CA Paris, 18e, D, 12-09-2006, n° 05/05473



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS 18ème Chambre D

ARRÊT DU 12 septembre 2006

(n° T , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général S 05/05473

Décision déférée à la Cour jugement rendu le 19 novembre 2004 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 02/10252

APPELANTE

Madame Josette Z


NOGENT SUR MARNE
comparante, assistée de Me Jérome BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque

G242

INTIMÉE

RÉGIE AUTONOMES DES TRANSPORTS PARISIENS


PARIS

représentée par Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de NANTERRE, toque PN176

substitué par Me Isabelle GOESTER, avocat au barreau de NANTERRE, toque PN176

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mai 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Hélène IMERGLIK, conseillère faisant fonction de présidente, chargée d'instruire l'affaire et Mme Michèle MARTINEZ, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de

Mme Hélène IMERGLIK, présidente

Mme Michèle MARTINEZ, conseillère

Mme Annick FELTZ, conseillère

Greffier Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats

ARRÊT

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Hélène IMERGLIK, présidente

- signé par Mme Hélène IMERGLIK, présidente, et par M. C. ...,

greffier présent lors du prononcé.

Faits et procédure

Mme Josette Z a été engagée le 27 mars 1969 en qualité d'agent stagiaire surveillant par la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

A la suite de nombreux arrêts de travail pour maladie, la commission médicale de la RATP a estimé le 7 mars 1996 que Mme Z était devenue définitivement inapte à tout emploi à la Régie. Cette décision a été confirmée le 9 avril 1996 par la commission médicale d'appel.

Mme Z, qui était alors agent de maîtrise, a été réformée à effet au 15 mars 1996 et a perçu à partir de cette date une pension de réforme proportionnelle à son ancienneté dans la Régie.

Le 10 décembre 1997, Mme Z a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir sa réintégration et des dommages-intérêts. Par jugement du 6 janvier 1999 elle a été déboutée de ses demandes.

Par arrêt du 17 décembre 1999, la cour d'appel de Paris, infirmant le jugement, a

- ordonné sous astreinte la réintégration de Mme Z dans son emploi à la RATP,

- condamné la RATP à payer à Mme Z les sommes de 800 000 francs

(121 959 euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 8 000 francs

(1 220 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné Mme Z à rembourser à la RATP les pensions et allocations de chômage perçues,

- renvoyé les parties à faire leurs comptes à la date de la réintégration,

- dit qu'en cas de difficulté il en sera déféré à la cour sur simple requête, - débouté les parties de leurs autres demandes.

Mme Z a été réintégrée dans son emploi à la RATP le 12 janvier 2000 au niveau EC1 et a été promue, en mars 2000 au niveau EC2 avec effet rétroactif au 1" janvier 2000.

Un désaccord s'étant élevé entre les parties sur les comptes, par arrêt du 20 octobre 2000, la cour d'appel de Paris a

- dit n'y avoir lieu à interprétation de l'arrêt du 17 décembre 1999,

- débouté Mine Z de sa demande d'expertise,

- dit que la RATP doit à Mme Z, par compensation entre les dommages-intérêts alloués et l'indemnité pour frais irrépétibles d'une part, avec les sommes versées sans cause à l'agent d'autre part, la somme de 293 338,39 francs (44 719,15 euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt antérieur jusqu'au paiement,

- partagé les dépens par moitié entre les parties.

Par arrêt du 21 mai 2002, la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la RATP contre l'arrêt du 17 décembre 1999 et dit n'y avoir lieu à statuer sur celui formé par Mme Z contre l'arrêt du 20 octobre 2000.

Le 7 août 2002, Mme Z a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu au paiement de dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement, à la reconstitution de sa carrière à un échelon et un coefficient supérieurs, au paiement de rappels de salaires de dommages-intérêts et d'une allocation de procédure.

Par jugement du 19 novembre 2004, le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage, a

- déclaré irrecevables en raison du principe d'unicité de l'instance les demandes pour la période antérieure au 19 octobre 1999, date des débats devant la cour lors de la procédure antérieure,

- rejeté les demandes pour la période postérieure,

- condamné Mme Z aux dépens.

