CA Versailles, 3e, 21-12-2006, n° 05/06697



Extrait des minutes de Greffe KL

COUR D'API r A,

Aarla Cour d'Appel de Versailles-, PUBLIQUE FRANÇAISE DE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

VERSAILLES

LE VINGT ET UN DÉCEMBRE DEUX MILLE SIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire Code nac 63A entre

3ème chambre 1/ Madame H. ... 42 rue Galilée

ARRÊT PARIS

REPUTE 2/ Madame C. ... épouse ... ... 12 rue de Branville

DU 21 DÉCEMBRE GAUVILLE LA CAMPAGNE R.G.N* 05/06697 APPELANTS et INTIMES

3/ Monsieur H. ... GAUVILLE LA CAMPAGNE

INTERVENANT VOLONTAIRE

H. ... représentés par la SCP TUSÉT-CHOUTEAU, avoués - N° du dossier 20050390 C/ plaidant par Me VERDIER, avocat au barreau d'ORLÉANS SA UCB PHARMA

***

1/ SA UCB PHARMA

Décision déférée à la NANTERRE

le 10 Juin 2005 par le prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette Tribunal de Grande qualité audit siège Instance de

NANTERRE représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N° du N° Chambre 1 dossier 05000802 N° Section B plaidant par le cabinet BOPS, avocats au barreau de PARIS (P.555)

N° RG 9808/01

INTIMÉE et APPELANTE

PARIS CEDEX 16 Expéditions prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette

Copies qualité audit siège délivrées 1(2 I DEC. mos à . INTIMÉE DEFAILLANTE

CCP TtiSat

****************

etiotrresu

-Sei" ME. rra Composition de la cour

En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Décembre 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme ..., président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu' compte des plaidoiries dans le délibéré dé la cour, composée de -

Madame B. ..., président, Monsieur M. ..., conseiller, Madame M. ..., conseiller,

Greffier, lors des débats Madame Marie-Claire THEODOSE,

H. ..., née le 6 février 1972, a été exposée in utero au distilbène, médicament prescrit à sa mère pendant la grossesse et commercialisé par le laboratoire UCEPHA devenu UCB PHARMA.

Ayant constaté que les examens gynécologiques étaient particulièrement douloureux et que les rapports sexuels étaient presque impossibles du fait des douleurs provoquées, H. ... a consulté le professeur ... qui a pratiqué, le 13 novembre' 2000, sous anesthésie générale une hystéroscopie aVec levée d'un diaphragme postérieur. Cette intervention a permis d'améliorer son état et de rendre beaucoup moins douloureux l'examen gynécologique.

Considérant que les altérations anatomiques du vagin consistant en un diaphragme vaginal associé à une adénose dont elle est atteinte sont la conséquence directe de son exposition in utero au distilbène prescrit à sa mère, elle a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre par acte du 13 août 2001.

Par décision du 10 septembre 2002, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder un collège d'experts.

Les docteurs ..., ... et ... ont déposé leur rapport le 13 janvier 2004.

Par jugement du 10 juin 2005, le tribunal de grande instance de Nanterre a

- déclaré le jugement commun à la RAM, professions libérales IDE

- dit n'y avoir lieu à nullité du rapport d'expertise, à recours à une question préjudicielle à la CJCE ni à voir écarterdes débats les pièces-54,--57;-71 et 72, ni à dommages-intérêts pour abus.._... de droit

- déclaré la société UCB PHARMA responsable sur le fondement des articles 1165, 1382 et 1383 du code civil des malformations gynécologiques dont est atteinte H. ...

- condamné la société UCB PHARMA à. payer

· à H. ..., la somme de 9.050 euros en réparation de son préjudice corporel

· à C. ... ... épouse ..., la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice d'affection par ricochet aux consorts ..., la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de' procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné la société UCB PHARMA aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Les consorts ... ont interjeté appel de cette décision le 30 août 2005.

