R.G ; 05/03682
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE 1 CABINET 1
ARRÊT DU 17 JANVIER 2007
DÉCISION DÉFÉRÉE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 28 janvier 2005
APPELANTS
Madame Bernadette Z épouse Z
représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent BEUX-PRERE, avocat au Barreau de ROUEN
Madame Laure Z épouse Z
représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent BEUX-PRERE, avocat au Barreau de ROUEN
Madame Céline Z
représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent BEUX-PRERE, avocat au Barreau de ROUEN
D R(x-i-s)
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e c-
INTIMÉS
ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG venant aux droits de
l'Établissement de Transfusion Sanguine et de Génétique Humaine de Haute Normandie
PARIS
représenté par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour assisté de Me Emmanuel VERILHAC, avocat au Barreau de ROUEN
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S.A. AZUR ASSURANCES
CHARTRES
représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me CRESSEAUX, avocat au Barreau de PARIS
Monsieur J. ...
représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour
assisté de Me GUATIERI, avocat au Barreau de PARIS
U.C.M. DE HAUTE-NORMANDIE
LE HAVRE
n'ayant pas constitué avoué bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice délivré à personne habilitée en date du 4 janvier 2006
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, t'affaire a été plaidée et débattue à l'audience, du 20 novembre 2006 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHE, Président, rapporteur, en présence de Madame LE CARPENTIER, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de
Monsieur BOUCHÉ, Président
Monsieur PÉRIGNON, Conseiller
Madame LE CARPENTIER, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS
Jean Dufot
DÉBATS
A l'audience publique du 20 novembre 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2007
ARRÊT
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 17 janvier 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.
Le 24 novembre 1977, Jean-Pierre Z, âgé de 38 ans, a été victime d'un accident de chasse ;
Suivant jugement prononcé le 26 avril 1978 par le tribunal correctionnel de Soissons, J. ..., auteur du coup de feu, a été déclaré entièrement responsable des préjudices subis par la victime ;
Un arrêt de la cour d'appel d'Amiens en date du 22 juin 1982, puis un nouveau jugement du tribunal correctionnel de Soissons du 10 août 1.983 sont venus successivement confirmer cette décision et liquider l'indemnisation des préjudices de Jean-Pierre Z ;
À la suite de l'accident, Jean-Pierre Z a présenté une plaie de la cuisse gauche avec fracture complexe et multifragmentaire du fémur et atteinte artérielle ;
Hospitalisé le jour même à la clinique chirurgicale Saint-Christophe de Soissons, il y a subi deux interventions qui ont nécessité des transfusions sanguines, d'une part pour un parage associé à une esquillectomie et pour fermeture de l'artère fémorale, d'autre part pour exploration et extraction de corps étrangers ;
Transféré le 13 décembre 1977 à la clinique Bergouignan d'Evreux, il y a encore subi quatre interventions le 17 décembre 1977 pour reprise de la fracture déplacée, le 10 janvier 1978 pour ablation du fixateur externe, le 17 janvier pour ostéosynthèse par vis-plaque, le 29 avril pour greffe iliaque avec traitement d'une pseudarthrose ;
Il n'est pas contesté que la première et la quatrième de ces interventions ont nécessité des transfusions sanguines pré et post-opératoires ;
En avril 1979, Jean-Pierre Z a encore été hospitalisé pour l'ablation du matériel ; des transfusions ont été encore faites à l'occasion ;
En 1989, Jean-Pierre Z a été exclu des donneurs de sang en raison d'anomalies constatées sur les tests hépatiques de surveillance ; du fait d'une dégradation de son état de santé sous forme de grande fatigue et d'une atteinte hépatique persistante depuis 1987, sur prescription du docteur ..., son médecin traitant, il a subi le 28 mars 1989 une biopsie hépatique dont les résultats analytiques n'ont pas permis de trancher entre une étiologie virale non A non B ( l'identification de l'hépatite C n'existait pas à l'époque) ;
Pour la première fois en septembre 1994, le diagnostic d'une hépatite C a été porté, puis confirmé ;
Le malade a alors été soigné à l'Interferon et à la Ribovarine courant 1996 et 1997, traitement qui a entraîné une intolérance psychiatrique avec syndrome confusionnel ;
