RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Grosses délivrées aux parties le
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section B
ARRÊT DU 22 DÉCEMBRE 2006
(n° 3B2,, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 06/04079
Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 11 avril 2001 par la cour d'appel de Reims (Chambre civile-1 ère section) sur appel d'un jugement rendu le 11 Septembre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE MÉZIÈRES - RG 552/97
DEMANDEUR à la SAISINE
et APPELANT
Monsieur Pol Z
demeurant
STRASBOURG
représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Maître Claude CHAUVET, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour
l'Association BURGOT-CHAUVET, toque R 1230
DÉFENDEURS à la SAISINE
et INTIMES
- Monsieur Franck Y
bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/019626 du 08/09/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS
- Madame Katia X agissant tant en leur nom personnel qu'ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Chloé X née le 11.01.1996
demeurant à ANNELLES
représentés par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour assistés de Maître Catherine LIEGEOIS, avocat au barreau des Ardennes
- La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES
CHARLEVILLE MÉZIÈRES
défaillante
- LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE
VERDUN
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2006, en audience publique, le rapport préalablement entendu conformément à l'article 785 du nouveau code de procédure civile, devant la Cour composée de
Michel ANQUETIL, Président
Michèle BRONGNIART, Conseiller
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats Régine TALABOULMA
ARRÊT
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé en audience publique par Michel ANQUETIL, Président
- signé par Michel ANQUETIL, président et par Régine TALABOULMA, greffière présente lors du prononcé.
Le 11 janvier 1996, Mme Katia X a donné naissance à une enfant présentant de graves malformations de la colonne vertébrale.
Le suivi de la grossesse Mme X avait été assuré par le Docteur Z, gynécologue-obstétricien, qui avait réalisé sept échographies.
Par jugement du 11 septembre 1998, le tribunal de grande instance de Charleville Mézières, a, au visa de l'ordonnance de référé du 9 mai 1996 et du rapport d'expertise des Professeurs ... et ...,
- dit que le Docteur Pol Z a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- déclaré le Docteur Pol Z entièrement responsable du préjudice subi tant par l'enfant Chloé que par ses parents, Mme Katia X et M. Franck François,
- ordonné, avant dire droit sur le préjudice de l'enfant, une expertise,
- condamné le Docteur Pol Z à payer à Mme Katia X et à M. Franck François, es qualités, 100.000 francs à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur le préjudice corporel de leur fille Chloé,
- condamné le Docteur Pol Z à payer à chacun d'eux 50.000 francs à valoir sur leur préjudice moral,
- ordonné l'exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné le Docteur Pol Z aux entiers dépens.
Par arrêt du 11 avril 2001, statuant sur l'appel interjeté par le Docteur Pol Z, la cour d'appel de Reims, a
- confirmé le jugement sur les fautes commises par le Docteur Pol Z et sur sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 à l'égard de M. Franck François,
- confirmé le jugement sur les fautes commises par le Docteur Pol Z à l'égard de Mme Katia X mais l'a réformé sur le fondement retenu et dit que la responsabilité du Docteur Pol Z à l'égard de Mme Katia X l'est sur le fondement de l'article 1147 du code civil,
- confirmé le jugement sur les indemnités provisionnelle allouées à Mme Katia X et
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à M. Franck François à valoir sur la réparation de leur préjudice moral et sur la mesure d'expertise ordonnée,
- infirmé le jugement en ce qui concerne la responsabilité du Docteur Pol Z à l'égard de l'enfant Chloé X, statuant à nouveau
- dit qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les fautes commises par le Docteur Pol Z et le préjudice subi par l'enfant,
- débouté Mme Katia X et M. Franck François de leurs demandes en paiement es qualité de représentant légaux de leur fille mineure, Chloé X, y ajoutant
avant dire droit sur le préjudice des parents
- ordonné la réouverture des débats et invité Mme Katia X et M. Franck François à évaluer définitivement leur préjudice,
- débouté la Mutualité sociale agricole de l'ensemble de ses demandes et dit qu'elle conservera à sa charge les dépens exposés par elle en cause d'appel, en réservant les dépens exposés par les autres parties.
Saisie d'un pourvoi par M. Franck François, Mme Katia X et Melle Chloé X représentée par ses parents, la Cour de Cassation a, par arrêt du 24 janvier 2006, cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X et M. François de leur demande en réparation du préjudice subi par l'enfant l'arrêt rendu le 11 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Reims, en relevant que si une personne peut être privée d'un droit de créance en responsabilité, c'est à la condition, selon l'article 1er du protocole n* 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, devenu l'article L 114-5 du Code de l'action sociale et des familles, en prohibant l'action de l'enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l'enfant tout au long de sa vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap, sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale quand Mine X et M. François pouvaient en l'état de la jurisprudence, applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur fille serait indemnisée au titre du préjudice résultant de son handicap et qu'en conséquence cette loi n'était pas applicable au litige.
Vu les conclusions du 25 juillet 2006 par lesquelles le Docteur Pol Z demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1382 du Code civil, des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du 6 octobre 2005, des arrêts de la cour de cassation du 24 janvier 2006 et du 13 juillet 2001, de
- dire qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité, en conséquence
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 septembre 1998 par le tribunal de grande instance de Charleville Mézières,
- débouter M. Franck François et Mme Katia X, agissant tant à titre personnel qu'es qualités de leur fille Chloé, de l'ensemble de leurs demandes, à titre subsidiaire
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Charleville Mézières en date du 11 septembre 1998 en ce qu'avant dire droit, il a ordonné une expertise médicale afin de déterminer les préjudices tant corporels que matériels subis par l'enfant Chloé X, - condamner les Consorts X aux dépens dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Vu les conclusions du 20 juillet 2006 par lesquelles M. Franck François et Mme Katia X, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fille, Melle Chloé X, demandent à la cour, au visa de l'arrêt de cassation partielle rendu le 24 janvier 2006 par la le' Chambre de la cour de cassation, de
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le Docteur Pol Z entièrement
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responsable du préjudice subi par l'enfant Chloé X,
- le confirmer en ce qu'il a alloué une provision de 100.000 francs soit 15.244,90 euros à valoir sur l'évaluation du préjudice personnel de Chloé et ordonner une expertise,
- condamner le Docteur Pol Z à leur verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du
même code.