La société UCB PHARMA a interjeté appel de cette décision le 18 novembre 2005. Les procédures ont été jointes par ordonnance du 9 décembre 2005.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 24 novembre 2006 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, H. ..., C. ... épouse ... et H. ..., intervenant volontaire en cause d'appel, demandent à la cour, au visa des articles 1165, 1382, 1383 et 1353 du code civil, de

- confirmer pour partie le jugement déféré

- dire que les malformations utérines sont consécutives à la prise du distilbène pendant la grossesse de C. ... et à l'exposition in utero de l'enfant

- déclarer la société UCB.PHARMA responsable du dommage subi par H. ... et tenue de le réparer

- l'infirmer pour le surplus

- statuant à nouveau

- condamner la société UCB PHARMA au paiement des sommes suivantes en réparation du préjudice subi par H. ...

· ITT 250,00 euros

· IPP 30.000,00euros

· préjudice de la douleur 5.000,00 euros

· préjudice sexuel 40.000,00 euros

· préjudice spécifique 75.000,00 euros

- à titre subsidiaire, avant dire droit

- ordonner un complément d'expertise ou une contre-expertise médicale

- condamner la société UCB PHARMA au paiement de la sun-lisse de 1.000 euros sur le fondement de l'article .1382 du code civil pOur abus du droit d'agir en exception de nullité du rapport d'expertise

- condamner la société UCB PHARMA à payer à C. ... la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral propre et la somme de 5000 euros au titre de son préjudice d'affection par ricochet

- recevoir H. ... en son intervention volontaire devant la cour et condamner la société UCB PHARMA à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral

- condamner la société UCB PHARMA au paiement de la somme de 13.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile comprenant notamment les, frais de déplacements et l'assistance aux opérations d'expertise à Nantes

- condamner la société UCB PHARMA aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP. TUSET CHOUTEAU, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 30 novembre 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société UCB PHARMA demande à la cour de

. à titre principal

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu sa responsabilité et statuant de nouveau,

- dire et juger que la combinaison des. articles 1165 et 1382 du code civil est inapplicable en l'espèce

- dire et juger que la responsabilité alléguée d'UCB PHARMA doit s'apprécier au regard des seules règles de la responsabilité délictuelle tant à l'égard de H. ... qu'a celui de sa mère et de son père

- dire et juger, au visa de l'article 6 de la CEDH, que le principe de précaution, dont l'obligation de vigilance n'est qu'une modalité, n'est pas une règle autonome de la responsabilité civile, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, que le principe de précaution n'était pas en vigueur à l'époque des faits, que sa responsabilité doit s'apprécier au regard des seules obligations en vigueur en 1971 et, en conséquence, écarter l'application du principe de précaution

- en toute hypothèse,

- dire et juger qu'elle n'a pas commis de faute en ayant maintenu la commercialisation du distilbène en 1971 compte tenu de l'état des connaissances scientifiques de l'époque

- dire et juger que sa responsabilité ne peut être retenue et rejeter toutes les demandes . subsidiairement

- dire et juger que la demande de nullité du rapport d'expertise motivée par la partialité des experts n'est pas constitutive d'un abus de droit

- constater qu'elle abandonne sa demande de nullité du rapport d'expertise dans le cadre de la présente instance

- débouter H. ... de sa demande en dommages-intérêts au.titre d'un prétendu abus de droit de sa part

- sur le préjudice économique de H. ...

- dire et juger que H. ... ne communique aucun justificatif permettant d' évaluer une perte de revenu au titre de l'ITT

- sur les préjudices personnels de H. ... - vu l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985

- dire et juger que la notion de préjudice spécifique de contamination n' a pas lieu d'être transposée en l'espèce et rejeter toute demande de ce chef

-dire et juger que l'évaluation des préjudices de H. ... devra se faire au regard des chefs de préjudice définis à l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 soit

· le pretium doloris, évalué à 2/7 recouvrant, tant les souffrances physiques que les souffrances psychiques ou morales, sera indemnisé par une somme qui ne saurait excéder 2.800 euros

· le préjudice sexuel est qualifié de modéré par les experts ; l'indemnité allouée de ce chef ne saurait excéder 6.000 euros

- sur les demandes de C. ...

