t,COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 100 Chambre
t,
ARRÊT AU FOND
DU 28 NOVEMBRE 2006
MAJB
N' 2006/60 6
Décision déférée à la Cour
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 18 2003 enregistré au répertoire général sous le n' 01/586.
Rôle N' 04/07440
APPELANTES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, Agissant
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en CAISSE PRIMAIRE cette qualité au siège sis Rue Emile 011ivier - ZUP de la Rode - 83082
D'ASSURANCE TOULON CEDEX MALADIE DU VAR représentée par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour, R. ... épouse MA1LFERT assistée de Me Philippe BORRA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Madame Renée Y épouse Y C/ née le ..... à TOULON (83000), demeurant
Eric X représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - AILIGIER, avoués à la Cour,
assistée de Me Henri GAS, avocat au barreau de TOULON
Grosse délivrée le
à ttouit"4.4,
INTIMÉ
Monsieur Eric X
né le ..... à PARIS, demeurant
représenté par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
assisté de Me Alexandra BOUCLON, avocat au barreau de TOULON
2jteG
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2006 en audience publique. Conformément à l'article 785 duNouveau Code de Procédure Civile, Mr ..., Conseillera fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de
Madame doelle SAUVAGE, Présidente
Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2006.
ABRe_
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2006,
Signé par Madame Joelle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la décision.
le**
MadameRenée/vIAILFERT a été opérée le 27 mars 1997 par le Docteur X pour un syndrome de la inversée thoraco-brachiale ; se plaignant de ne plus pouvoir se servir de sa main et de son bras gauche depuis P opération, elle a engagé une action en responsabilité contre le Docteur Erie X ;
Par jugement rendu le 18 décembre 20031e Tribunal de Grande Instance de TOULON a déclaré
q le jugement opposable à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR;
D le Docteur Eric X tenu à réparer le préjudice subi par Madame Renée Y à concurrence de 50 % de celui-ci ;
D fixé le préjudice de la victime comme suit
e frais médicaux
26
541,90
e FIT
26
995,00
4 IPP avec incidence professionnelle
63
000,00
4 pretium doloris
10
000,00
4 préjudice esthétique
000,00
4 préjudice d'agrément
000,00
4 préjudice moral
10
000,00
q condamné le défendeur à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR les sommes suivantes
- 26 545.90 + 13 345,41E =19 943,65 euros
2 en principal assorti des intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2001 ;
- 762,25 euros au titre de l'article 376-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
D condamné le défendeur à payer à Madame ..., sous déduction des provisions préalablement versées, les sommes suivantes
- 13 649,59 E+ 63 000 E+ 10000E+5000E+4000£+ 10000 eurosx 50%= 52.824,80 £
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
q prononcé l'exécution provisoire ;
q rejeté toute autre demande.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR et Madame Renée Y ont relevé appel de la décision respectivement le 15 mars 2004 et le 26 mars 2004.
Vu les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, appelante et intimée, déposées et notifiées le 4 juin 2004.
4 floc
Vu les conclusions récapitulatives de Madame Renée Y, appelante et intimée, déposées et notifiées le 21 août 2006.
Vu les conclusions du Docteur Eric X, intimé et appelant incident, déposées et notifiées le 22 octobre 2004.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 août 2006.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR appelante et intimée demande à la Cour
oe de réformer le jugement en ce qu'il a fait application du partage de responsabilité au recours de la Caisse ;
0.> de condamner le Docteur Eric X à lui payer la somme de 39 887,31 euros correspondant à l'intégralité des prestations exposées du chef de Madame R. ... suite à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie et ce avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2001 ;
a de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR la somme de 760 euros à titre d'indemnité forfaitaire.
Madame ... demande à la Cour
ea. de réformer la décision en ce qu'elle a fait application d'une réduction de son indemnisation ;
dg> de dire que le Docteur X est responsable de l'entier préjudice consécutif à l'opération du 27 mars 1997 ;
ste- d'évaluer le préjudice subi par Madame ... comme suit - préjudices soumis à recours
le frais médicaux, pharmaceutiques, hospitalisation
062,41 euros
./ frais futurs
22
479,49 euros
ü perte de revenus
26
995,00 euros
te gêne dans la vie courante
26
400,00 euros
ü IPP
91
470,00 f
ü préjudice professionnel
274
704,00 euros
te aide ménagère
274
te"AQQ1
Total
720
814,90
à déduire créance CPAM
- 39
887.31 e
680
927,59 euros
si Co6
- préjudices à caractère personnel
te pretium doloris
31 000,00
e préjudice esthétique
75 000,00
'et' préjudice d'agrément
31 000,00 euros
e préjudice moral
319.0.0.t
Total
168 000,00
® de condamner le Docteur X à lui payer la somme de 848 327,59 euros après déduction de la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR et 7 600 f au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame ... reprend à l'appui de son appel ses moyens
n quant aux fautes médicales du Docteur X dans la réalisation de l'acte chirurgicale et dans la rééducation prescrite avant l'opération ;
II quant au manquement du médecin à son obligation d'information et de conseil sur les risques de l'opération.
