VERSAILLES,s
COUR D'APPEL e
DE \se eNlee
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
nee
w'" Go" ce" LE VINGT ET UN DÉCEMBRE DEUX MILLE SIX,
Code nac 63Am. ' La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans"' affaire entre 3ème chambre
1/ Madame V. ...
ARRÊT 6-36" 2/ Madame A. M. ... épouse ... ... 3/ Monsieur M. ... Le Bourg
ST PARDOUX DU BREUIL
R.G. N' 05/06689 représentés par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués - N° du dossier
20050391
plaidant par Me VERDIER, avocat au barreau d'ORLÉANS
AFFAIRE APPELANTS et INTIMES
Valérie LABARTHE *************** /COPIE
USA UCB PHARMA C/ 21 rue de Neuilly
SA NANTERRE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N° du
Décision déférée à la dossier 05000801 cour Jugement rendu plaidant par le cabinet BOPS, avocats au barreau de PARIS (P.555) le 10 Juin 2005 par le Tribunal de Grande INTIMÉE et APPELANTE
Instance de NANTERRE N° Chambre I N° Section B N° RG 1602/01 2/ CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOT ET GARONNE
AGEN
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - N° dû dossier 20051540
INTIMÉE
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de a . 2 1 DEC 2006 Composition de la cour
.
-Serai set
CHtiteePitÀ procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01
-Se?ketiME- Décembre 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant -3PrIRRy Mme ..., président chargé du rapport.
Lifts, RO L FERTI eit Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de
Madame B. ..., président, Monsieur M. ..., conseiller, Madame M. ..., conseiller,
Greffier, lors des débats Madame Marie-Claire THEODOSE
71V
(-V
V. ..., née le 25 novembre 1969, a été exposée in utero au distilbène, médicament prescrit à sa mère pendant la grossesse et commercialisé par le laboratoire UCEPHA devenu UCB PHARMA.
Le 19 juin 1996, une biopsie vaginale fut pratiquée et le diagnostic d'un adénocarcinome à cellules claires a été posé. Hospitalisée le 10 juillet 1996 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, V. ... a subi le 11 juillet, après exploration endoscopique intra-péritonéale, une lYmphadectomie par coelioscopie avec curage iliopurateur droit et gauche. Le traitement radiothérapique a commencé le 18 juillet
En mars 1997, une biopsie a révélé une récidive de l'adénocarcinome à cellules claires avec une vive stroma réaction inflammatoire et nécrotique. Le 14 mai 1997, elle a subi à l'institut G. ... une lymphadénectomie pelvienne avec une hystérectomie totale emportant l'utérus et les ovaires.
Souffrant d'infection, elle fut à nouveau hospitalisée à Paris. Les médecins ont constaté un rein muet à gauche avec une dilatation urétérale droite et diagnostiqué une fibrose post-radiothérapique. Des endoprothèses urétérales ont été mises en place pour sauvegarder la fonction rénàlê.
V. ... ne présente plus de signe de récidive tumorale.
COnsidérant que l'adénocarcinome à cellules claires dont elle est atteinte est la conséquence directe de son exposition in utero au distilbène prescrit à sa mère, elle a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre par acte du 26 janvier 2001.
Par ordonnance du 9 avril 2002, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder un collège d'experts.
Les docteurs ..., ... et ... ont déposé leur rapport le 30 octobre 2003.
Par jugement du 10 juin 2005, le tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré le jugement ICOMMUll àla CPAM du Lot et Garonne
- dit n'y avoir lieu à nullité du rapport d'expertise, à recours à une question préjudicielle à la CJCE, ni à voir écarter des débats les pièces 54, 57, 71 et 72, ni à dommages-intérêts pour abus de droit
- déclaré la société UCB PHARMA responsable sur le fondement des articles 1165, 1382 et 1383 du code civil de PadénocarMnome à cellules claires dont est atteinte V. ...
- condamné la société UCB PHARMA à payer
à la CPAM du Lot et Garonne par priorité sur le préjudice soumis à recours de la sécurité sociale, la somme de 44.124,28 euros avec intérêts au taux légal depuis le 28 janvier 2005 et la somme de 700 euros sur le fondement de article 700 du nouveau code de procédure civile,
à V. ..., la somme de 264.106,06 euros en réparation de son préjudice corporel
· aux époux ... chacun, la somme de 6.000 euros pour leur préjudice moral
· aux consorts ..., la somme de 3.500 euros sur le fondenient de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire
- condamné la société UCB PHARMA aux dépens comprenant les frais d'expertise.
