Cass. soc., 20-02-2008, n° 05-45.601, FP-P+B sur le sixième moyen, Cassation partielle



SOC.

PRUD'HOMMES

C.B.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 20 février 2008

Cassation partielle

Mme COLLOMP, président

Arrêt n° 409 FP P+B sur le sixième moyen

Pourvoi n° V

05-45.601

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Alain Bensoussan, société d'exercice libéral par actions simplifiée dont le siège est Paris , contre deux arrêts rendus les 10 mai 2005 et 12 octobre 2005 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), dans le litige l'opposant à M. Tony Y, domicilié Paris,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 janvier 2008, où étaient présents Mme Collomp, président, Mme Grivel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, M. Texier, Mme Quenson, MM. Bailly, Trédez, Chauviré, Mmes Morin, Perony, conseillers, MM. Funck-Brentano, Leblanc, Mmes Auroy, Leprieur, conseillers référendaires, M. Allix, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Grivel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet, avocat de la société Alain Bensoussan, de la SCP Roger et Sevaux, avocat de M. Y, les conclusions de M. Allix, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y, qui avait été engagé en qualité d'avocat salarié le 3 juillet 2000 par le cabinet Bensoussan, a saisi le 29 décembre 2003 le bâtonnier de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes au titre tant de l'exécution que de la rupture de son contrat ;

Sur les trois premiers moyens

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Et sur le sixième moyen

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une certaine somme au titre des tickets-restaurants, alors, selon le moyen, qu'un employeur est fondé à réserver l'attribution de titres-restaurant à la seule catégorie de salariés non-cadres, une telle disparité de traitement reposant sur des raisons objectives exclusives de toute discrimination ; qu'ayant constaté que la société Alain Bensoussan réservait le bénéfice de titres-restaurant aux seuls salariés non cadres, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que tous les salariés qui disposaient d'un restaurant interentreprises devaient bénéficier d'un avantage équivalent a violé les articles L. 133-5-4°, L. 136-2-8° et L. 140-2 du code du travail ensemble les dispositions de l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 ;

Mais attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ;

Et attendu que la cour d'appel a exactement décidé que l'employeur qui avait réservé l'octroi de tickets-restaurant au seul personnel non-cadre de son entreprise ne justifiait ainsi d'aucune raison objective et pertinente pouvant légitimer cette disparité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble la convention collective nationale des avocats salariés des cabinets d'avocats du 17 février 1995 et l'avenant n° 68 du 5 octobre 2001 à la convention collective nationale du personnel salarié des cabinets d'avocats ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de treizième mois, l'arrêt retient que le contrat de travail de M. Y ainsi que la convention collective des avocats en stipulent expressément le versement, lequel doit faire l'objet d'une mention distincte sur le bulletin de paie, mention qui fait en l'espère défaut ;

Attendu cependant, d'une part, que le contrat de travail du 7 juillet 2000 de M. Y prévoyant dans l'article 8 de ses dispositions générales que "M. ... verse à l'avocat salarié une rémunération telle que définie dans les conditions particulières. Cette rémunération comprend tous les éléments prévus tels que primes d'ancienneté, treizième mois et rémunération complémentaire de même nature" et que les conditions particulière stipulant que "le salaire annuel brut de M. Y sera de 230 000 francs payables par douzièmes, toutes causes confondues", il résulte du rapprochement de ces stipulations claires que le salaire annuel prévu contractuellement et payé comprenait un treizième mois, lequel était réglé par douzième ; que, d'autre part, la convention collective des avocats salariés des cabinets d'avocats ne comporte pas de disposition concernant le treizième mois, et que l'avenant n° 68 du 5 octobre 2001 à la convention collective nationale du personnel salarié des cabinets d'avocats du 20 février 1979 n'est pas applicable aux avocats salariés, le champ d'application d'un avenant à une convention collective étant nécessairement le même que celui de cette dernière sauf dispositions contraires ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résulte de ses propres constatations que le treizième mois, inclus dans la rémunération annuelle, a été versé à l'intéressé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le cinquième moyen

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de prime d'ancienneté, l'arrêt énonce que celle-ci n'est pas discutée dans son montant ;

Qu'en statuant ainsi, sans permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle alors que la somme réclamée à ce titre était contestée dans son principe, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le septième moyen

Vu l'article 1142 du code civil ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières liées à l'état de santé du salarié que celui-ci imputait à l'agressivité de M. ... lors d'un entretien, l'arrêt se borne à énoncer que la teneur des certificats médicaux décrivant l'état de santé de M. Y n'est pas discutée, de sorte qu'en raison du plafonnement des indemnités journalières, celui-ci est fondé eu égard au manque à gagner qu'il avait subi à obtenir réparation ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser une faute rendant imputable à l'employeur l'état de santé du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à M. Y un rappel de treizième mois et de prime d'ancienneté et des dommages et intérêts en réparation des conséquences financières liées à l'état de santé du salarié, l'arrêt rendu le 10 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille huit.