Le Docteur Eric X intimé et appelant incident demande à la Cour
dr d'infirmer la décision et de dire qu'il n'a commis aucune faute médicale et s parfaitement rempli son obligation d'information ;
0' de débouter Madame ... et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR de l'ensemble de leurs demandes ;
de de condamner Madame ... à payer au Docteur X la somme de 53.368,80 au titre du remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire du jugement du 18 décembre 2003 ;
el de condamner la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR à payer au Docteur X la somme de 19 943,35 euros au titre du remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire du jugement ;
de subsidiairement
- de fixer l'indemnisation de Madame ... à la somme de 15.244,90 ê ;
- de condamner Madame ... à payer au Docteur X la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que les conclusions du rapport de l'expert sérieusement documentées sur le déroulement de la phase pré-opératoire et post opératoire, sur les séquelles que l'expert relève et sur l'origine ces séquelles ne sont l'objet d'aucune critique des parties au procès ;
6/60G
Attendu qu'il est constant
· que Madame Renée Y se savait porteuse depuis 1976 d'une cote cervicale ;
e qu'elle a commencé en 1995 à éprouver une gêne à type de compression nerveuse dans le bras gauche au travail et dans les gestes de la vie courante ; qu'orientée vers le Docteur X, celui-ci a confirmé les 17 et 24 février 1997 au vu des examens pratiqués (clichés rachidiens, échodoppler vasculaire), l'existence d'un syndrome de la traversée dioraco brachiale gauche "incomplet intéressant le versant neuro artériel et non veineux" ;
r qu'il a proposé une rééducation de 3 mois et indiqué qu'en cas d'échec un traitement chirurgical sera nécessaire ;
que la patiente s'est résolu à l'opération en cours de rééducation en raison de l'aggravation de son état ;
n que l'intervention s'est déroulée le 27 mars 1997 ;
Pi> qu'a son réveil elle a observé une impotence complète du bras et de la main gauche ;
r que le Docteur X a conclu à la survenue d'une paralysie médico-cubitale avec atteinte puddle de la motricité des doigts et du poignet ;
n que le 28 mars 1997 le Docteur ... neurologue a constaté "une parésie totale des cinq doigts de la main gauche, relèvement du poignet gauche, prono-supination normale ;
le que l'électromyograrmne conclut "pas d'activités dans les muscles examinés, pas d'abduction volontaire, perte d'amplitude des potentiels moteurs du nerf médian, ondes F médian et cubital absentes et conclut sidération picrique ;
n que Madame ...1LFERT a quitté la clinique le 1" avril 1997 avec un traitement médical et une prescription de rééducation ; que le médecin du travail a fixé une date de consolidation au 5 juin 1999 ; qu'elle a été licenciée le 17 juin 1999 et la COTOREP lui a attribué une incapacité de 60 % pour une durée de 5 ans ;
Attendu que l'expert constate le jour de son examen qu'il existe un déficit fonctionnel complet de la main dû à une paralysie complète des nerfs cubital et médian à la main (main non fonctionnelle en griffe - syndrome douloureux irradié dans les doigts et la main-impotence fonctionnelle) ;
Attendu qu'il est établi enfin par l'expert que les séquelles relèvent d'une complication neurologique due à une atteinte et un traumatisme per-opératoire du plexus brachial qui est directement en relation avec le geste chirurgical.
Attendu que la critique de l'appelante quant au rejet par les premiers Juges de son argumentation sur la faute médicale du Docteur X ayant opéré Madame ... ne résiste pas à l'examen du rapport de l'expert qui sans être contredit relève
am que l'indication opératoire était justifiée, le but de l'opération étant de lever la compression des nerfs et des vaisseaux moteurs du membre inférieur et d'empêcher des complications telles que l'ischémie et l'amputation du membre ;
7/ Co6
e que si l'opération s'est déroulée avant le terme de la rééducation fonctionnelle celle-ci a été réclamée par la patiente en raison de l'échec de sa rééducation et pour des raisons personnelles liées à l'arrêt de travail ;
'me que le protocole opératoire a été conduit de manière consciencieuse selon les données actuelles de la science, en utilisant un matériel spécifique offrant toute sécurité ;
me que le chirurgien a utilisé des techniques permettant de limiter au maximum le risque de traumatisme des plexus nerveux ;
me qu'il n'est établi aucun geste de maladresse nonobstant les conditions anatomiques difficiles que le chirurgien déclare avoir rencontré ;
que l'intervention pratiquée comporte un risque inhérent de lésions nerveuses définitives sans que cela relève d'une faute du chirurgien.