- dire et juger que les préjudices invoqués par C. ... constituent en réalité un seul et même préjudice moral et que ce préjudice ne saurait excéder 500 euros

- sur la demande de H. ...

- dire et juger sa demande irrecevable car présentée pour la première fois en cause d'appel et mal fondée

- condamner les consorts ... aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La RAM PROFESSIONS LIBERALES IDF régulièrement assignée par acte du 18 avril 2006 n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 novembre 2006.

MOTIFS

- sur la demande en dommages-intérêts pour abus de droit

Devant les premiers juges, la société UCB PHARMA avait conclu à la nullité du rapport d'expertise pour partialité des experts et plus particulièrement du docteur ....

En cause d'appel, la société UCB PHARMA a abandonné cette demande compte tenu de la décision rendue par la cour d'appel de Versailles le 5 janvier 2006 rejetant sa demande de récusation de l'expert M. ... malgré les manquements de celui-ci au devoir de réserve résultant de ses publications.

Il convient de lui en donner acte.

Certes la société UCB PHARMA a sollicité à de nombreuses reprises la récusation de l'expert, M. ..., puis a conclu à la nullité du rapport du collège d'experts mais cette multitude de demandes s'explique par le nombre des instances en cours relatives aux demandes d'indemnisation des victimes du distilbène et non à un acharnement procédural à l'encontre de chaque demandeur.

Par ailleurs, dans son arrêt du 5 janvier 2006, la cour d'appel de Versailles a confirmé la décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre rejetant la demande de récusation du docteur ... mais a relevé des manquements déontologiques au devoir de réserve qui oblige tout expert, caractérisés en l'espèce en ces termes "il est certes regrettable que le docteur ... alors qu'il est en charge .... à raison de sa compétence notoire dans ce domaine scientifique, de missions d'expertise dans des dossiers graves tant sur le plan humain qu'économique, se prévale de sa qualité d'expert judiciaire pour véhiculer ses idées et ses opinions personnelles sur un ton souvent excessifet se défendre contre ce qu'il estime être des attaques personnelles alors qu'il ne s 'agit que de l'exercice d'un droit par ceux qui demandent sa récusation ou critiquent ses avis dans des débats judiciaires".

L'attitude du docteur ..., dont ni les victimes ni la société UCB PHARMA ne sont responsables, explique les contestations émises par cette dernière qui pouvait craindre une certaine partialité de cet expert.

En exerçant le droit qui appartient à tout justiciable de contester la validité d'un rapport d'expertise et en exerçant son droit d'appel, la société UCB PHARMA n'a commis aucun abus de droit et ce d'autant qu'elle a tiré les conséquences de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles pour abandonner sa demande de nullité du rapport d'expertise en cause d'appel.

La demande en dommages-intérêts de ce chef doit être rejetée. - sur la responsabilité de la société UCB PHARMA

Il est établi et non contesté par la société UCB PHARMA qu'un traitement par distilbène a été prescrit à C. ... de juillet 1971 à fin septembre 1971 au moins (d'autres prescriptions ayant été faites par son époux médecin) alors qu'elle était enceinte d'Hélène. L'exposition d'H. ... in utero n' apparaît pas contestable selon les experts.

Compte tenu des circonstances dans lesquelles H. ... a 'été atteinte, il convient de rechercher la responsabilité de la société UCB PHARMA non sur le fondement contractuel mais sur un fondement délictuel par application des articles 1165, 1382 et 1383 du code civil selon lesquels les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d'autre preuve, étant précisé que la commercialisation du produit repose bien sur une succession de contrats, peu important qu'il n'existe rias de lien contractuel direct entre le laboratoire et la ' patiente à laquelle le traitement est prescrit.

