Cass. civ. 1, 12-07-2007, n° 06-12.624, F-P+B, Rejet



CIV. 1                N.R

COUR DE CASSATION

Audience publique du 12 juillet 2007

Rejet

M. BARGUE, président

Arrêt n° 936 F P+B Pourvois n°         W 06-12.624 P 06-13.790Jonction

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

I - Statuant sur le pourvoi n° W 06-12.624 formé par

1°/ M. Marc Z, domicilié Toulon,

2°/ la société Le Sou Médical, dont le siège est Puteaux,

contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2005 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (10e chambre), dans le litige les opposant

1°/ à Mme Geneviève X, divorcée X, domiciliée Carqueiranne
à Mme Mélanie Mathieu-Béral, domiciliée Carqueiranne,

3°/ à l'association Croix rouge française, dont le siège est Ollioules,

4°/ à la société Generali assurances IARD, dont le siège est Paris , venant aux droits de la société Generali France assurances, elle-même aux droits de la société La Concorde,

5°/ à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, dont le siège est Toulon ,

6°/ à l'Association générale des médecins de France (AGMF), dont le siège est Paris,

7°/ à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), dont le siège est Paris , défenderesses à la cassation ;

II - Statuant sur le pourvoi n° P 06-13.790 formé par la société Generali assurances IARD, contre le même arrêt rendu dans le même litige, en ce qu'il l'oppose

1°/ à M. Marc Z,

2°/ à la société Le Sou médical,

3°/ à Mme Geneviève X, divorcée X,

4°/ à Mme Mélanie W,

5°/ à l'association Croix rouge française,

6°/ à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var,

7°/ à l'Association générale des médecins de France (AGMF),

8°/ à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), défendeurs à la cassation ;

L'association Croix rouge française, défenderesse au pourvoi n° P 06-13.790, a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

Mme X et Mme W, défenderesses au pourvoi n° P 06-13.790, ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

Sur le pourvoi n° W 06-12.624

Les demandeurs, M. Z et la société Le Sou médical, invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Sur le pourvoi n° P 06-13.790

La société Generali assurances, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

L'association Croix rouge française, demanderesse au pourvoi provoqué, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Mme X et Mme W, demanderesses au pourvoi incident éventuel, invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2007, où étaient présents M. Ancel, président, M. Lafargue, conseiller référendaire rapporteur, M. Bargue, conseiller doyen, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lafargue, conseiller référendaire, les observations de Me Cossa, avocat de la société Generali assurances IARD et de l'association Croix rouge française, de la SCP Richard, avocat de M. Z et de la société Le Sou médical, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de Mme X et de Mme W, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n° P 06-13.790 et W 06-12.624 ;

Attendu que Mme X a, pour les besoins du traitement d'une maladie thyroïdienne, consulté M. Z, radiothérapeute ; qu'un traitement, par radiothérapie orbitaire, a été réalisé par celui-ci les 23 et 27 janvier 1989 au sein de l'hôpital Saint-Louis, appartenant à l'association Croix rouge française dont M. Z était le salarié ; qu'à l'issue de la séance du 27 janvier, M. Z a constaté qu'il y avait eu un surdosage de la dose d'irradiation prescrite ; qu'il en est résulté une double cécité totale, fin 1995, qui a amené la patiente à cesser totalement son activité professionnelle ; qu'après une procédure en référé, Mme X et Mme W ont assigné, le 26 janvier 2000, M. Z, et son assureur, Le Sou médical, outre l'association Croix rouge française et l'assureur de celle-ci, la société Generali France assurances, en responsabilité et indemnisation ; que, par jugement du 5 juillet 2001, le tribunal de grande instance a retenu l'existence d'un lien causal entre la faute de M. Z et le préjudice subi, et a condamné in solidum M. Z et Le Sou médical à réparer le dommage ; que l'arrêt infirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 14 décembre 2005) a déclaré l'association Croix rouge française seule responsable des dommages subis par Mme X et Mme W du fait de M. Z, son préposé, et a condamné l'association et son assureur, la société Generali assurances IARD, venant aux droits de la société Generali France assurances, à prendre en charge le préjudice ; que la société Le Sou médical, assureur de responsabilité de M. Z, a été condamnée à relever et garantir la société Generali assurances IARD de toute condamnation prononcée à son encontre ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Generali assurances IARD et du pourvoi provoqué de l'association la Croix rouge française, dans la procédure n° P 06-13.790

