Cass. civ. 1, 31-05-2007, n° 03-19.365, FS-D, Rejet



CIV. 1                CH.B

COUR DE CASSATION

Audience publique du 31 mai 2007

Rejet

M. BARGUE, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 692 FS D

Pourvoi n° M 03-19.365

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par

1°/ M. Hammou Z,

2°/ Mme Ittou YZ, épouse YZ,

domiciliés Auxerre, pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'administrateur légal de leur fille mineure Maryame,

contre l'arrêt rendu le 19 juin 2003 par la cour d'appel de Paris (1re chambre - section B), dans le litige les opposant

1°/ à M. Assad X, domicilié Auxerre,

2°/ à la caisse chirurgicale mutuelle de l'Yonne (CCMY) devenue la société Releya, dont le siège est Auxerre,

défendeurs à la cassation ;

EN PRÉSENCE DE

- la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Yonne, dont le service juridique est Auxerre , Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 mai 2007, où étaient présents M. Bargue, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Lafargue, conseiller référendaire rapporteur, M. Gridel, Mme Crédeville, MM. Charruault, Gallet, Mme Marais, M. Taÿ, conseillers, Mme Cassuto-Teytaud, M. Trassoudaine, Mme Gelbard-Le Dauphin, M. Creton, Mme Richard, M. Jessel, conseillers référendaires, M. Sarcelet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lafargue, conseiller référendaire, les observations de Me Blondel, avocat des époux Z, ès qualités, de Me Le Prado, avocat de M. X, les conclusions de M. Sarcelet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Z, suivie au titre de sa grossesse par M. X, médecin, à partir du 27 août 1997, devait accoucher le 18 mars 1998 ; que compte tenu des résultats d'une échographie de contrôle pratiquée le 12 janvier 1998 laissant supposer un poids élevé du foetus et de l'hypertension artérielle de Mme Z, il avait été convenu d'une naissance par césarienne ; mais que Mme Z s'étant présentée à la clinique le 16 février 1998 au matin en ressentant les premières contractions, et après une échographie pratiquée à 11h45, M. X a pris la décision d'accoucher Mme Z par les voies naturelles, sans l'accord de la patiente sur l'abandon du recours à la césarienne initialement prévue ; que l'enfant est né à 13h50, au terme d'un accouchement compliqué par une dystocie des épaules ; qu'il était peu après constaté que l'enfant était atteinte d'une paralysie du plexus brachial droit, aggravée d'une paralysie du nerf phrénique droit ; qu'imputant au médecin les graves séquelles dont l'enfant était atteinte, M. et Mme Z ont recherché sa responsabilité ; que l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 19 juin 2003) a débouté M. et Mme Z, agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités d'administrateurs légaux de leur fille mineure, de toutes leurs demandes ;

Sur les premier et troisième moyens réunis

Attendu que M. et Mme Z font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes de réparation, et d'avoir rejeté la demande de la CPAM de l'Yonne tendant au remboursement des débours, alors, selon le moyen

1°/ que le médecin doit respecter la volonté de son patient ; qu'aussi bien, lorsque le médecin et son patient sont préalablement convenus d'un mode opératoire donné, le médecin commet une faute s'il opte finalement en faveur d'une autre technique, sans avoir à nouveau recueilli le consentement libre et éclairé de l'intéressé, et ce quand bien même la technique finalement retenue serait conforme aux données acquises de la science médicale ; qu'en estimant que la décision unilatérale de pratiquer un accouchement par la voie naturelle, aux lieu et place de la césarienne préalablement convenue avec Mme Z, ne pouvait être imputée à faute à M. X, la cour d'appel a violé les articles 16-3, 1134 et 1147 du code civil ;

2°/ que le lien de cause à effet entre la faute ainsi caractérisée et le préjudice dont il est sollicité réparation est nécessairement établi dès l'instant que le dommage ne se serait pas réalisé si le praticien avait respecté la volonté exprimé par son patient ; qu'en estimant que la paralysie du plexus brachial et du nerf phrénique n'était pas liée à une faute de M. X, sans rechercher si, comme l'avait admis l'expert judiciaire, il n'était pas "évident qu'une naissance par césarienne aurait évité à Maryame les très graves préjudices dont elle souffre aujourd'hui", la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;

Et attendu que M. et Mme Z font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes de réparation, et d'avoir rejeté la demande de la CPAM de l'Yonne tendant au remboursement des débours, alors, selon le moyen

1°/ que dès lors que l'atteinte subie résulte de la réalisation même du risque dont le patient aurait dû être informé, le lien de cause à effet entre le défaut d'information et la perte d'une chance d'éviter cette atteinte est certain et le médecin qui a privé son patient de la possibilité de donner un consentement libre et éclairé ne peut s'exonérer en se retranchant derrière le fait que le traitement pouvait être regardé comme médicalement justifié ; qu'en statuant comme elle le fait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'il est constant que Mme Z avait donné son consentement pour qu'une césarienne soit pratiquée, ce qui postulait qu'elle avait accepté les risques inhérents à une telle intervention ; qu'en estimant qu'une information complète de Mme Z sur les risques d'une césarienne et d'un accouchement par voie basse ne lui auraient pas offert les arguments d'un choix autre que celui retenu par M. X, la cour d'appel a méconnu ses propres constatations et violé, ce faisant, l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'à supposer que le choix d'un accouchement par voie basse ait finalement été préférable à une césarienne, les juges ont à tout le moins admis que 3diverses stratégies apparaissaient possibles dans la situation de l'espèce" ; qu'à cet égard également, la cour d'appel ne pouvait nier le lien de cause à effet entre le défaut d'information et la perte d'une chance de voir pratiquer la césarienne qui aurait permis à l'enfant Maryame d'éviter un handicap, sauf à violer de nouveau l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que l'information complète de Mme Z ne lui aurait pas offert les arguments d'un choix autre que celui retenu par M. X ; qu'elle en a exactement déduit qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les manquements allégués par M. et Mme Z et les préjudices subis par ceux-ci ;

Et sur le second moyen

Et attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux Z aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille sept.