CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 30 octobre 2007
Cassation
M. BARGUE, président
Arrêt n° 1149 FS D
Pourvoi n° F
06-17.325
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme Malika Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 6 juin 2006.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Malika Z, domiciliée Tourcoing,
contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2005 par la cour d'appel de Douai (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. Frédéric Y, domicilié Tourcoing,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 septembre 2007, où étaient présents M. Bargue, président, M. Lafargue, conseiller référendaire rapporteur, M. Gridel, Mme Crédeville, MM. Charruault, Gallet, Mme Marais, M. Taÿ, Mme Kamara, conseillers, Mme Cassuto-Teytaud, M. Trassoudaine, Mme Gelbard-Le Dauphin, M. Creton, Mme Richard, M. Jessel, conseillers référendaires, M. Sarcelet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lafargue, conseiller référendaire, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de Mme Z, de la SCP Richard, avocat de M. Y, les conclusions de M. Sarcelet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique qui n'est pas nouveau
Vu l'article 1er du protocole n° 1, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble, l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, devenu l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que si une personne peut être privée d'un droit de créance, c'est à la condition que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect de ses biens ; que le second de ces textes ne répond pas à cette exigence, dès lors qu'il prohibe l'action de l'enfant né handicapé et exclut du préjudice des parents les charges particulières qui en découlent tout au long de sa vie, instituant seulement un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, tandis que les intéressés pouvaient, en l'état de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur préjudice réparable inclurait toutes les charges particulières évoquées ;
Attendu que Mme Z a donné naissance, le 5 décembre 1999, à un enfant prénommé Brahim, atteint d'une trisomie 21 ; que, le 8 novembre 2000, Mme Z a assigné M. Y, médecin généraliste, en référé-expertise en vue de rechercher si elle avait bénéficié des examens médicaux permettant de déceler le mal en cours de grossesse et si l'obligation d'information avait été correctement exécutée ; qu'au vu du rapport déposé le 7 mars 2002, Mme Z, agissant en son nom personnel et en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur a, le 13 octobre 2002, assigné le praticien au fond ; que l'arrêt attaqué, retenant que l'article 1er I de la loi du 4 mars 2002 dispose que le préjudice des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse ne peut inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie, de ce handicap, la compensation de ce dernier relevant de la solidarité nationale, a débouté Mme Z de ses demandes de réparation du préjudice subi par l'enfant mineur et de son propre préjudice matériel, l'indemnisant de son seul préjudice moral ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que la révélation du dommage était nécessairement antérieure à l'entrée en vigueur de la loi, dont elle a fait application, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. Y ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille sept.