Saisi d'une assignation délivrée par le malade le 10 octobre 1997 à l'encontre de l'Établissement de Transfusion Sanguine et de Génétique Humaine de Haute-Normandie, et suite à l'extension de la procédure à la requête de celui-ci à l'Établissement de Transfusion Sanguine de l'Est-Picardie, au Groupe AZUR son assureur et à J. ..., par ordonnance du 4 février 1998, le juge des référés d'Evreux a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au professeur P. ... ;
L'expert a déposé son rapport le 24 mai 1999 ;
Le 25 janvier 2001, Jean-Pierre Z a mis fin à ses jours ;
Par actes d'huissiers des 11 et 19 mars 2003, maître M. ..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de feu Jean-Pierre Z, B. ..., veuve de celui-ci, et ses filles Laure et Céline V ont assigné en responsabilité et en dommages et intérêts l'Établissement Français du Sang et l'Union des Caisses Maladie - UCM - de Haute-Normandie ;
Les 1" et 8 avril 2003, l'Établissement Français du Sang, venant aux droits de l'Établissement de Transfusion Sanguine et de Génétique Humaine de Haute- Normandie a évoqué en l'espèce l'existence possible de facteurs de contamination autres que l'administration de produits sanguins et a contesté en conséquence la pertinence de la présomption édictée par la loi d'imputabilité de l'hépatite à ces transfusions ;
Elle a subsidiairement sollicité une mesure d'expertise complémentaire et a appelé en garantie ie Groupe AZUR, assureur du CDTS d'Evreux et J. ... ;
Suivant jugement du 28 janvier 2005, le tribunal de grande instance d'Evreux a débouté maître ..., ès qualités, et les consorts V de toutes leurs demandes et a déclaré sa décision opposable à la caisse d'assurance maladie régionale de Haute-Normandie ;
Maître ..., ès qualités, et les consorts V ont relevé appel de ce jugement ;
Après radiation de leur recours le 29 juin 2005 en application de l'article 915 du code de procédure civile, seuls les consorts V ont fait réinscrire leur appel au rôle de la cour par conclusions du 22 septembre 2005 ;
Par ordonnance du 16 novembre 2005, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'appel de maître ..., ès qualités.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 19 octobre 2006, Bernadette V veuve V, Laure V épouse V et Céline V - les consorts V - demandent à la cour, sur le fondement des articles 1382, 1383, 1166, 1147, 1384 alinéa 1" et 1153-1 du code civil et de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, par réformation de la décision critiquée, de
- déclarer l'Établissement Français du Sang responsable de la contamination de Jean-Pierre V par le virus de l'hépatite C,
- le condamner à leur verser la somme de 54 600 euros au titre de la réparation du préjudice personnel de Jean-Pierre V, Le condamner à payer au titre de leurs préjudices personnels
* à Bernadette V la somme de 40 000 euros,
* à Laure V la somme de 17 622 euros,
* à Céline V la somme de 17 622 E,
- le condamner à leur verser 5 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile et à supporter la charge de tous les dépens de première instance et d'appel et les frais de l'expertise ;
Subsidiairement, les appelantes s'associent à la proposition de l'Établissement Français du Sang d'ordonner une mesure complémentaire d'expertise.
Dans ses dernières écritures du 16 novembre 2006, l'Établissement Français du Sang - venant aux droits de 1 'Établissement de Transfusion Sanguine et de Génétique Humaine de Haute-Normandie - demande à la cour le rejet des prétentions des appelantes, subsidiairement s'en rapporte à justice sur l'opportunité d'un complément d'expertise dont il suggère l'objectif rechercher les facteurs de contamination en enquêtant auprès de plusieurs des praticiens qui ont connu Jean-Pierre V avant et depuis l'accident et rechercher les causes et les conséquences de l'affection psychiatrique du malade ;
Très subsidiairement, le concluant demande une réduction considérable des indemnités réclamées et, par rattachement de la contamination aux années 1977-19781979, la garantie entière et in solidum du Groupe AZUR, assureur du CDTS d'Evreux et de J. ... et leur condamnation à 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société AZUR Assurances,ancien assureur du Centre de Transfusion Sanguine d'Evreux - CDTS - conclut le 16 novembre 2006 à la confirmation du jugement déféré, à défaut à l'attribution directe et exclusive de la contamination de Jean-Pierre V à l'accident de chasse dont J. ... a été déclaré responsable et à sa garantie totale des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle ;
Très subsidiairement, la concluante demande à la cour de lui donner acte de la limitation de sa garantie à 2 500 000 francs par année d'assurance, de dire que le fait générateur du sinistre oblige à rattacher la contamination aux années 1978-1979 et de limiter sa condamnation à garantir l'Établissement Français du Sang venant aux droits du CDTS d'Evreux aux 3/4 de celles prononcées, dans les limites sus-visées.
