisances professionnelles de M. Z étaient établies, sans rechercher, comme elle y était invitée, si leur mode d'attribution n'était pas indépendant des résultats et si, par conséquent, leur suppression ou diminuation n'était pas liée à l'activité syndicale de M. Z, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-2, alinéa 1 et L. 122-45 du code du travail ;
5°/ qu'en tout état de cause, s'agissant de la prime d'objectif afférente à l'année 1999, M. Z soutenait qu'il était resté six mois sans mission à compter de janvier 1999, ce qui n'était pas contesté par l'employeur, et que cette circonstance avait conduit à la diminution de sa prime de 50 % ; qu'en estimant qu'une telle diminution n'était pas discriminatoire, au motif que les insuffisances professionnelles de M. Z étaient établies, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'absence de mission durant le premier semestre de l'année, non justifiée par l'employeur, n'était pas à l'origine de la diminution de la prime, de telle sorte qu'elle constituait, de ce fait, une mesure discriminatoire, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-2, alinéa 1 et L. 122-45, alinéa 4 du code du travail ;
6°/ que sur la question du coefficient attribué à M. Z, les juges sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent se contenter d'une motivation de pure forme ; qu'ils ne peuvent procéder par la voie de simple affirmation sans justifier en fait leur appréciation ; que pour déterminer si le salarié est en droit d'obtenir la classification conventionnelle qu'il revendique, les juges du fond doivent rechercher quelles sont les fonctions effectivement exercées par le salarié et si elles remplissent les conditions définies par la convention collective ; qu'en déboutant M. Z aux motifs que l'examen des dispositions de la convention collective permettait de constater que le coefficient attribué au salarié correspondait aux fonctions exercées par celui-ci et que le coefficient revendiqué ne s'appliquait pas aux responsabilités réellement exercées par lui, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'une part que la cour d'appel, exerçantson pouvoir souverain d'appréciation des faits et des preuves, a retenu par motifs propres et adoptés, que les différences de traitement invoquées par le salarié, soit n'étaient pas avérées, soit se justifiaient par les insuffisances professionnelles dûment établies par l'employeur ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu par une décision motivée que le coefficient attribué au salarié correspondait aux fonctions exercées par celui-ci ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que le salarié fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes formées au titre du harcèlement moral, alors, selon le moyen
1°/ qu'aux termes de l'article L. 122-49, alinéa 1, du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la cour d'appel, qui a rejeté la demande de M. Z, aux motifs que l'exposant invoquait essentiellement, à l'appui de ses prétentions, les mêmes éléments allégués à l'appui de la discrimination et que les seuls éléments produits ne permettaient pas de considérer que l'employeur se serait livré à des agissements constitutifs de harcèlement moral, sans rechercher si de tels éléments, pris dans leur ensemble et non isolément, ne pouvaient pas, du fait de leur conjonction et leur répétition, répondre à la définition légale de harcèlement moral, ni même préciser la date et la nature des faits de la cause, a statué par voie de simple affirmation et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article susvisé ;
2°/ que la cour d'appel ayant estimé que les mêmes motifs lui permettant d'écarter la discrimination justifiaient le rejet de la demande du chef de harcèlement, les critiques développés au premier moyen entraîneront également la cassation du chef de harcèlement ;
3°/ qu'à tout le moins, sur ce chef de demande, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et, partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a fait ressortir, par motifs propres et adoptés, qu'aucun fait de nature à caractériser l'existence d'un harcèlement moral n'était établi, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille huit.