Délibération HALDE n° 2007-272, 22-10-2007, Marc Diot


Liherie        Egaliré • Frarernieé RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ

Délibération n° 2007-272 du 22 octobre 2007

Le Collège :

Vu l'article L. 122-45 du code du travail

Vu la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 poilant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Vu le décret n°2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Sur proposition du Président. Décide :


La haute autorité a été saisie par courrier du ter juillet 2006 d'une réclamation de Marc Diot au sujet du non-versement d'une prime d'expatriation en raison de sa nationalité.

L'ESRF, située à Grenoble, émane d'une initiative internationale conformément à la Convention de Paris du 16 décembre 1988 ratifiée par douze Etats européens. Elle est une société civile de droit français soumise au droit français du travail,

L'article 50 de sa convention d'entreprise du 18 juin 1993 prévoit que u les agents non français perçoivent une prime d'expatriation ou de thipaysement (...) ». Cette prime était versée mensuellement à tous les salariés étrangers ressortissants d'un pays signataire de la Convention de Paris sans considération du lieu de résidence d'origine. Son montant variait entre 14 et 22% d'un salaire de référence de sorte que, selon une estimation faite par IESRF elle-même, il pouvait correspondre à plus d
'un tiers du salaire mensuel réel dans certains cas.

En octobre 2001, cette disposition conventionnelle était révisée de sorte que la prime d'expatriation ne dépend plus de la nationalité. Toutefois, un accord d'application de la nouvelle convention d
'entreprise de juillet 2001 a maintenu cet avantage pour les anciens salariés. Le régime applicable aux nouveaux salariés qui résulte de cette révision, exclusivement condé sur le critère de résidence, n'est pas critiquable.

Le réclamant, de nationalité française, a été embauché en qualité d'ingénieur le 8 avril 1991. Dans un courrier du 2 avril 2007, LESRF a confirmé à la haute autorité qu'il n'avait pas touché la prime litigieuse.

A l
'instar d'autres salariés et anciens salariés, Monsieur Diot a engagé une première procédure juridictionnelle à l'encontre de 1ESRF. Il a déposé une requête auprès de la Cour européenne des droits de l'homme à la suite du rejet de son pourvoi par la Cour de Cassation le 9 novembre 2005. Il a également initié une nouvelle procédure fondée sur des rappels de salaires portant sur une période postérieure à celle de la première saisine. Débouté par le Conseil des prudhommes de Grenoble (en départage) le 17 janvier 2007, il a interjeté appel. L'audience devant la Cour d'appel de Grenoble est fixée au 31 octobre 2007.
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Dans le cadre de la première procédure, la Cour de cassation avait jugé, au double visa de l'article L. 122-45 du Code du travail et du principe « à travail égal, salaire égal », que « cette inégalité vis(ait) non seulement à compenser les inconvénients resultant de 1 'installation d'un individu et de sa fcrnrille en pays étranger mais aussi à faciliter l'embauche de salariés ressortissants non français des parties contractantes afin de contribuer à la création d'im pôle d'excellence scientifique international » (Cass. Soc 9 novembre 2005 ESRF c-' Dint).

Or, dans son arrêt Zamolo c/ Institut Goethe du 10 décembre 2002, la haute juridiction avait adopté une position différente dans une espèce similaire. Elle avait, en effet, reconnu que l
'application d'« un régime salarial différent selon la nationalité » à l'égard du personnel travaillant en France méconnaissait les articles 12 et 39 du traité CE ainsi que l'article 7 du règlement CEE n° 1612/68.

La Cour de cassation avait ainsi opté pour une harmonisation de la protection contre les discriminations fondées sur la nationalité, que les travailleurs aient, ou non, exercé leur liberté de circulation.

L'enquête menée par la haute autorité a confirmé que les salariés étrangers de I'ESRF ont bénéficié d'un complément de salaire substantiel du seul fait de leur nationalité étrangère et ce, indépendamment de la nature de leurs fonctions et de la réalité, ou non, de l'expatriation. A l'inverse, les salariés français effectuant un travail de valeur comparable, voire strictement identique, ne pouvaient en bénéficier du seul fait de leur nationalité.

L'ESRF n'a ainsi fait valoir aucun élément objectif étranger à toute discrimination permettant de justifier la différence de traitement fondée sur l'origine nationale qui résulte de la convention de 1993.

En conséquence. la clause litigieuse présente un caractère discriminatoire à raison de la nationalité contraire aux dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail ainsi qu'aux articles 12 et 39 du traité CE et à l'article 7 du règlement CEE n° 1612/68.

Conformément à l'article 13 de la loi portant création de la haute autorité, la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité demande donc à être entendue par la Cour d'appel de Grenoble dans cette affaire, afin de présenter ses observations, cette audition étant de droit.
Louis SCHWEITZER