Cass. soc., 04-03-2008, n° 06-44.846, F-D, Rejet



SOC.

PRUD'HOMMES

CH.B

COUR DE CASSATION

Audience publique du 4 mars 2008

Rejet

Mme PERONY, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 421 F D

Pourvoi n° V

06-44.846

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Sanofi synthelabo France, dont le siège est Paris,

contre l'arrêt rendu le 29 juin 2006 par la cour d'appel de Paris (21e chambre B), dans le litige l'opposant

1°/ à Mme Marie-Françoise Y, domiciliée Sète,

2°/ à M. Alain X, domicilié Les Adrets de l'Estérel,

3°/ à Mme Kathleen W, domiciliée Villiers-sur-Morin,

4°/ à Mme Sophie V, domiciliée Orléans,

5°/ à M. Claude U, domicilié Riedisheim,

6°/ à M. Christian T, domicilié Coutances,

7°/ à M. Thierry S, domicilié Wimille
à M. Gérard R, domicilié Aulnay-sous-Bois,

9°/ à M. Thierry S, domicilié Perpignan,

10°/ à Mme Marie-Christine Q, domiciliée Meylan,

11°/ à M. François P, domicilié Paris,

12°/ à Mme Monique O, domiciliée Eguilles,

13°/ au syndicat Usapie pharma SNRVM, dont le siège est Donnery,

14°/ au syndicat SNCC CFE-CGC, dont le siège est Paris,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 29 janvier 2008, où étaient présents Mme Perony, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Linden, Moignard, conseillers, M. Leblanc, conseiller référendaire, M. Cavarroc, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Sanofi synthelabo France, de la SCP Parmentier et Didier, avocat de MM. ..., R, S, de Mme Q, de M. P et des syndicats Usapie pharma SNRVM et SNCC CFE-CGC, les conclusions de M. Cavarroc, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens réunis

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2006), qu'au mois de juin 2003, plusieurs salariés ou anciens salariés de la société Sanofi Synthelabo, ont saisi la juridiction prud'homale d'une action en invoquant une discrimination syndicale ;

Attendu que la société Sanofi Synthelabo fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser diverses sommes aux salariés au titre de la discrimination syndicale, alors, selon le moyen

1°/ que la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du code du travail s'applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail, et notamment à l'action fondée sur une discrimination syndicale, pour la partie des dommages et intérêts correspondant en réalité à une perte de salaire ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les demandes des salariés correspondaient à une perte de salaire sur une durée supérieure à cinq ans ; qu'en retenant qu'une telle demande était, en son entier, soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire en raison de son appartenance syndicale ou de l'exercice d'une activité syndicale de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement ; que ce n'est qu'une fois la disparité de traitement constatée qu'il peut être exigé de l'employeur qu'il la justifie par la preuve d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenant à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à relever que les salariés exposent ou font valoir, qu'ils percevaient une rémunération moyenne annuelle inférieure à celle des salariés ayant une ancienneté et un coefficient identiques, pour exiger ensuite de l'employeur qu'il apporte des éléments objectifs justifiant cette situation ; qu'en statuant ainsi, sans constater au préalable que les salariés avaient apporté la preuve de la disparité de traitement qu'ils alléguaient, la cour d'appel a violé les articles L. 412-2 du code du travail et 1315 du code civil ;

3°/ que l'article 1-B de l'accord du 23 décembre 1998 précise que "tout visiteur médical pourra accéder sur décision de sa hiérarchie au coefficient 390. Si, après quinze ans d'ancienneté, le visiteur médical n'a pas été promu au coefficient 390, il aura, à sa demande, un entretien avec sa hiérarchie au cours duquel il lui en sera notifié les raisons et seront recherchés les moyens à mettre en oeuvre pour lui permettre d'évoluer dans sa carrière. Cet entretien donnera lieu à un compte rendu écrit" ; qu'en reprochant à la société Sanofi Synthelabo de n'avoir pas reçu en entretien Mmes O et V en application de ce texte, pour en déduire que celles-ci avaient été victimes d'une discrimination syndicale, lorsqu'il résultait de ses propres constations que ces salariées n'en avaient pas fait la demande, de sorte qu'elles ne se trouvaient pas dans la même situation que les salariés qui l'avait faite, et qu'aucune obligation ne pesait sur la société Sanofi Synthelabo de les recevoir, la cour d'appel a violé ensemble l'article L. 412-2 du code du travail et le texte susvisé ;

4°/ qu'il ne résulte nullement de l'article 1-B de l'accord du 23 décembre 1998 que le visiteur médical qui, après 15 ans d'ancienneté, n'a pas été promu au coefficient 390, a droit automatiquement au bénéfice de ce coefficient ; qu'il a seulement droit à un entretien au cours duquel lui seront indiqués les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre le coefficient ; qu'en relevant que la société Sanofi Synthelabo ne s'expliquait pas sur les raisons pour lesquelles Mmes O, W, Y, et MM. X et U avaient conservé le coefficient 365 pendant 15 ans ou plus, sans se voir attribuer le coefficient 390, pour en déduire qu'ils avaient été victimes d'une discrimination syndicale, sans avoir préalablement caractérisé que d'autres salariés placés dans une situation identique à celle des intimés avaient, quant à eux, bénéficié automatiquement du coefficient 390 après 15 ans d'ancienneté, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 122-45, L. 412-2 du code du travail et le texte susvisé ;

5°/ que le mérite constitue un élément objectif permettant à l'employeur d'accorder des augmentations individuelles différenciées aux salariés ; qu'en se bornant à relever que Mme Q et MM. R, S, ... et ... avaient bénéficié d'augmentations individuelles au mérite moins nombreuses que la moyenne des autres salariés, pour en déduire que ces salariés avaient fait l'objet d'une discrimination salariale en raison de leur appartenance syndicale, sans même caractériser que cette disparité n'était pas justifiée par la qualité du travail fourni ou les compétences de chacun, la cour d'appel a violé l'article L. 412-2 du code du travail ;

Mais attendu d'abord, que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale se prescrit par trente ans ;

Et attendu ensuite, que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a relevé que les salariés percevaient une rémunération inférieure à celle de la moyenne des salariés se trouvant dans une situation comparable, et que l'employeur n'apportait aucun élément objectif sérieux justifiant cette disparité de traitement ; que sa décision n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sanofi Synthelabo France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sanofi Synthelabo France à payer à MM. ..., R, S, P, à Mme Q, et aux syndicats Usapie pharma SNRVM et SNCC CFE-CGC la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille huit.