Cass. civ. 1, 12-07-2007, n° 06-14.606, F-P+B+I, Cassation



CIV. 1                CH.B

COUR DE CASSATION

Audience publique du 12 juillet 2007

Cassation

M. BARGUE, président

Arrêt n° 942 F P+B+I

Pourvoi n° A 06-14.606

Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme Esther Z, épouse Z.

Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 7 mars 2006.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Esther Z, épouse Z, domiciliée Saint-Sylvestre-sur-Lot, ès qualités d'héritière de Joseph Z,

contre l'arrêt rendu le 17 mai 2005 par la cour d'appel de Bordeaux (5e chambre), dans le litige l'opposant

1°/ à l'Établissement français du sang (EFS) Aquitaine-Limousin, venant aux droits de l'Association d'Aquitaine pour le développement de la transfusion sanguine et des recherches hématologiques (CRTS de Bordeaux), dont le siège est Bordeaux,

2°/ à la caisse de mutualité sociale agricole du Lot-et-Garonne, dont le siège est Agen,

défendeurs à la cassation ;

EN PRÉSENCE DE

1°/ Mme Esther W, pris en qualité d'héritière de Joseph Z, domiciliée Saint-Julien-en-Born,

2°/ M. Guy Z, domicilié Penne d'Agennais,

3°/ Mme Eliane ..., domiciliée Saint-Sylvestre-sur-Lot,

4°/ Mme Joëlle ..., domiciliée Sauzet,

5°/ M. Luc Z, domicilié Villeneuve-sur-Lot,

6°/ Mme Martine Z, domiciliée Puteaux,

7°/ M. Jean-Paul Z, domicilié Mauzac et Grand Castang,

8°/ M. Max Z, domicilié Saint-Sylvestre-sur-Lot,

9°/ Mme Monique ..., domiciliée Villenave d'Ornon,

10°/ Mme Sylvie ..., domiciliée Trelissac, La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2007, où étaient présents M. Ancel, président, Mme Vassallo, conseiller référendaire rapporteur, M. Bargue, conseiller doyen, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vassallo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Coutard et Mayer, avocat de Mme ZW épouse ZW, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Établissement français du sang Aquitaine-Limousin, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à Mme ZW épouse ZW de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi sauf en ce qu'il est dirigé contre l'Établissement français du sang Aquitaine-Limousin ;

Sur le moyen unique

Vu l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Attendu, selon ce texte qui est applicable aux instances n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, qu'en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu'il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que le doute profite au demandeur ;

Attendu que Joseph Z, décédé au cours de l'instance d'appel, a subi, le 15 septembre 1983 un triple pontage coronarien et reçu, à cette occasion, des produits sanguins, plus précisément quatre concentrés globulaires et deux plasmas ; qu'auparavant, en juillet 1983 et le 2 septembre 1983, des actes invasifs, à savoir une fibroscopie et une coronographie, ont été pratiquées sur sa personne, alors que les procédures de décontamination du matériel endoscopique n'étaient pas aux normes actuelles ; qu'après avoir appris, fin 1993, sa contamination par le virus de l'hépatite C, et fait diligenter une expertise médicale, Joseph Z a assigné, le 11 mai 2000, le centre de transfusion sanguine de Bordeaux en indemnisation de son préjudice ;

Attendu que pour débouter les héritiers de Joseph Z de leur demande, l'arrêt retient qu'il ressort de l'expertise médicale effectuée et de la discussion médico-légale quatre hypothèses possibles de contamination, Joseph Z ayant pu être contaminé avant son triple pontage coronarien, à l'occasion de celui-ci, lors d'actes invasifs réalisés avant et après son intervention, ou après celle-ci, et qu'il n'existe aucun moyen pour connaître de la vraisemblance de l'une ou l'autre hypothèse permettant d'établir un lien de causalité entre l'administration de produits sanguins et la contamination ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la cour d'appel a relevé que Joseph Z avait pu être contaminé par les produits sanguins administrés en septembre 1983 lors de son intervention et que le doute profite au demandeur, la cour d'appel a méconnu les règles de preuve instaurées par l'article susvisé ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne l'EFS Aquitaine-Limousin aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé en son audience publique du douze juillet deux mille sept par M. ... installé le 4 juillet 2007 dans ses fonctions de président de chambre.