Selon le rapport d' expertise médicale du collège d'experts désignés le 10 septembre. 2002, il ressort de la littérature médicale qu'une exposition in utero au DES peut se solder par, des anomalies morphologiques cervico-vaginales comparables à celles dont se plaint H. ..., qu'une fréquence inhabituelle d'anomalies vaginales, adénose en Particulier, a été signalée dès les toutes premières séries d'études consacrées aux effets du DES sur les filles exposées in utero (notamment dans l'article princeps de Herbst et coll de 1971), que dans une publication légèrement postérieure, Herbst et colt (1972) signalent outre l'adénose, la présence de crête ("ridges") ou diaphragmes cervico-vaginaux, que l'adénose est quasi systématique lorsque de telles crêtes ont été retrouvées, que dans une série de 275 jeunes femmes non exposées au DES et utilisée comme population témoin, Herbst et coll ne retrouvent aucune adénose ni aucun bourrelet cervico-vaginal.

Les experts notent qu'il existe une quasi unanimité de la communauté médicale pour admettre les effets tératogènes du DES. Dans une mise au point récente de janvier 2003, l'AFSSAPS retient, entre autres complications, des anomalies cervico-vaginales chez 20 à 60 % des jeunes femmes exposées au DES.

Ils concluent sur ce point qu'il est certain qu'après exposition in utero, le DES a un important potentiel à provoquer des anomalies telles que celles présentées par H. ....

Si, pour des spécialistes de la iatrogénip, il n'est jamais possible de prétendre qu'il existe un rapport de causalité certain entre une exposition médicamenteuse et une complication quelle qu'elle soit, la probabilité spontanée de présenter l'association d'une adénose vaginale avec des malformations anatomiques à type de bride ou diaphragme est très faible alors qu'elle est une complication notoire de l'exposition in utero au DES ; hormis l'exposition in utero au DES, on ne connaît aucun facteur de risque personnel ou maternel susceptible d'expliquer la pathologie présentée par H. .... Il en résulte que la causalité est probable entre l'exposition in utero au DES de H. ... et les anomalies cervico-vaginales dont elle souffre.

Selon le rapport général d' expertise dressé par le collège de quatre experts désignés en septembre 1994, avant 1967, et dès les années 1953-1954, les doutes sur l'efficacité du distilbène dans l'indication d'avortement spontané et la littérature expérimentale qui faisait état de la survenance de cancers très divers auraient dû justifier une attitude différente du laboratoire UCB. En effet les études expérimentales chez l'animal (Lacassagne et al.1938 et Gabriel-Robez et al.1967) ont trouvé des effets défavorables, cancers ou malformations comme des fentes palatines et des anomalies cardiaques. D'autres études sur l'animal en 1942, 1947, 1950, 1952, 1959, bien que leurs conclusions ne soient pas à l'époque directement transposables à l'homme, qui avaient révélé des effets toxiques généraux y compris des effets tératogènes, auraient du conduire le laboratoire UCB d'une part, à surveiller l'efficacité de son produit d'autre part, à poursuivre les recherches sur ses conséquences à plus ou moins long terme sur les femmes auxquelles le médicament était prescrit.

A partir de 1971, certains praticiens conseillaient encore le distilbène contre les avortements mais d'autres médecins le tenait pour dangereux. Les experts du premier collège ont relevé que la littérature hostile à ce produit à cette époque n'aurait pas dû échapper à la société UCB PHARMA. Ils ont également noté que "le rapport bénéfices/risques est devenu négatif dans la perception du monde médico-scientifique entre les quinquennats 1969-1973 et 1974-1978."

Malgré les doutes portant à la fois sur l'efficacité du distilbène et sur son innocuité dont la littérature expérimentale faisait état, la société UCB PHARMA n'a pris aucune mesure alors qu'elle aurait dû agir même en présence de résultats discordants quant aux avantages et inconvénients. En méconnaissant les avertissements contenus dans la littérature médico scientifique de 1939 à 1971, elle a manqué à son obligation de vigilance, attitude constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité.