jean-Jules SIMON, dans ses conclusions du 8 novembre 2006, demande à la cour de constater le désistement de maître ..., ès qualités, et, à titre principal par confirmation de la décision entreprise, de dire qu'il n'est pas établi que la contamination par le VIIC est imputable aux transfusions sanguines consécutives à l'accident de chasse et que les montants d'indemnisation réclamés par les consorts V ne sont pas justifiés ;
Subsidiairement, le concluant demande une réduction substantielle des indemnités et la condamnation de l'Établissement Français du Sang et de la compagnie AZUR, chacun, à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'UCM de Haute Normandie, appelée Caisse Maladie Régionale des artisans et commerçantes de Haute-Normandie - CMR - assignée à personne habilitée le 4 janvier 2006 à la requête des consorts V, comme en première instance, n'a pas organisé sa représentation ;
Par lettre reçue au greffe le 19 janvier 2006, la CMR a transmis sa demande, fondée sur les articles L 376-1 et R 376-1 du code de la sécurité sociale et confirmée le 19 mai suivant de condamnation de l'Établissement Françaiis du Sang à lui rembourser le coût des prestations qu'elle a versées à Jean-Pierre V à la suite de l'accident du 24 novembre 1977, cette condamnation étant provisoirement fixée à 1 euros.
Une telle prétention ne peut être prise en considération, les parties qui forment une demande étant tenues de constituer avoué en vertu de l'article 899 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt est donc réputé contradictoire, par application de l'article 473 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR,
Sur l'origine de la contamination L'article 102 de la loi du 4 mars 2002 dispose ;
"En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable" ;
Le professeur ... a énuméré en ternies généraux et statistiques les différents modes de contamination par le VHC connus en 1999 à l'époque de son expertise, et a fait pratiquer des enquêtes transfusionnelles tant à Soissons qu'à Evreux qui n'ont pas permis de retrouver tous les donneurs, étant souligné que ceux identifiés ne présentaient pas de positivité pour le virus ;
Pour débouter les consorts V de leurs demandes, le tribunal, se fondant sur les dispositions légales, a jugé que, s'il appartient au CDTS dont la responsabilité est recherchée de prouver que les produits sanguins sont exempts de vices, il revient préalablement aux demandeurs, non seulement de faire état d'une éventualité de contamination à l'occasion de transfusions de sang, mais d'apporter un faisceau d'éléments, graves, précis et concordants, conférant à cette hypothèse un degré suffisamment élevé de vraisemblance, compte tenu de toutes les données disponibles ;
Eu égard notamment aux nombreuses hospitalisations et interventions chirurgicales subies par Jean-Pierre V à la suite de l'accident de 1977, P Établissement Français du Sang et la compagnie AZUR soulinent l'insuffisante pertinence des quelques éléments médicaux apportés par les consorts V et émettent l'hypothèse d'autres facteurs de contamination ;
Ils s'emparent en outre de la relative brièveté du rapport d'expertise et de la remarque du professeur ... qui, à la question 11, répond "Il est à noter que nous sommes dans l'incapacité de prouver la contamination directe par l'absence de donneurs séropositifs sur les contrôle", pour estimer que la juridiction n'est pas suffisamment informée et doit ordonner un complément d'expertise, comme l'article 102 sus-visé le permet ;
Or, depuis 2002, il est de principe que l'Établissement Français du Sang dont la responsabilité est recherchée doit prouver que les produits fournis sont exempts de vice ; l'incapacité exprimée par l'expert en 1999 de prouver positivement la contamination transfusionnelle est sans incidence sur l'actuelle solution du litige, dès lors qu'à l'époque de son expertise, la loi du 2 mars 2002 n'existait pas, qui a institué une présomption favorable au malade ;
Cette preuve n'est pas faite, puisque plusieurs culots sanguins administrés à Jean-Pierre V n'ont pu être identifiés ou analysés ; plane donc un risque ou un "doute" de portage du virus qui profite au malade ;
En présence de ce doute objectif, le tribunal a commis une erreur de droit et inversé la charge de la preuve ;
Il n'appartient pas en effet aux consorts V de justifier que la contamination provient des transfusions, mais à 1 'Établissement Français du Sang de prouver que les produits sanguins administrés ne sont pas à l'origine de la contamination ;
Les ayants-droit se situant ainsi en position de défense à la preuve, il revient seulement à la juridiction d'apprécier les éléments qu'ils produisent en cette défense aux hypothèses émises par l'Établissement Français du Sang ;