Attendu que la critique de l'appelante sur la technique utilisée par le chirurgien ne résiste pas non plus à l'examen de l'étude américaine qu'elle invoque reprise par les premiers Juges relative à une autre technique opératoire du syndrome dela traversée thoraco brachiale (voie sus claviculaire) dès l'instant que rien n'établit que ce mode opératoire doit être utilisé dans tous les cas et que rien n'exclut la technique utilisée par le Docteur X qui apparaît, au demeurant, comme celle communément la plus utilisée ;
Attendu que par conséquent il ne peut être retenu aucune faute imputable au chirurgien ni dans la technique employée ni dans le geste chirurgical.
a- -te-
Attendu que la critique de I 'appelante quant au rejet par les premiers Juges de son moyen tiré du manquement du Docteur X dans la mise en oeuvre de la rééducation préalable qu'il a prescrit est fondée sur les conclusions de l'expert qui relève qu' "en présence d'une cote surnuméraire la rééducation fonctionnelle est inopérante voire même dangereuse" ;
Mais attendu que les premiers Juges ont écarté cette considération de l'expert en tenant compte que les auteurs du rapport américain invoqué par l'appelante révélaient au contraire l'importance de la mise en oeuvre d'une rééducation préalablement à toute intervention ;
Attendu que la Cour constate cette contradiction ; que si la Cour admet que seule l'indication opératoire était adaptée au syndrome que présentait Madame ..., il n'est pas établi que la rééducation prescrite préalablement a eu une incidence sur l'état de Madame ... ; qu'il n'est pas établi que les préjudices dont la patiente se plaint (restriction sévère de la fonction de préhension et disparition de la pince) sont en relation avec la rééducation prescrite qu'elle e suivie pendant un mois ou que l'aggravation de l'état dont elle s'est plainte au cours de cette période résulte de la rééducation ; que la prescription pré opératoire de rééducation ne constitue donc pas un manquement du Docteur X de nature à engager sa responsabilité ;
Attendu que s'agissant du respect du chirurgien de son obligation d'information, il résulte clairement du rapport de l'expert que la patiente a reçu une information complète sur les risques évolutifs de sa maladie en cas de non intervention et leur nature (risques vasculaires), sur le déroulement de l'opération envisagé et sur le fait qu'il s'agissait d'une intervention à risques ; que s'il n'apparaît pas douteux que la patiente n'a pas été informée sur les risques spécifiques de la complication neurologique telle qu'elle est apparue la Cour admet que ce risque constituait en 1997 selon l'expert un risque exceptionnel car à l'époque "cette complication était mal précisée etsafréguencenefaisait l'objet d'aucune statistique publiée" ;
Attendu que s'agissant d'un risque grave exceptionnel, même si la Cour admet que l'information doit porter sur tous les risques graves même s'ils sont exceptionnels et qu'en l'espèce le médecin chirurgien a omis d'informer la patiente au sujet de ce risque spécifique, il reste que l'examen de la période pré-opératoire, dont le déroulement est retracé par l'expert tel que visé ci-dessus, révèle que Madame ... éprouvait une importante gêne au niveau de son bras, souffrait, était en arrêt de travail et que compte tenu de son état a souhaité avancer la date de l'opération alors qu'elle était en cours de rééducation ; que rien ne permet de retenir que Madame ... aurait renoncé à l'intervention si elle avait été informée complètement du risque spécifique ; qu'elle ne peut donc pas se prévaloir d'une perte de chance indemnisable ;
Que Madame ... est déboutée de sa demande ; Que le jugement est donc infirmé de ce chef ;
Attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cours
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Déclare recevables l'appel de Madame Renée Y épouse Y et celui de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR et l'appel incident du Docteur Eric X.
- Infirme le jugement rendu le 18 octobre 2003 par le Tribunal de Grande Instance de TOULON en toute ses dispositions.
- Statuant à nouveau
- Déboute Madame Renée Y épouse Y de sa demande d'indemnisation formalisée à l'encontre du Docteur X.
- Déboute la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR de ses demandes.
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
- Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens dont distraction au profit des avoués qui le demandent.
*dame SAUVAGE PRÉSIDENTE
Magistrat réda e SAUVAGE
Madame -JA
GREFtii,ItE