SOC.PRUD'HOMMESFB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 juin 2007
Rejet
M. TEXIER, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 1502 F D
Pourvoi n° Y 05-45.903
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Multi Contact France, société anonyme, dont le siège est Hésingue ,
contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2005 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant
1°/ à M. René Y, domicilié Waldighofen,
2°/ au syndicat CFDT de la métallurgie du Haut-Rhin, dont le siège est Mulhouse,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 mai 2007, où étaient présents M. Texier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Quenson, M. Gosselin, conseillers, M. Rovinski, conseiller référendaire, M. Mathon, avocat général, Mme Mantoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société Multi Contact France, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Y et du syndicat CFDT de la métallurgie du Haut-Rhin, les conclusions de M. Mathon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 novembre 2005), que M. Y a été embauché le 7 décembre 1992 par la société Multi Contact France, d'abord par un stage d'accès à l'emploi, puis, à compter du 1er mars 1993, en qualité d'"employé technico-commercial responsable achats-ventes puissance", au niveau III, coefficient 215 de la classification de la convention collective de l'industrie des métaux du Haut-Rhin ; que, le 1er mars 1997, il a été nommé, par avenant au contrat de travail, "responsable achats du service puissance" ; que, le 14 octobre 1998, il a été désigné délégué syndical CFDT ; que, le 15 avril 2002, avant d'être admis à faire valoir ses droits à la retraite, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à sa qualification, et à des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale ; que le syndicat CFDT de la métallurgie du Haut-Rhin s'est constitué partie à l'instance ;
Sur les deux premiers moyens réunis
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen
Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement, alors, selon le moyen
1°/ que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, faire état du principe d'égalité de traitement à propos du reclassement de M. Y et refuser de l'appliquer en ce qui concerne les réajustements opérés par la société Multi Contact France au profit de salariés placés dans la même situation que M. Y ; qu'elle a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ que M. Y a bénéficié d'une hausse totale de 36,65 % de sa rémunération au cours de sa carrière ; qu'il percevait un salaire plus fort que celui d'autres responsables se trouvant dans une situation équivalente à la sienne, ce qui excluait toute discrimination ; que la cour d'appel, en ne s'expliquant pas sur ces éléments déterminants, a violé, à ce titre encore, l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
3°/ que M. Y bénéficiait d'une rémunération supérieure au minimum garanti pour le niveau 285 qu'il revendiquait et qu'il ne pâtissait donc pas d'une mesure discriminatoire quelconque ; que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-45 du code du travail ;
4°/ que la société Multi Contact France a procédé en 2000 et 2001 à une réorganisation de l'ensemble de ses services ; que la cour d'appel a méconnu le pouvoir de direction de l'employeur de prendre des décisions de restructuration tendant à améliorer le bon fonctionnement de l'entreprise ; que la réorganisation n'a pas affecté les pouvoirs de M. Y qui dépendait toujours d'un chef de secteur et que la cour d'appel s'est contredite en se fondant, à propos du classement du salarié, sur ses pouvoirs reconnus pour acheter sous sa seule signature, manifestant une autonomie d'exécution, et en avançant ensuite qu'il était frappé d'une mesure discriminatoire ; qu'elle a violé les articles L. 122-45 du code du travail et 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve versés aux débats, a relevé que M. Y fournissait des éléments faisant présumer la discrimination et que la société n'avait pas rapporté la preuve inverse ; qu'elle a ainsi satisfait aux exigences de l'article L. 122-45 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les quatrième et cinquième moyens réunis
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement, alors, selon les moyens
1°/ que si les actes de harcèlement moral sont constitués par des abus répétés ayant eu pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail et de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel qui s'est bornée à faire état de propos tenus par le président du comité d'entreprise à l'égard de l'ensemble des salariés élus, n'a caractérisé aucun acte de harcèlement moral à l'encontre de M. Y personnellement, à l'occasion de son activité ou de son travail dans l'entreprise, qui lui soit préjudiciable ; qu'elle a violé les articles L. 120-4, L. 122-49 du code du travail et 455 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ que M. Y a saisi le conseil de prud'hommes d'Altkirch juste avant de prendre sa retraite en 2002 ; qu'il a été suivi durant toute son existence professionnelle sur le plan médical par son employeur, comme les autres salariés de l'entreprise, sans que le médecin du travail ait relevé une anomalie quelconque ; qu'en s'abstenant de toute recherche effective sur de prétendus troubles réactionnels générateurs d'un préjudice qu'elle a retenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 120-4 et L. 122-49 du code du travail et 455 du nouveau code de procédure civile ;
3°/ que la société Multi Contact a toujours fourni les explications utiles à l'inspection du travail qui n'a retenu aucune infraction à son encontre ; que la cour d'appel, en se référant à des rappels de cette inspection du travail n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 120-4 et L. 122-45 du code du travail ;
4°/ que la cour d'appel ne pouvait s'appuyer sur le procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise en 1997 pour retenir une entrave à l'exercice du droit syndical, M. Y n'ayant été désigné comme délégué qu'en octobre 1998 ; qu'elle a violé, en statuant par des motifs erronés, les articles L. 120-4 et L. 122-45 du code du travail ;
5°/ que la direction de la société Multi Contact France s'est contentée, au cours de la réunion du 29 avril 1999, de rappeler que les heures de délégation ne pouvaient être utilisées que pour des activités se rapportant à la mission des délégués syndicaux ; que ce rappel de règles légales ne pouvait constituer une entrave et que la cour d'appel n'a pas tiré des éléments soumis à son appréciation les conséquences qu'ils devaient comporter ; qu'elle a violé, de ce nouveau chef, les articles L. 120-4, L. 122-45 du code du travail et 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, que le salarié avait subi des actes de harcèlement moral de la part de son employeur et a fixé le montant des dommages-intérêts dus en réparation de son préjudice, peu important que l'inspection du travail n'ait pas retenu d'infraction à l'encontre de la société ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Multi Contact France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y et au syndicat CFDT de la métallurgie du Haut-Rhin la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille sept.