À la question de savoir si le VHC peut être rattaché à une autre cause, le professeur ... a répondu, après analyses cliniques et biologiques, qu'on ne trouve pas chez Jean-Pierre V d'autre cause pouvant expliquer cette symptomatologie, étant souligné que la consommation alcoolique a toujours été modérée, bien qu'une allusion, dont la formule reste hypothétique et donc sans portée au même titre que l'obésité ou le diabète, y ait été faite par le professeur C. ... dans une lettre à un confrère écrite le 30 mars 1989 et confirmée à l'expert ... en 1999 sous forme de référence à son ancien courrier ;
L'expert a par ailleurs énuméré, mais écarté en l'espèce, d'autres facteurs de contaminations après en avoir fait l'énumération ;
S'agissant de l'hypothèse d'infection nosocomiale, qui n'est pas négligeable compte tenu de la multiplicité des hospitalisations du malade, contrairement aux actuels propos de l'Établissement Français du Sang, l'expert ne l'a pas occultée, puisqu'il l'intègre parmi les causes possibles de contamination ;
Des documents médicaux produits aux débats par les consorts V, il ne ressort jamais la moindre référence à une infection contractée en milieu hospitalier ;
C'est encore par une inexacte interprétation de l'article 102 sus-énoncé que les premiers juges ont reproché à l'expert et aux consorts V, de n'avoir pas répondu à la question relative à l'état de santé du blessé antérieurement à l'accident de chasse de 1977 ;
Bien au contraire, le professeur ..., qui n'avait pas besoin d'en faire des commentaires, y a clairement apporté la réponse suivante "sans objet", après s'être livré à un interrogatoire du patient, qui n'avait fait l'objet d'aucun tatouage ni traitement d'acuponcture, de mésothérapie ou d'endoscopie digestive avec biopsie, qui ne s'adonnait pas aux stupéfiants et qui n'avait pas séjourné à l'étranger en zone endémique ;
Il avait d'autant moins à faire des recherches complémentaires sur cet état, qu'à l'âge de 37 ans, Jean-Pierre V avait une vie active et que, selon l'attestation délivrée le 3 octobre 2006 par le docteur ..., médecin traitant de la famille nouvellement en retraite, il était de robuste constitution au point de ne pas réclamer de soins ;
Exiger la preuve de l'absence de soins particuliers avant 1977 revient encore à imposer aux consorts V une preuve négative qui ne mérite pas qu'on s'y arrête ;
Et PEtablissernent Français du Sang d'ajouter, comble de l'exigence, "que la bonne santé ne correspond à aucune référence médicale connue t" ;
Les consorts V ont toutefois tenu à compléter l'information de la cour, en sus du certificat du docteur ... sus-visé, en produisant aux débats un certificat du docteur ..., médecin traitant, qui, le 13 octobre 2006, atteste qu'avant l'accident, son patient n'était atteint d'aucune pathologie psychique ( ce qui émane déjà de la lettre entre confrères adressée par le docteur ... le 13 décembre 1977 peu après l'accident ), ni de diabète, ni de surpoids, et ne présentait pas de signe d'éthylisme ;
Ces attestations confirment les renseignements médicaux fournis par le docteur ... en mai 1995, qui, après avoir soumis son patient à une abstinence en matière d'alcool, a conclu à l'origine post-transfusionnelle de l'hépatite C ;
Ainsi, au-delà de l'exigence de preuve en défense qui incombe aux consorts V, la présomption de contamination transfusionnelle n'est pas détruite, aucun élément n'est de nature à remettre en cause la conclusion du professeur ... de l'absence d'autre facteur de risque que les transfusions sanguines et la nécessité d'une nouvelle expertise n'est pas démontrée ;
Enfm, dès lors que l'Établissement Français du Sang venant aux droits de l'Établissement de transfusion sanguine et de génétique humaine de Haute-Normandie assuré par la compagnie AZUR, n'est pas davantage que le CDTS de Soissons en mesure de justifier de la bonne qualité des produits qu'il a livrés et administrés, la distinction opérée entre les origines des produits est sans portée sur ta présomption légale de responsabilité qui leur incombe indifféremment et cumulativement sans proportion possible ;
L'indemnisation des consorts V par l'Établissement Français du Sang s'impose, dans les limites cependant de la police d'assurance en ce qui concerne la compagnie ;
Sur les préjudices
Jean-Pierre V est décédé le 21 janvier 2001 ;
Par voie successorale, les appelants sont recevables et fondés à solliciter la réparation de son préjudice personnel ;
L'expert a chiffré les préjudices personnels de la manière suivante