Attendu que l'association Croix rouge française et la société Generali assurances IARD, font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'un médecin exerçantà titre libéral répond personnellement de l'exécution du contrat de soins conclu avec sa patiente reçue dans son cabinet privé, même si les soins se poursuivent dans l'établissement dans lequel il exerce par ailleurs en qualité de salarié ; que dans leurs conclusions d'appel, Mme X et Mme W, M. Z, la société Generali assurances IARD et l'association Croix rouge française s'accordaient sur le fait que Mme X avait consulté M. Z dans son cabinet privé, avant d'être dirigée par celui-ci vers l'hôpital Saint-Louis à Toulon où il exerçait en qualité de salarié pour y pratiquer des actes de radiothérapie ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité personnelle de M. Z, que Mme X n'avait jamais été auparavant sa patiente dans le cadre de son activité libérale, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que le médecin salarié, qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé privé, n'engage pas sa responsabilité à l'égard du patient ;qu'ayant relevé que l'acte de radiothérapie pratiqué sur Mme X par M. Z au centre de traitement de l'hôpital Saint-Louis accompli sur le lieu et pendant le temps de son travail, avec les outils, et en exécution de la mission confiée participait bien à ses fonctions salariées au sein de ladite association, et que n'était allégué aucun dépassement des limites de la mission ainsi fixée, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par le moyen, quant à l'existence d'une consultation préalable au cabinet privé de M. Z, laquelle n'était pas de nature à influer sur la solution du litige, en a exactement déduit que seule se trouvait engagée la responsabilité de l'association Croix rouge française ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n W 06-12.624 de M. Z et de la société Le Sou médical

Attendu que M. Z et la société Le Sou médical font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Le Sou médical, assureur de responsabilité de M. Z, à relever et garantir la société Generali assurance IARD de toute condamnation prononcée à son encontre, alors, selon le moyen

1 / que le médecin salarié, qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé privé, n'engage pas sa responsabilité à l'égard du patient ; que par voie de conséquence, l'assureur de la clinique, déclarée responsable du dommage, ne peut exercer une action tendant à être relevée et garantie par le médecin salarié de la clinique, ni a fortiori contre l'assureur de ce médecin salarié ; qu'en décidant néanmoins que la société Generali assurances IARD, assureur de l'association Croix rouge française, pouvait exercer un recours à l'encontre de la société Le Sou médical, assureur de M. Z, en invoquant la faute commise par celui-ci, après avoir constaté que M. Z était salarié de l'association Croix rouge française et qu'il avait agi sans excéder les limites de la mission qui lui était impartie par cet établissement de santé privé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé les articles 1382 et 1384, alinéa 5, du code civil, ensemble l'article L. 124-1 du code des assurances ;

2 / que l'assureur auquel est refusée par le troisième alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances, disposition d'ordre public, la subrogation dans les droits de son assuré contre un préposé responsable ne peut prétendre à la garantie de l'assureur de la responsabilité de ce préposé ; qu'en décidant néanmoins que l'article L. 121-12, alinéa 3, du code des assurances ne bénéficie qu'aux personnes visées par ce texte et ne fait pas obstacle à l'exercice par la société Generali assurances IARD, assureur de l'association Croix rouge française, de son recours contre la société Le Sou médical, assureur de M. Z, préposé de l'association Croix rouge française, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12, alinéa 3, du code des assurances ;

Mais attendu que l'immunité édictée par l'article L. 121-12, alinéa 3, du code des assurances ne bénéficie qu'aux personnes visées au texte et ne fait pas obstacle à l'exercice, par l'assureur qui a indemnisé la victime, de son recours subrogatoire contre l'assureur de responsabilité de l'une de ces personnes ; que cette immunité n'emportant pas l'irresponsabilité de son bénéficiaire, la cour d'appel saisie du recours subrogatoire de l'assureur du commettant, déclaré responsable du fait de son préposé, a exactement énoncé que l'immunité bénéficiant à M. Z, ne faisait pas obstacle à l'exercice, par la société Generali assurances IARD, de son recours subrogatoire à l'encontre de la société Le Sou médical, tenue, en sa qualité d'assureur de responsabilité de M. Z, à prendre en charge les conséquences dommageables des fautes commises par son assuré ; qu'il s'en suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel de Mme X et Mme W

REJETTE le pourvoi principal de la société Generali assurances IARD et le pourvoi provoqué de l'association Croix rouge française ;

REJETTE le pourvoi de M. Z et de la société Le Sou médical ;

Condamne M. Z et la société Le Sou médical aux dépens afférents au pourvoi n° W 06-12.624 ;

Condamne l'association Croix rouge française et la société Generali assurances aux dépens afférents au pourvoi n° P 06-13.790 ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne, in solidum, au titre du pourvoi n° P 06-13.790 la société Generali assurances et l'association Croix rouge française à payer à Mme X et à Mlle W la somme totale de 2 000 euros ; condamne la Croix rouge française à payer la somme totale de 2 000 euros à M. Z et à la société Le Sou médical ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne au titre du pourvoi W 06-12.624, M. Z et la société Le Sou médical à payer à la société Generali assurances IARD et à l'association Croix rouge française la somme totale de 2 000 euros et à Mme X et Mlle W la somme totale de 1 500 euros ;

REJETTE les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé en son audience publique du douze juillet deux mille sept par M. ..., installé le quatre juillet 2007 dans ses fonctions de président de chambre.