Mine Z, qui avait été nommée au niveau EC3 le 1" septembre 2004 et qui est à la retraite depuis le 1" septembre 2005, a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de

- constater la discrimination dont elle a fait l'objet, et ce dès son retour dans son service puisque la reconstitution de carrière n'a pas été effectuée,

- de dire en conséquence qu'elle devrait être positionnée en EC6 suivant la grille de classement,

- de constater le harcèlement moral dont elle a fait l'objet depuis son retour dans le service, soit le 12 janvier 2000,

- de condamner la RATP à lui payer

- 45 000 euros représentant le déficit de points afférents à la discrimination dont elle a fait l'objet,

- 152 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral résultant du harcèlement,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La RATP conclut à l'entière confirmation du jugement.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 29 mai 2006, reprises et complétées lors de l'audience.

Motifs de la décision

La disposition du jugement déclarant irrecevables les demandes de Mine Z relatives à la période antérieure au 19 octobre 1999 n'est pas contestée en appel, la RATP en demandant la confirmation et Mme Z, qui a modifié ses prétentions en cause d'appel, ne formant plus de demandes pour cette période.

Le jugement sera donc confirmé à ce titre. Sur la "discrimination" salariale

Bien que Mme Z fasse état d'une discrimination salariale, l' ensemble des arguments qu'elle développe démontre qu'en réalité ses demandes se fondent sur une inégalité de traitement au niveau de sa carrière, et donc de son salaire, par rapport à ses collègues.

Aux termes de l'article L.140-2 du Code du travail, tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Cette règle constitue une application du principe général "à travail égal, salaire égal" rappelé par les articles L. 133-5.4° et L. 136-2.8° du Code du travail. Il s'en déduit que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un et l'autre sexe, pour autant que ceux-ci effectuent un même travail ou un travail de valeur égale.

Selon l'article L.140-2, alinéa 3, du Code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du Code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

La salariée compare l'évolution de sa carrière avec celles de seize salariés ayant, comme elle, passé et réussi le concours &agent de maîtrise en juillet 1979.

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18 ème chambre, section D

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Les tableaux comparatifs qu'elle fournit ne sont pas contestés. Il en ressort que

- treize de ces agents de maîtrise ont été classés au niveau EC4 et deux au niveau EC5 en 1997 lors de la mise en place de la nouvelle grille de classification,

- en 2000, quatorze avaient atteint le niveau EC5,

- en 2004, quatorze étaient EC6,

- en 2005 tous avaient atteint ou dépassé le niveau EC6, six étaient EC7, deux EC8 et un était EC9.

Mme Z a été réformée en mars 1996 ; à sa réintégration en janvier 2000, elle a été classée au niveau EC2 selon la nouvelle classification de 1997, puis elle a été nommée EC3 en septembre 2004, niveau qu'elle avait toujours à son départ à la retraite en septembre 2004.

Le rapprochement de ces faits est de nature à laisser supposer une inégalité de traitement au détriment de Mme Z tant en ce qui concerne l'avancement que la rémunération, inégalité produisant des effets postérieurement au 19 octobre 1999.

La RATP, qui ne verse aux débats aucune pièce permettant d'apprécier la situation des seize salariés de référence, ne rapporte pas la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence de traitement entre eux et l'appelante.

Compte tenu des pièces produites et des débats, la cour est en mesure d'allouer à Mme Z en réparation du préjudice résultant pour elle de cette inégalité de traitement une indemnité de 25 000 euros.

Le jugement sera par conséquent infirmé et la RATP condamnée à payer cette somme à Mme Z.

Sur le harcèlement

Aux termes de l'article L.122-49 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.122-52 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Aucune des pièces produites par Mme Z, qui consistent essentiellement dans des échanges de courriers entre elle et la RATP et des certificats médicaux dans lesquels les praticiens reprennent les dires de leur patiente sur l'origine de ses troubles, ne permet de faire présumer un quelconque harcèlement de l'employeur à son encontre depuis sa réintégration.

C'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme Z de ce chef de demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles

Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont réunies. Il convient d'allouer à Mme Z une somme de 3 000 euros à ce titre.

Par ces motifs

La cour

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Mme Z pour la période antérieure au 19 octobre 1999 et a rejeté la demande de Mme Z en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à payer à Mme Z les sommes de

- 25 000 euros (vingt-cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts au titre de l'inégalité de traitement subie,

- 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la Régie autonome des transports parisiens (RATP) aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER









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