Il est ainsi établi par des présomptions graves, prédises et concordantes que le distilbène, produit dont la société UCB PHARMA a fautivement maintenula distribution destinée aux femmes enceintes, a provoqué les malformations dont H. ... est atteinte.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société UCB PHARMA responsable sur le fondement des articles 1165, 1382 et 1383 du code civil des anomalies morphologiques dont est atteinte H. ....

- sur les demandes de H. ...

Il résulte du rapport des experts judiciaires, le professeur ..., le docteur ... et le docteur M. ..., dont les conclusions seront retenues par la cour dans la mesure où elles procèdent d'une analyse complète, claire et minutieuse et ne peuvent être valablement remises en cause par un commentaire, certes effectué par un éminent spécialiste mais dans des conditions indéterminées, hors de tout débat contradictoire, sans examen de la victime ni des documents médicaux, et produit quelques jours avant la date des plaidoiries alors que le rapport des experts aujourd'hui partiellement contesté n'avait jusqu'alors fait l'objet d'aucune. critique, que

H. ..., exposée in utero au distilbène pris par sa mère, présente des anomalies anatomiques du vagin facteurs de dyspareunie

- l'incapacité temporaire totale correspond à la durée de l'hospitalisation pour réparation vaginale

- la consolidation est acquise dans le délai de la cicatrisation après l'intervention chirurgicale il n'y a pas d'incapacité permanente partielle au sens du déficit fonctionnel permanent et continu le pretium doloris est évalué à 2/7 il n'y a pas de préjudice esthétique ni de préjudice d'agrément

· le préjudice sexuel existe et résulte de la privation de rapports sexuels complets et harmonieux ; il est qualifié de modéré.

Sur la base de ces conclusions et au vu des pièces produites aux débats, sans que soit justifié le recours à un complément d'expertise, le rapport du collège d'experts étant complet, ni à une contre-expertise, aucune erreur manifeste n'ayant été commise par les experts, le préjudice subi par H. ... doit être indemnisé comme suit

1/ PRÉJUDICE SOUMIS A RECOURS - au titre de l'ITT

L'IIT correspond à une journée d'hospitalisation pour réparation vaginale.

H. ... ne justifie d'aucune perte de revenu pour cette journée. Sa demande au titre de la gêne dans les actes de la vie courante sera évaluée à 30 euros.

L'indemnité allouée par les premiers juges de ce chef doit être ramenée à cette somme.

- au titre de L'IPP

Les experts ..., ... et ... n'ont retenu aucun préjudice fonctionnel permanent après avoir indiqué que l'intervention chirurgicale correctrice a eu de bons résultats anatomiques, que H. ... n'exprime pas de trouble physique, n'a pas de manifestation somatique particulière dans la sphère génitale ou périno-pelvienne.

Le tribunal a justement rejeté toute demande présentée par H. ... de ce chef.

2/ PRÉJUDICE A CARACTÈRE PERSONNEL - au titre du préjudice spécifique de contamination

Se fondant sur la jurisprudence relative al' indemnisation des transfusés contaminés par le virus du SIDA ou de l'hépatite C quia dégagé un nouveau concept de préjudice.,.le préjudice spécifique de contamination, H. ... sollicite l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'exposition in utero au DES incluant les souffrances morales éprouvées à la suite des traitements nécessaires mais également l'angoisse d'une récidive qui n'est jamais exclue et les souffrances quotidiennes au plan affectif et moral.

Sans aucunement méconnaître la souffrance morale de H. ... qui ne peut mener la vie qu'elle avait envisagée compte tenu de la sensation de blocage quant à la perspective de rapports sexuels et des craintes ressenties pour une éventuelle grossesse, il n'apparaît pas que l'indemnisation de ce préjudice justifie le recours à la notion de préjudice spécifique.

