CIV. 1 L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 juin 2007
Rejet
M. ANCEL, président
Arrêt n° 854 F D
Pourvoi n° E 06-17.968
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1°/ M. Pascal Z,
2°/ Mme Claudine ZY, épouse ZY,
domiciliés Héry,
contre l'arrêt rendu le 7 avril 2006 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section B), dans le litige les opposant
1°/ à M. Michel X, domicilié Auxerre,
2°/ à M. Fostin N'W, domicilié Fontenay-sous-Bois,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Yonne, dont le siège est Auxerre,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2007, où étaient présents M. Ancel, président, M. Lafargue, conseiller référendaire rapporteur, M. Bargue, conseiller doyen, Mme Taieb, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lafargue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat des époux Z, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de M. X, de la SCP Richard, avocat de M. WWGuebou, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que le 14 août 1996, Camille Y, alors âgé de 82 ans, s'est plaint brutalement de violentes douleurs abdominales ; que son médecin traitant l'a adressé à la Clinique Sainte-Marguerite pour une suspicion d'appendicite, où Camille Y a été examiné par M. X, médecin qui a exclu le diagnostic d'appendicite aiguë, tout en prescrivant plusieurs examens ; que le lendemain, Camille Y ayant été victime d'un malaise, associé à une forte chute de tension, M. WWGuebou, médecin de garde, a procédé à une appendicectomie ; que l'appendice s'est révélé sain tandis que l'état de Camille Y continuait à se détériorer ; qu'il a été transféré vers 18 heures au centre hospitalier d'Auxerre où M. ... a opéré Camille Y et constaté la rupture d'un volumineux anévrisme de l'aorte abdominale ; que Camille Y est décédé le 16 août 1996 ; que le juge d'instruction, saisi d'une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de M. X, a ordonné une mesure d'expertise ; que l'instruction a été clôturée par une ordonnance de non-lieu du 23 octobre 2000 ; que, le 23 avril 2000, Mme Yvette Y, Mme Claudine ZY et M. Pascal Z, respectivement épouse, fille et petit-fils de Camille Chaussefoin (les consorts Z), ont assigné MM. X et WWW devant le tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Attendu que les consorts Z font grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 7 avril 2006) de les avoir déboutés de leurs demandes à l'encontre de MM. X et WWW, alors, selon le moyen
1 / que dans leur rapport, les experts ... et ... ont énoncé qu'" une fois cet anévrisme rompu, il n'existe plus aucune chance de réaliser une cure chirurgicale de celui-ci" ; qu'en affirmant dès lors que ce rapport contredisait l'avis de M. ..., selon lequel un traitement chirurgical du patient aurait pu éviter l'issue fatale si celui-ci lui avait été adressé avant la rupture de l'anévrisme, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport susvisé d'où il résultait que seule une rupture de l'anévrisme excluait toute chance de réaliser une cure chirurgicale de cet anévrisme, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2 / que la cour d'appel, qui a constaté que les experts avaient formulé l'énonciation susvisée, ne pouvait retenir que le rapport de ceux-ci contredisait l'avis de M. ..., sans se contredire, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
3 / que la cour d'appel, qui a relevé que les experts ... et ... avaient énoncé qu'"une fois cet anévrisme rompu, il n'existe plus aucune chance de réaliser une cure chirurgicale de celui-ci", a encore dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport d'où il résulte que seule une rupture de l'anévrisme excluait toute chance de réaliser une cure chirurgicale de cet anévrisme, en retenant qu'il découlait de ce rapport que si le diagnostic avait été posé plus tôt, l'anévrisme n'aurait pu être opéré, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4 / que la cour d'appel, qui a procédé à une telle constatation quant au contenu du rapport d'expertise, ne pouvait affirmer qu'il résultait du rapport que l'anévrisme n'aurait pu être opéré si le diagnostic avait été posé plus tôt, sans se contredire à nouveau, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
5 / qu'en s'abstenant de rechercher à quel moment était intervenue la rupture de l'anévrisme et si le retard de diagnostic imputable à M. X n'avait pas empêché qu'une intervention chirurgicale soit pratiquée avant la rupture, la cour d'appel, qui a constaté que les experts avaient conclu qu'il n'existait plus de chance de réaliser une cure chirurgicale une fois la rupture d'anévrisme réalisée, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
6 / qu'en relevant que la localisation de l'anévrisme par M. ... n'était pas certaine, "dès lors que dans une lettre au médecin traitant du 19 août 1996, il précise que le patient est décédé des suites d'un anévrisme de l'aorte "sus rénale"", la cour d'appel a statué par un motif inopérant, rien ne permettant de considérer qu'un anévrisme sus rénal n'aurait pas été opérable avant la rupture, et, par suite, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
7 / qu'au surplus, la lettre du 19 août 1996 susvisée sur laquelle s'est fondé l'arrêt attaqué, émane de M. ... et non de M. ... ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, se fondant sur le rapport d'expertise, l'arrêt, qui retient que si le diagnostic avait été posé plus tôt grâce aux résultats de l'échographie abdominale, l'anévrisme n'aurait pu être opéré en raison de son volume, de sa localisation et de l'âge du patient, a pu en déduire, sans dénaturer le rapport d'expertise ni se contredire, l'absence de lien causal entre le retard de diagnostic et le décès du patient ;
Que le moyen non fondé en ses quatre premières branches, inopérant en ses cinquième et septième branches, et qui manque en fait dans sa sixième branche ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande des consorts Z, les condamne, ensemble, à payer à M. WWGuebou la somme de 1 000 euros, à M. X la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille sept.