Cass. civ. 1, 03-04-2007, n° 05-10.515, F-D, Rejet



CIV. 1                C.B.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 3 avril 2007

Rejet

M. ANCEL, président

Arrêt n° 486 F D

Pourvoi n° G 05-10.515

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par

1°/ M. Jean-Baptiste Z, domicilié La Celle Saint-Cloud, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure, Charlotte,

2°/ Mme Jeanne Y, épouse Y, domiciliée Evecquemont,

3°/ M. Frédéric X, domicilié Suresnes,

4°/ Mme Berthe Y, épouse Y, domiciliée Meulan,

5°/ M. Marc Y, domicilié Argenteuil,

6°/ Mme Danielle Y, épouse Y, domiciliée Magnanville,

7°/ M. Gilles Y, domicilié Puget Ville,

8°/ Mme Patricia W, épouse W, domiciliée Jean Vanves,

contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2004 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige les opposant

1°/ à la société Centre hospitalier privé du Montgardé, société anonyme dont le siège est Aubergenville
à M. Jean V, domicilié Les Mureaux,

3°/ à M. Jean-Marc T, ayant été domicilié Saint-Germain-en-Laye, et actuellement sans domicile connu,

4°/ à M. Yves S, domicilié Paris,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 mars 2007, où étaient présents M. Ancel, président, Mme Crédeville, conseiller rapporteur, M. Bargue, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Crédeville, conseiller, les observations de la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat de M. Z, des consorts Y, de M. X et de Mme ..., de Me Le Prado, avocat de la société Centre hospitalier privé du Montgardé et de M. S, de la SCP Richard, avocat de M. V, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, le 14 octobre 1987, Isabelle X est décédée après la naissance de sa fille ... au Centre hospitalier privé du Montgardé à Argenteuil ; que les trois expertises diligentées pour rechercher la cause de la mort ont établi que le décès était dû à une septicémie provoquée par la bactérie clostridium perfrigens ; que sa famille a engagé une action en responsabilité à l'encontre des trois médecins intervenus pour la soigner, MM. V, T et S ;

Sur le premier moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes de M. Z, agissant en son nom personnel, de Mme Jeanne X, de M. Frédéric X, de Mme Y, de MM. ... et Y Y, de Mme Danielle Y et de Mme Patricia W, alors, selon le moyen

1°/ que la demande des parents d'Isabelle X en vue de l'ouverture d'une information judiciaire pour rechercher les causes de la mort a un effet interruptif de la prescription et en décidant le contraire la cour d'appel a violé les articles 2242, 2244 et 2279-1 du code civil ;

2°/ qu'en ne recherchant pas si le délai de prescription n'avait pas couru seulement à compter du 9 novembre 1990, date du dépôt du rapport des professeurs Colau, Brucker et Vilde, ce délai ayant été suspendu du fait de l'impossibilité d'agir résultant de l'absence de connaissance des causes du décès et des intervenants qu'il y avait lieu de mettre en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2251 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a énoncé à bon droit que le point de départ de l'action introduite en application de l'article 2270-1 du code civil était la manifestation du dommage et, ayant constaté que les époux X avaient envisagé de se constituer partie civile dès le 16 octobre 1987, que les actes effectués au cours de l'instruction interrompent l'action publique mais non l'action civile laquelle a été mise en oeuvre en 1998 au moyen de l'assignation délivrée ; qu'elle en a déduit à bon droit que cette action était prescrite comme survenue plus de dix ans après le décès d'Isabelle X ; que le moyen ne peut qu'être rejeté ;

Et sur le second moyen

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté M. Z agissant ès qualités de représentant légal de sa fille mineure Charlotte de l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen

1°/ qu'en considérant qu'il ne pouvait "être affirmé contre les avis concordants des experts eux-mêmes que l'erreur de jugement médical commise dans la sous-estimation de la gravité des faits soit constitutive d'un manquement dans l'obligation de soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science", la cour d'appel a délégué ses pouvoirs aux experts en violation de l'article 238 du nouveau code de procédure civile ;

2°/ que la cour d'appel qui a constaté que les médecins considérés avaient commis une erreur de diagnostic et sous-estimé la gravité des faits, n'a pu exclure l'existence d'une faute imputable à ceux-ci sans violer les articles 1147 et 1382 du code civil ;

3°/ qu'en ne recherchant pas si les médecins considérés n'avaient pas commis une faute en s'abstenant, malgré l'aggravation rapide de l'état de santé d'Isabelle X que l'erreur de diagnostic commise par ceux-ci ne permettait pas de traiter efficacement, de transférer le patient dans un service de réanimation spécialisé, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1147 et 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait être affirmé, contre les avis concordants des experts eux-mêmes, que l'erreur de jugement médical commise dans la sous-estimation de la gravité des faits soit constitutive d'un manquement dans l'obligation de soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science et qu'une erreur de diagnostic n'est pas constitutive d'une faute lorsque le médecin qui n'est tenu que d'une obligation de moyens a agi conformément aux données acquises de la science ; que la cour d'appel, ayant constaté que les experts avaient relevé que l'infection était masquée et fulminante et que son évolution n'avait pas permis de poser le bon diagnostic à temps, en a déduit, à bon droit, que les praticiens n'avaient pas commis de faute en ne posant pas le diagnostic exact, ainsi qu'en l'absence constatée de lien de causalité certain entre le défaut de transfert d'Isabelle X dans une unité de réanimation et son décès ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille sept.