- incapacité permanente partielle entre 30 et 40%, étant précisé que le patient n'a jamais vu son état stabilisé, compte tenu des troubles dont il a souffert;
Il n'est rien demandé à ce titre, étant précisé que les organismes sociaux ne sont pas dans la procédure ;
- pretium doloris 1/7, représenté essentiellement par la souffrance provoquée par les multiples biopsies dont Jean-Pierre V a fait l'objet ;
cette appréciation, même sous-estimée par l'expert, n'est pas contestée par les parties et conduit les ayants-droit à réclamer au nom du défunt 4 600 euros ; l'EFS n'offre subsidiairement qu'une somme de 1 000 euros ;
Sans confondre l'origine des souffrances endurées, blessures ou hépatite, et eu égard aux biopsies pratiquées à plusieurs reprises et à l'inconfort des traitements appliqués jusqu'à leur complet rejet à résonnance psychiatrique, les appelants font preuve d'une modération qui justifie pleinement la somme demandée ;
- préjudices d'agrément et moral qualifié d'important par l'expert ils se sont manifestés par des démangeaisons d'intolérance aux traitements médicamenteux, une insomnie persistante, et surtout des douleurs articulaires, une impotence fonctionnelle, une abstinence sexuelle, une grande fatigue, un comportement dépressif et des mesures d'hygiène permanentes concernant les objets de la vie courante, autant de perturbations qui ont empêché Jean-Pierre V de mener une vie professionnelle, relationnelle, familiale et conjugale normale et l'ont conduit au suicide ;
Les consorts V, ès qualités, réclament une indemnité de 50 000 euros qui, eu égard à l'âge où sont apparus les symptômes du VHC, même non dénommé, à partir de 1987 et aux handicaps sus-énoncés, sera fixée par la cour à 25 000 ;
Bernadette V veuve V, née en 1941, demande que lui soient allouées deux sommes de 20 000 euros, l'une pour les difficultés relationnelles très graves qu'elle a vécues en raison du comportement violent et renfermé de son mari - coups reçus, refuge réclamé parfois pendant plusieurs semaines chez des amis pour protéger son intégrité, l'autre pour sa disparition brutale ;
Elle produit de très nombreux témoignages tant médicaux qu'amicaux qui signalent que, même gravement blessé, Jean-Pierre V n'est devenu pathologiquement perturbé et perturbateur qu 'àcompter des années 1988-1989, c'est-à-dire quand, rétroactivement, le corps médical a pu diagnostiquer chez lui et nommer l'hépatite C;
B. ... recevra, tous préjudices moraux confondus, une indemnité de 25 000 euros ;
Laure V et Céline V respectivement nées en 1962 et 1971, ont à de nombreuses reprises eu à subir le caractère pathologique de leur père insultes, menaces, violences..., et n'ont connu chez lui un comportement normal de père que durant partie de leur jeunesse ;
Elles l'ont finalement perdu brutalement sans avoir reçu l'apaisement nécessaire à leur sérénité ;
Leur préjudice moral, chiffré pa r elles aux sommes cumulées de 10 000 euros et de 7 622 euros, sera indemnisé par une somme globale de 12 (X)0 e ;
Sur le recours de l'EFS contre la compagnie AZUR
Ainsi qu'il a été jugé ci-dessus, il importe peu que la compagnie AZUR ne soit pas l'assureur du CDTS de Soissons, dès lors qu'aucun des deux centres, Soissons ni Evreux, ne prouve que les produits sanguins administrés étaient sains;
Tout partage avec le Centre de Soissons dans les termes de 1/4 - 3/4 suggérés par la compagnie AZUR est arbitraire par nature et n'est pas envisageable ; chacun doit indifféremment et solidairement répondre de la présomption de sa responsabilité à l'égard du malade transfusé et de ses proches ;
Au demeurant, ni I 'Établissement Français du Sang, qui au plan national vient désormais aux droits des différents centres, ni la compagnie AZUR n'ont cru devoir appeler en cause le Centre de Soissons ;
Les parties s'accordent subsidiairement sur la limitation de la garantie de la compagnie, en fonction de la police qui les lie, à 2 500 000 francs par année et quelque soit le nombre de sinistres ; l'année de rattachement doit être fixée à 1978;
L'Établissement Français du Sang entend préciser à bon droit que, s'agissant des intérêts, dès lors que le retard dans le paiement des indemnités d'assurance entraîne des intérêts moratoires à la charge de l'assureur, celui-ci peut avoir à verser une somme supérieure aux indemnités ; il ne peut pour autant échapper au paiement de ces intérêts, quelque soit le plafond contractuel de garantie qui n'est pas opposable aux tiers bénéficiaires ;
Les intérêts ne rentrent donc pas dans l'assiette de garantie ;
Il en est de même des indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
Sur le recours à l'encontre de J. ...