En effet, le préjudice spécifique de contamination se définit comme le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, qu'il soit biologique, physique ou chimique, qui comporte le risque d'apparition à plus ou moins brève échéance d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital. C'est ainsi qu'il a été retenu par la jurisprudence notamment pour les victimes transfusées contaminées par le virus du SIDA. Il inclut, dès la phase e de séropositivité, tous les troubles pSychiques subis du fait de la contamination (réduction de l'espérance de vie, incertitude quant à l'avenir, crainte d'éventuelles souffrances physiques et morales, isolement, perturbations de la vie familiale et sociale, préjudice sexuel et de procréation) mais également les différents préjudices personnels apparus ou susceptibles d'apparaître comme les souffrances endurées, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément. Le préjudice spécifique de contamination regroupe en réalité l'ensemble des préjudices d'ordre physiologique, psychologique et moral et permet d'indemniser l'entier préjudice des victimes qui sont menacées par une maladie grave mais dont les effets se développeront au terme d'une période dont la durée, qui peut être très'Iongue, est au départ indéterminée. - Le préjudice spécifique de contamination tend à prendre en compte dés dommages particuliers'comme la réduction de l'espérance de vie avec les angoisses liées à une mort quasiment programmée, les perturbations affectives, familiales et sociales dans les conditions d'existence de la victime ainsi que le caractère essentiellement évolutif des dommages qui ne peuvent être indemnisés selon l'évaluation de droit commun qui suppose un dommage avéré et un état de consolidation.

Or en l'espèce, les anomalies morphologiques dont souffre H. ... sont connues et vont pas inexorablement évoluer.

Par ailleurs, tous les enfants exposés in utero au DES n'ont pas été atteints de maladie ou de malformations. Il n'existe donc pas un préjudice résultant du seul fait de l'exposition au DES. Les effets néfastes de ce médicament ne sont apparus que chez certaines personnes et sont très divers dans leurs manifestations de sorte qu'on ne peut retenir la notion générale d'exposition au distilbène pour justifier une indemnisation qui ne peut concerner que celles qui sont effectivement victimes de pathologies ou de malformations.

Les différents préjudices subis par H. ... peuvent être indemnisés selon les critères habituels en matière de réparation de préjudice corporel ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas puisqu'elle sollicite, outre la réparation de ce préjudice spécifique d'exposition in utero, celle des préjudices personnels couramment retenus.

En réalité sous le terme de préjudice spécifique d'exposition in utero, H. ... sollicite la réparation de son préjudice moral, lequel est incontestable et peut être indemnisé au titre du préjudice de la douleur.

- au titre du préjudice de la douleur physique et de la souffrance morale Les experts ont fixé le pretium doloris à 2/7.

Au titre des douleurs physiques, il convient de retenir les douleurs passées lors des examens gynécologiques avant l'intervention ainsi que les douleurs moindres qu'elle continue à ressentir à l'occasion de ces examens.

A ces douleurs physiques s'ajoutent des souffrances morales qui sont la conséquence directe de l'exposition in utero au DES.

En effet, les altérations anatomiques d'H. ..., même rectifiées, ont des conséquences psychologiques telles qu'elle est dans les faits privée d'une sexualité normale avec les retentissements inévitables sur la vie sociale. Elle a indiqué aux experts que "sa vie personnelle de femme est actuellement désertique".

Alors qu'elle pouvait espérer fonder une famille et mettre au monde des enfants-, -- ses difficultés sexuelles associées aux craintes d'une grossesse, pourtant non compromise sur le plan anatomique, sont un obstacle à son plein épanouissement.

Ce préjudice sera indemnisé par l'octroi de la somme de 10.000 euros. -. au titre du préjudice sexuel

Lés experts ont relevé que les anomalies décrites imputables au DES ont pu être initialement un facteur mécanique de dyspareunie, que depuis l'intervention la question de la dyspareunie résiduelle est plus-problématique, que compte tenu de l'historique global et d'une crispation psychologique additionnelle compréhensive, il est légitime de considérer que l'exposition in utero au DES constitue une perte de chance d'aboutir à une vie sexuelle épanouie, étant précisé qu'il s'agit d'un simple constat lors de l'expertise et non d'une situation irréversible.

