RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRÊT DU 05 Décembre 2006
(n°,,pages)
Numéro d'inscription au répertoire général S 05/04166
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 21 Décembre 2004 par le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL RG 03/01242
APPELANTE
SOCIÉTÉ BAZAR DE L HÔTEL DE VILLE
PARIS
représentée par Me David CALVAYRAC, avocat au barreau de PARIS, toque P.107
INTIMÉE
Madame Annick Y
3, rue G. F.
VILLENEUVE ST GEORGES comparant en personne, assistée de M. T. ... (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Octobre 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
de
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière Mme Isabelle PIRES, lors des débats
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mme I. ...,
greffière présente lors du prononcé.
Statuant sur l'appel formé par la société BHV d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Créteil en date du 21 décembre 2004 l'ayant condamnée à verser à Annick Y
-52 000 euros à titre de rappel de salaire
- 5 200 euros au titre des congés payés
- 30 000 euros à titre d'indemnité pour discrimination syndicale et ordonné la remise de bulletins de paye conformes à la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 30 octobre 2006 de la société BI-IV appelante, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 30 octobre 2006 de Annick Y intimé qui sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris et conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelante à lui verser 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que Annick Y a été embauchée à compter du 19 septembre 1974 par la société BAZAR DE L'HÔTEL DE VILLE par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel puis à temps complet en qualité de caissière; qu'elle est partie à la retraite le 1er juin 2004; qu'elle était assujettie à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires; que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés;
Que l'intimée a saisi le Conseil de Prud'hommes le 23 avril 2003 en vue d'obtenir un rappel de salaire et la réparation de son préjudice pour discrimination syndicale;
Considérant que la société BHV expose qu'elle ne s'est livré à aucun acharnement à l'encontre de l'intimée; que celle-ci n'a été victime d'aucune discrimination salariale du fait de son appartenance syndicale;
Considérant que Annick Y soutient qu'elle présente des éléments de fait démontrant l'existence d'une discrimination; que celle-ci est établie par la comparaison avec les salaires perçus par ses collègues de travail;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L 133-5 (4°) et L 136-2 (8°) que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique; qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié qui a soumis au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de rémunération, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination;
Considérant que l'intimée a été embauchée en 1974 par la société BHV; qu'elle ne disposait pas de qualification particulière; qu'en sa qualité d'employé qualifié de service commercial affecté au service clientèle du magasin de Créteil elle relevait de la catégorie VIII de la convention collective des grands magasins et magasins populaires; qu'en mars 2004 sa rémunération mensuelle brute fixe était d'un montant de 1193,94
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euros; qu'il résulte des tableaux de comparaison des salaires des employés affectés au même service dans d'autres magasins de la région parisienne et ayant des qualification identiques à celles de l'intimée en poste, produits par la société, qu'aucune de ces salariés ne disposait de l'importante ancienneté de l'intimée; qu'ainsi, M. ..., salariée la plus ancienne dont la rémunération est communiquée, était employée depuis le mois de février 1980 et avait donc une ancienneté inférieure de six années à celle de l'intimée; qu'en outre alors qu'elle était affectée au service commercial comme l'intimée elle percevait une rémunération fixe supérieure d'un montant de 1196,94 euros et augmentée d'une prime d'entrepot de 340,57 euros; que les autres salariées dont la rémunération fixe est presque identique à celle de l'intimée bénéficiaient d'une ancienneté nettement moindre ; qu'ainsi C. ... dont la rémunération fixe était de 1 135,95 euros avait été embauchée en décembre 1999 soit 25 ans après l'intimée; que par ailleurs la comparaison de la rémunération fixe avec les autres salariées du service clientèle du magasin de Créteil à laquelle se livre la société ne peut être retenue; qu'en effet sur les cinq autres employées M. ... et J. D. ne travaillent pas à temps complet et les trois autres ont une ancienneté inférieure au moins de quatorze années; qu'enfin le tableau relatif au taux de fréquence des augmentation individuelles des salariés du service clientèle du magasin de Créteil de 1992 à 2003 n'est pas plus probant; que n'y sont mentionnés que trois employés dont l'intimée alors que le service en compte six; qu'en outre les deux autres sont justement celles qui n'effectuent pas le même temps de travail; qu'enfin le taux n'est pas identique; qu'ainsi ... D. a bénéficié d'un taux de fréquence d'augmentation de 42 % avec une augmentation moyenne de 9,82 euros alors que pour l'intimée ayant une ancienneté supérieure de neuf années, ce taux n'est que de 33% avec une augmentation moyenne de 8,97 euros;
Considérant en conséquence qu'il existe bien une inégalité de traitement entre l'intimée et les autres salariés de la société ayant une qualification identique à la sienne; que les premiers juges ont exactement évalué à la somme de 52 000 euros le rappel de salaire auquel l'intimée pouvait prétendre du fait de cette inégalité de traitement et à 5 200 euros les congés payés y afférents; qu'il n'est toutefois pas démontré que cette inégalité de traitement soit le résultat d'une discrimination ayant son origine dans la prise en considération par l'employeur de l'appartenance de l'intimée à une organisation syndicale ou de ses activités syndicales; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris sur le seul fondement des dispositions légales précitées et non sur celui de l'article L122-45 du code du travail;
Considérant qu'il convient d'ordonner la remise par la société des bulletins de paye conformes à la présente décision sans assortir toutefois cette obligation d'une astreinte;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats par la société appelante qu' à compter de février 2001 l'intimée a été victime de retards dans le versement de l'intégralité de la rémunération à laquelle elle avait droit; que ces difficultés sont apparues à compter de février 2001 et concernent principalement les heures de délégation auxquelles elle pouvait prétendre en raison de sa qualité de conseiller prud'homme; que durant l'année 2001 l'intimée a été victime à cinq reprises d'incidents dans le paiement de ses heures de délégation notamment ; qu'il se sont répétés quasiment chaque mois au cours de l'année 2002; qu'ils ont conduit l'intimée à saisir la juridiction prud'homale après avoir effectué des démarches auprès du service des ressources humaines; que ces dysfonctionnements sont imputables à l'employeur, qui les a partiellement reconnus dans un courrier en date du 13 février 2003, et manifestent sa mauvaise foi; que toutefois il n'est pas démontré que ceux-ci soient en relation avec la situation de l'intimée et soient la manifestation d'une discrimination quelconque; qu'il ont occasionné à l'intimée un dommage qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil;
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Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimée les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens; qu'il convient de lui allouer une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
INFIRME partiellement le jugement entrepris;
DIT que la société BHV n'a pas assuré à Annick Y une égalité de traitement avec les autres employés dans l'établissement de son salaire conformément aux articles L 133-5 et L133-6 du code du travail ;
CONDAMNE la société BHV à verser à Annick Y la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
ORDONNE la remise de bulletins de paye conformes ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
CONDAMNE la société BFIV à verser à Annick Y 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens.
LA FFIÉRE LA PRÉSIDENTE
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