CIV. 1 L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 juin 2007
Cassation partielle
M. ANCEL, président
Arrêt n° 852 F D
Pourvoi n° P 06-13.859
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Nicole Z, épouse Z, domiciliée Cauville, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale, sous contrôle judiciaire, de son époux M. Alain Z, et agissant également en qualité d'administratrice légale de son fils Pierre, mineur, né le 17 octobre 1990,
contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2006 par la cour d'appel de Rouen (chambre1, cabinet 1), dans le litige les opposant
1°/ à M. Olivier YW,
2°/ à M. Daniel YV,
domiciliés Le Havre,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Havre, dont le siège est Le Havre,
défendeurs à la cassation ;
M. YV a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2007, où étaient présents M. Ancel, président, M. Lafargue, conseiller référendaire rapporteur, M. Bargue, conseiller doyen, Mme Taieb, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lafargue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme Z, ès qualités, de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de M. YV, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de M. WY, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Met hors de cause, sur sa demande, M. WY ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'il résulte du texte susvisé que, déterminée en fonction de l'état de la victime et de toutes les conséquences qui en découlent pour elle, l'indemnité de réparation de la perte d'une chance d'obtenir une amélioration de son état ou d'échapper à la situation qui s'est réalisée doit correspondre à la fraction, souverainement évaluée, des différents chefs de préjudice supportés par la victime ;
Attendu que M. YZ a été hospitalisé en vue de la pose d'une prothèse totale de la hanche gauche ; qu'au cours de l'intervention, qui s'est déroulée le 18 février 1999 en présence de MM. V et W, respectivement médecin anesthésiste et chirurgien-orthopédiste, M. YZ a présenté un état d'agitation suivi d'une dépression respiratoire puis d'un arrêt cardio-circulatoire dont il est demeuré des séquelles graves ; que le 26 septembre 2000, M. YZ a été placé sous un régime de protection ; que MM. V et W ayant vu leur responsabilité recherchée, le tribunal a considéré qu'ils avaient satisfait à leur obligation de prodiguer des soins conformes aux données acquises de la science et débouté Mme Z, ès qualités, sur ce point ; qu'en revanche, le tribunal a retenu un manquement de M. YV quant à l'obligation d'information qu'il aurait dû délivrer au patient sur les risques anesthésiques en allouant, de ce chef, certaines sommes évaluées forfaitairement ; que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;
Attendu que pour condamner M. YV à verser à Mme Z, ès qualités, certaines sommes évaluées forfaitairement, et la débouter de sa demande d'expertise aux fins de déterminer l'étendue des préjudices économiques, matériels et moraux soufferts en conséquence de la réalisation du risque anesthésique non signalé par M. YV, l'arrêt retient que la conséquence de ce manquement n'est pas d'ordre économique, ne concerne pas l'état de dérèglement mental grave de M. YZ, provoqué par les suites anesthésiques exemptes de toute faute, mais s'analyse en une perte de chance, dès lors que le patient a été privé ainsi que son épouse d'une discussion sur l'opportunité de l'intervention et sur les risques de la survenance d'événements graves ;
Qu'en statuant ainsi, sans évaluer, au préalable, le montant total des préjudices corporels, matériels et moraux subis, pour déterminer et évaluer la perte de chance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. YV à verser à Mme Z, en sa qualité d'administratrice légale des biens de son époux, la somme de 15 000 euros, celle de 7 500 euros en réparation de son préjudice personnel, celle de 7 500 euros en réparation du préjudice souffert par son fils mineur Pierre, et en ce qu'il a débouté Mme Z, ès qualités, de sa demande d'expertise aux fins de déterminer l'étendue des préjudices économiques, matériels et moraux, l'arrêt rendu le 11 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne M. YV aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. YV, le condamne à payer à Mme Z, ès qualités, la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille sept.