S'agissant d'une jeune femme, ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 10.000 euros.

- Sur les demandes de C. ... au titre de son_préjudice moral par ricochet

C. ..., mère de H. ..., sollicite la réparation de son préjudice moral d'affection, confrontée à la souffrance de sa fille.

· Il s'agit là d'une demande qui ne peut être fondée que sur les articles 1382 et 1383 du code civil bien qu'aucun fondement juridique ne soit précisé dans les dernières conclusions.

11 n'est pas contestable que la mère de H. ..., qui accompagne, soutient, aide sa fille dans l'épreuve qui est la sienne, subit un préjudice moral par ricochet dont la société UCB PHARMA ne conteste d'ailleurs pas l'existence.

Ce préjudice sera justement indemnisé par l'octroi de la somme de 2.000 euros. - Sur la demande de C. ... au titre de son préjudice moral propre

C. ... soutient qu'elle a été le vecteur d'un dommage corporel grave sur sa propre descendance, qu'elle a été en lien avec le fabricant UCB PHARMA lequel est contractuellement débiteur d'une obligation de sécurité de résultat à son égard. Elle ne précise toutefois pas le fondement juridique de sa demande au titre de son préjudice moral propre.

Sa demande est recevable sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société UCB PHARMA.

Il ne peut être contesté que C. ... subit un préjudice moral personnel certain puisqu'elle porte, comme elle l'indique dans ses écritures, le poids d'une terrible culpabilisation consistant à avoir absorbé au cours de la grossesse un médicament qui devait l'aider à donner la vie, lequel s'est révélé 28 ans plus tard comme la cause d'une anomalie morphologique perturbant la vie affective et sexuelle de sa fille.

Ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une somme de 2.000 euros.


- Sur la demande de H. ... au titre de son préjudice moral pâr ricochit

H. ..., père de H. ..., sollicite la réparation de son préjudice moral par ricochet.

Selon l'article 554 du code civil, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Toutefois;ces dispositions ne permettent pas à l'intervenant volontaire en cause d'appel de soumettre un litige nouveau et de demander une condananation personnelle qui n'a pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction. Le tiers ne peut donc, par voie d'intervention en appel, demander réparation d'un préjudice personnel.

H. ... n'ayant pas été partie devant le tribunal de grande instance ne peut intervenir aux débats en cause d'appel pour solliciter la réparation de son préjudice moral personnel non soumis à l'examen des premiers juges et qui co stitue un litige nouveau. Sa demande doit être déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort,

Constate que la société UCB PHARMA a abandonné sa demande de nullité du rapport d'expertise,

Déboute les consorts ... de leur demande en dommages-intérêts pour abus du droit d'agir en exception de nullité du rapport d'expertise,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société UCB PHARMA et a alloué aux consorts ... une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré sur le quantum des sommes allouées, Statuant à nouveau,

Rejette la demande de nouvelle expertise, Fixe l'indemnité due à H. ... comme suit

1) Préjudice soumis à recours - ITT (troubles dans la vie courante)

2) Préjudice personnel

- préjudice de la douleur physique et de la souffrance morale 10.000,00 euros

- préjudice sexuel 10.000,00 euros

- Total 20.030,00 euros

Dit n'y avoir lieu à fixation d'un préjudice spécifique d' expositionin utero au DES,

Condamne la société UCB PHARMA à payer à H. ... la somme de 20.030 euros en réparation de son préjudice corporel,

Condamne la société UCB PHARMA à payer à C. ... la somme dé 2.000 euros en réparation de son préjudice moral personnel et la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral par ricochet, Donne 'acte à H. ... de son intervention volontaire en cause d'appel, Déclare irrecevable sa demande au titre de son préjudice moral personnel

30,00 euros Condamne la société UCB PHARMA à payer aux consorts ... la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne la société UCB PHARMA aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP TUSET CHOUTEAU, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame B. ..., président et par Madame ..., greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,