Dans le corps de leurs écritures, M. Franck François et Mme Katia X font valoir que l'arrêt de Reims est définitif en ce qu'il a statué sur la faute du médecin et confirmé le jugement entrepris sur les indemnités provisionnelles qui leur ont été allouées à titre personnel de sorte que le Docteur Pol Z ne peut valablement demander à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et notamment sur sa responsabilité et ses conséquences à leur égard.
Par exploits du 20 juin 2006, la CPAM des Ardennes et la Mutualité sociale agricole ont été assignées par actes séparés délivrés à personne habilitée. Elles n'ont pas constitué avoué.
SUR CE, LA COUR,
se référant pour un plus ample exposé des faits, des moyens et prétentions des parties à la
décision entreprise et aux dernières conclusions échangées en appel ;
Considérant que comme le soutiennent Mme Katia X et M. Franck François, l'arrêt de la cour d'appel de Reims ayant été cassé et annulé seulement en ce qu'il les avait déboutés de leur demande en réparation du préjudice subi par leur enfant, l'affaire ne peut être à nouveau jugée que de ce chef à l'exclusion de ceux non atteints par la cassation ;
Qu'en conséquence, l'arrêt de la cour d'appel de Reims est définitif en ce qu'il a
- confirmé le jugement rendu le 11 septembre 1998 par le tribunal de grande instance de Charleville Mézières sur les fautes commises par le Docteur Pol Z et sur sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 à l'égard de M. Franck François,
- confirmé le jugement sur les fautes commises par le Docteur Pol Z à l'égard de Mme Katia X mais l'a réformé sur le fondement retenu et dit que la responsabilité du Docteur Pol Z à l'égard de Mme Katia X l'est sur le fondement de l'article 1147 du code civil,
- confirmé le jugement sur les indemnités provisionnelle allouées à Mme Katia X et à M. Franck François à valoir sur la réparation de leur préjudice moral ;
Considérant que le Docteur Pol Z soutient que le défaut de diagnostic qui lui est reproché n'est pas à l'origine des malformations qui affectent Chloé X, lesquelles sont génétiques et pré-existent aux échographies qu'il a pratiquées ; mais considérant qu'il a définitivement été jugé que les fautes commises par le Docteur Pol Z dans l'exécution de son contrat avec Mme Katia X avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance de l'enfant atteint d'un handicap ; qu'en conséquence, cette faute qui a fait perdre à Mme Katia X la possibilité de recourir à une interruption de grossesse est en relation directe avec le préjudice résultant pour l'enfant de son handicap ;
Considérant que pour voir appliquer au présent litige la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, le Docteur Pol Z soutient vainement que les parents de Chloé X ne disposaient pas avec certitude d'une créance eu égard à l'évolution de la jurisprudence civile en la matière dès lors que cette jurisprudence a reconnu, dès 1991, le droit pour l'enfant de demander la réparation du préjudice résultant de son handicap et causé par les
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fautes retenues à l'encontre du médecin, fautes qui avaient empêché la mère de prendre une décision éclairée quant à la possibilité de recourir à une interruption de grossesse thérapeutique pour éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap ; qu'une telle créance constitue un bien au sens de la CEDH ; que le Docteur Pol Z ne démontre pas que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 assure un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens d'autant que cette loi ne concerne que l'indemnisation de la personne handicapée majeure ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué tant sur le droit à indemnisation de Melle Chloé X que sur le montant de la provision à valoir sur la réparation intégrale de son préjudice, en ordonnant une expertise ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
CONSTATE que l'arrêt de la cour d'appel de Reims est définitif en ce qu'il .a
. confirmé le jugement rendu le 11 septembre 1998 par le tribunal de grande instance de Charleville Mézières sur les fautes commises par le Docteur Pol Z et sur sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 à l'égard de M. Franck François,
. confirmé le jugement sur les fautes commises par le Docteur Pol Z à l'égard de Mme Katia X mais l'a réformé sur le fondement retenu et dit que la responsabilité du Docteur Pol Z à l'égard de Mme Katia X l'est sur le fondement de l'article 1147 du code civil,
. confirmé le jugement sur les indemnités provisionnelle allouées à Mme Katia X et à M. Franck François à valoir sur la réparation de leur préjudice moral ;
CONSTATE, en conséquence, que le présent litige ne porte que sur le droit à indemnisation de Melle Chloé X,
CONFIRME le jugement rendu le 11 septembre 1998 par le tribunal de grande instance de Charleville Mézières en ce qu'il a statué sur le droit à indemnisation de Chloé X et sur le montant de la provision à valoir sur la réparation intégrale de son préjudice en ordonnant une expertise médicale,
CONDAMNE le Docteur Pol Z à payer aux défenseurs une somme globale de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE le Docteur Pol Z aux dépens d'appel y compris ceux de l'arrêt cassé, et dit qu'ils seront recouvrés conformément à la loi sur l'Aide juridictionnelle.
LA GREFFIÈRE
LE PRÉSIDENT
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