L'Établissement Français du Sang et la compagnie AZUR demandent à être garantis par le responsable de l'accident de 1977 de toutes les condamnations prononcées à leur encontre ;
C'est en effet l'accident de chasse qui constitue la cause première et directe de transfusions sanguines rendues nécessaires par cet accident ;
J. ..., qui ne le conteste pas, doit dès lors répondre de toutes les conséquences dommageables, dont la contamination par le VHC ;
Les moyens de défense principalement invoqués parJean-Jules SIMON portant sur l'incertitude de l'origine de la contamination et ceux subsidiairement tirés de l'excès des montants d'indemnisation réclamés par les consorts ...7.1CONACCI étant les mêmes que ceux de I 'EFS et de l'assureur, il n'est pas nécessaire d'y répondre à nouveau ;
L'équité commande que les consorts V, injustement déboutés de leurs actions par le tribunal, reçoivent de l'Établissement Français du Sang l'indemnité de procédure qu'ils chiffrent à 5 000 euros pour faire face aux frais hors dépens qu'ils ont dû exposer tant devant l'expert qu'en première instance et devant la cour ;
L'EFS sera garanti par la compagnie AZUR et par J. ... de cette condamnation ;
La même équité commande que cet assureur soit lui-même garanti par J. ... de l'indemnité qu'il aura supportée au titre des frais irrépétibles exposés par l'EFS ;
PAR CES MOTIFS,
Infirmant le jugement du 28 janvier 2005 et statuant à nouveau,
Déclare l'Établissement Français du Sang responsable de la contamination de Jean-Pierre V par le virus de l'hépatite C ;
Condamne l'Établissement Français du Sang à payer en réparation de leurs préjudices en résultant
- aux ()misons Z, pris en qualité d'ayants-droit de Jean-Pierre V, la somme de 29 600 euros,
- à Bernadette V veuve V la somme de 25 000 euros,
- à Laure V épouse V la somme de 12 000 euros,
- à Céline V la somme de 12 000 euros ;
Condamne l'Établissement Français du Sang à verser à l'ensemble des consorts V une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la compagnie AZUR Assurances, ceci dans !es limites du plafond de garantie pour l'année 1978, et J. ... à garantir l'Établissement Français du Sang de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
Précise que le plafond contractuel de garantie de la compagnie ne s'applique pas aux intérêts de retard, aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Accorde à la compagnie AZUR Assurances recours et garantie contre J. ... de toutes les sommes qu'elle aura supportées ;
Condamne l'Établissement Français du Sang aux dépens exposés ou avancés par les consorts V tant pour l'expertise que devant le tribunal de grande instance et devant la cour ;
Accorde à l'Établissement Français du Sang recours et garantie contre la compagnie AZUR Assurances et contre J. ... de la condamnation aux dépens ;
C. J. ... à garantir la compagnie AZUR Assurances de la charge des dépens ;
Admet dans ces limites les sociétés civiles professionnelles d'avoués GREFF & PEUGNIEZ, et HAMEL-FAGOO-DUROY, ainsi que maître M.C. COUPPEY, avoué, au bénéfice du recouvrement direct dans les conditions définies par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT