SOC.
PRUD'HOMMES
L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 14 novembre 2007
Cassation partielle sans renvoi
M. TEXIER, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 2355 F D
Pourvoi n° E
06-45.246
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la Mutualité sociale agricole de la Loire (MSA), dont le siège est Saint-Priest-en-Jarez ,
contre l'arrêt rendu le 31 août 2006 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant
1°/ au service régional de l'inspection du travail, dont le siège est Lyon ,
2°/ à Mme Gisèle X, domiciliée Saint-Galmier,
3°/ à Mme Chantal W, domiciliée Panissières
à Mme Maryse Morel, domiciliée Villars,
5°/ à Mme Martine V, domiciliée Villars,
6°/ à Mme Béatrice U, domiciliée Saint-Christo-en-Jarez
à Mme Chantal Combette, domiciliée Saint-Priest-en-Jarez,
8°/ à Mme Marie-Paule T, domiciliée Saint-Marcellin-en-Forez
à Mme Nadine Kerveillant, domiciliée Marcilly-le-Châtel,
10°/ au syndicat général agro-alimentaire CFDT de la Loire, dont le siège est Saint-Etienne , défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 octobre 2007, où étaient présents M. Texier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Quenson, conseiller rapporteur, M. Chollet, conseiller, M. Rovinski, conseiller référendaire, M. Allix, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Quenson, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la MSA de la Loire, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de Mme X et des huit autres défendeurs, les conclusions de M. Allix, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes ..., T, ..., U, V, ..., W et X sont salariées de la caisse de mutualité sociale agricole de la Loire à temps partiel ; que la mise en place d'une nouvelle convention collective est intervenue le 1er juillet 2000 ; qu'elles percevaient jusqu'en juin 2000 un sursalaire familial calculé en tenant compte du pourcentage du temps travail ; que ce sursalaire a été remplacé par la nouvelle convention collective par un complément familial calculé par enfant à charge avec un différentiel calculé de manière à assurer un même montant de rémunération ; qu'un accord du 3 juillet 1992 permettait aux salariés de transformer une partie de leur prime de fin d'année en congé dans la limite de dix jours au total, chaque jour de congés pris entraînant une réduction de 1/22e de prime ; qu'à partir de 1999, la mutualité sociale agricole (MSA) a modifié le système de calcul pour les temps partiels ; que les salariées susnommées ont saisi le conseil de prud'hommes en paiement du différentiel du sursalaire familial du 1er juillet 2000 au 31 mars 2005 et les congés payés afférents, et/ou en rappel de prime de fin d'année pour 1999 et 2000 et les congés payés afférents ; que le syndicat général agro-alimentaire CFDT de la Loire est intervenu volontairement aux débats ;
Sur le premier moyen dirigé contre Mme ...
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel interjeté contre les dispositions concernant Mme ... et de l'avoir condamné à lui payer la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 40 du nouveau code de procédure civile, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel ; qu'aux termes de l'article R. 517-4, alinéa 2, du code du travail, si l'un des chefs de demande n'est susceptible d'être jugé qu'à charge d'appel, le conseil de prud'hommes se prononce sur tous en premier ressort ; qu'en l'espèce, il résulte du jugement de Mme ..., outre l'allocation d'une somme inférieure au taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes, demandait à voir "constater que la MSA de la Loire n'était pas fondée à modifier le mode de calcul de la retenue de prime de fin d'année en cas de transformation en jours de congés, tel que défini par l'accord du 3 juillet 1992" ; qu'il s'agissait d'une demande indéterminée, de sorte que le jugement est susceptible d'appel ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que la demande présentée par Mme ... devant le conseil de prud'hommes portait sur un rappel de prime et de congés payés chiffrés, la salariée soutenant à l'appui de cette demande chiffrée que la MSA de la Loire n'était pas fondée à modifier le calcul de la retenue de prime de fin d'année en cas de transformation en jour de congés payés, tel que défini par l'accord du 3 juillet 1992 ; que la demande était bien en dernier ressort ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer aux salariées concernées des sommes à titre de rappel de prime de fin d'année, ainsi qu'à verser au syndicat général agro-alimentaire CFDT de la Loire la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, alors, selon le moyen
1°/ que l'accord d'établissement du 3 juillet 1992 ne prévoyait aucun mode de décompte des jours de congés obtenus par conversion de la prime de fin d'année mais se bornait à préciser que pour chacun des jours de congés ainsi obtenus, la prime de fin d'année devait subir un abattement de 1/22e ; qu'en affirmant, par motifs propres, que l'employeur ne pouvait unilatéralement modifier le décompte de ces congés spécifiques tel qu'il résultait de la lettre et de l'esprit de l'accord d'établissement, et par motifs adoptés, que l'accord du 3 juillet 1992 prévoit les modalités de décompte des jours de congé pris en remplacement d'une partie de la prime de fin d'année que la MSA n'aurait pas respectées, la cour d'appel a violé cet accord ;
2°/ que lorsque le décompte de congés conventionnels, dans le silence de l'accord qui les institue, est selon l'usage en vigueur dans l'entreprise soumis au même régime que celui applicable au décompte des congés payés légaux, l'employeur est en droit, lorsqu'il modifie le mode de décompte de ces derniers, d'appliquer cette modification au décompte des congés conventionnels ; qu'en l'espèce, la MSA faisait valoir que le décompte des jours de congés obtenus par conversion de la prime de fin d'année s'était, depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'établissement du 3 juillet 1992 ayant permis cette substitution, fait de la même façon que pour les congés payés légaux et que c'est en conformité avec cet usage que la modification intervenue en 1998 dans le mode de décompte des congés payés légaux avait été appliquée au décompte des congés obtenus par conversion de la prime de fin d'année ; qu'en jugeant que l'employeur ne pouvait unilatéralement modifier le décompte de ces congés spécifiques, aux prétextes inopérants que l'accord d'établissement ne faisait pas référence aux salariés à temps partiel ni au système de décompte des congés légaux les concernant, et que les congés légaux n'avaient pas le même fondement que les congés en cause, sans rechercher ainsi qu'elle y avait été invitée, si cette modification n'était pas intervenue en conséquence de la modification du décompte des congés payés légaux, ce conformément à l'usage en vigueur dans l'entreprise soumettant les congés litigieux au même mode de décompte que les congés légaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la MSA faisait valoir, exemple à l'appui, que le mode de décompte proposé par les salariés aboutissait à une inégalité de traitement au détriment des salariés à temps complet dont la retenue sur salaire était plus importante, pour une durée d'absence identique, que celle appliquée aux salariés à temps partiel ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que, contrairement aux allégations du moyen, l'accord du 3 juillet 1992 prévoit bien un décompte de conversion de la prime de fin d'année en congés ;
Et attendu, ensuite, qu'elle a relevé l'absence, d'une part, de référence aux temps partiels et, d'autre part, d'assimilation dans l'accord, des congés ainsi obtenus par le salarié par conversion d'une partie de la prime de fin d'année avec les congés légaux et leur régime ; qu'elle n'encourt pas les griefs du moyen ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen
Vu l'article L. 212-4-5 du code du travail ;
Attendu que pour faire droit aux demandes des salariées au titre du différentiel, la cour d'appel a énoncé que s'il ressort de la lettre des dispositions transitoires de l'article 3-4 qui figure la situation au jour de la transposition, tant sur les termes financiers de comparaison que sur le nombre d'enfants, l'ouverture des droits, avec une garantie de maintien de rémunération pour l'avenir, sauf réduction pour enfants à charge, que cette comparaison devrait se faire sur la base du sursalaire perçu au 30 juin 2000, donc proratisé pour les temps partiels, cette interprétation des dispositions de la nouvelle convention collective par la MSA se heurte toutefois au principe d'égalité de traitement et de proportionnalité des rémunérations édictées par l'article L. 212-4-5, dans la mesure où le second élément de comparaison est désormais un complément familial identique pour les temps pleins et les temps partiels ayant le même nombre d'enfants, de sorte que le premier point de comparaison, le sursalaire perçu antérieurement, doit, pour les temps partiels, être reconstitué sur la base d'un temps plein pour déterminer, comme pour les temps pleins, le différentiel dû, avant proratisation de celui-ci en fonction du temps de travail ;
Attendu, cependant, que les dispositions de l'article 3-4, alinéa 2, des dispositions transitoires de la convention collective du 22 décembre 1999 applicable au 1er juillet 2000 qui prévoit une comparaison entre complément familial désormais perçu et sursalaire antérieurement perçu ne heurtent pas le principe d'égalité de traitement et de proportionnalité des rémunérations posées par l'article L. 212-4-5 du code du travail ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la Cour de cassation est en mesure, par application de l'article 627 du nouveau code de procédure civile, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions confirmant le jugement condamnant la Mutualité sociale agricole de la Loire à payer, au titre du rappel différentiel de sursalaire du 1er juillet 2000 au 31 mars 2005 et de congés payés afférents à Mme ... 3 246,72 euros et 324,67 euros, à Mme T 970,14 euros et 97,01 euros, à Mme ... 242,25 euros et 24,22 euros, à Mme U 1 455,21 euros et 145,52 euros, à Mme V 485,07 euros et 48,50 euros, à Mme W 970,14 euros et 97,01 euros, et à Mme X 1 541,49 euros et 157,14 euros, le tout avec intérêt au taux légal à compter de la demande, et ordonnant à la Mutualité sociale agricole de la Loire de régler aux salariées le rappel de rémunération correspondant au différentiel de sursalaire du 1er avril 2005 au jour du jugement et les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 31 août 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉBOUTE les salariées de leur demande au titre du différentiel de salaire de sursalaire ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille sept.