Les consorts ... ont interjeté appel de cette décision le 30 août 2905. La société UCB PHARMA a interjeté appel de cette décision le 18 novembre 2005.
Les procédures bnt été jointes par ordonnance du 9 décembre 2005.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2006 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, V. ..., Anne- M. ... épouse ... et M. ... demandent à la cour, au visa des articles 1165, 1382, 1383 et 1353 du code civil, de
- confirmer pour partie le jugement déféré
- dire que l'adénocarcinome à cellules claires est consécutif à la prise du distilbène pendant la grossesse de Aime-Marie LABARTHE et à l'exposition in utero de l'enfant
- déclarer la société UCB PHARMA responsable du dommage subi par V. ... et tenue de le réparer
- l'infirmer pour le surplus
- statuant à nouveau condamner la société. UCB PHARMA au paiement des sommes_suivantes en réparation du préjudice subi par V. ...
ITT 21.106,06 euros IPP avec incidence professionnelle 264.500,00 euros préjudice de la douleur 30.000,00 euros préjudice esthétique 6.500,00 euros
préjudice d'agrément 25.000,00 euros préjudice sexuel 40.000,00 euros préjudice spécifique 185.000,00 euros
- condamner la société UCB PHARMA au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour abus du droit d'agir en exception de nullité du rapport d'expertise
- condamner la société UCB PHARMA à payer à A. ... la sonne de 10.000 euros au titre de son préjudice moral propre et la somme de 6.000 euros au titre de son préjudice d'affection par ricochet
- Condamner la société UCB PHARMA à payer à M. ... là somme de 7.000 euros au titre de son préjudice moral
- condamner la société UCB PHARMA au paiement de la somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile comprenant notamment les frais de déplacements et l'assistance aux opérations d'expertise à Nantes
- condamner la société UCB PHARMA aux entiers dépens comprenant les frais d' expertiSe avec droit de recouvrement direct au profit de la SCp TUSET CHOUTEAU, avoués, conformément, à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiéPs le 30 novemhre 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société UCB PHARMA demande à la cour de
- dire et juger que la demande de nullité du rapport d'expertise motivée par la partialité des experts n'est pas constitutive d'un abus de droit
- constater qu'elle abandonne sa demande de nullité du rapport d'expertise dans le cadre de la présente instance
- débouter V. ... de sa demande en dommages-intérêts au titre d'un prétendu abus de droit de sa part
- sur le préjudice économique de V. ...
- dire et juger que l'indemnité allouée au titre de l'ITT et de l'ITP ne saurait excéder 106,06 euros
- confirmer le jugement déféré quant au montant alloué au titre de PIPP
- sur les préjudices personnels de V. ...
vu-l'article 31 de la-loi du 5 juillet 1985 _
- dire et juger que la notion de préjudice spécifique de contamination n'a pas lieu d'être transposée en l'espèce
- en conséquence
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué une indemnité au titre d'un préjudice spécifique
- dire et juger que l'évaluation des préjudices de V. ... devra se faire au regard des chefs de préjudice définis à l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 soit le pretium doloris, évalué à 6,5/7 recouvrant tant les souffrances physiques que les souffrances psychiques ou morales, sera indemnisé par une somme qui ne saurait excéder 30.000 euros
le préjudice esthétique évalué à 2/7 ne saurait excéder 3.000 euros le préjudice d'agrément recouvrant tant le retentissement personnel des troubles ressentis dans les conditions d'existence que les souffrances sexuelles ne saurait excéder 20.000
euros
le préjudice sexuel peut être évalué à 30.000 euros
-'sur les demandes des époux ...
- dire et juger que les préjudices invoqués par. A. ... constituent en réalité un seul. et même préjudice moral et que ce préjudice ne saurait excéder 4.000 euros
- dire et juger que le préjudice moral de M. ... ne saurait, excéder 4.000 euros
- condamner les consorts ... nAl? TT4P aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 4 mai 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la CPAM du Lot et Garonne demande à la cour de
- constater que sa créance définitive s'élève à la somme de 44 124,28 euros au titre des prestations en nature et en espèces
- dire qu'elle a droit au remboursement prioritaire de sa créance sur l'indemnité mise à la charge du tiers réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime et dire et juger que cette somme portera intérêts de droit à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement
- en tant que de besoin condamner la société UCB PHARMA au paiement de la somme de 44.124,28 euros
- lui donner acte de ses réserves pour les prestations non connues à ce jour et qui pourraient être versées ultérieurement
- condamner la société UCB PHARMA à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel
- rectifier l'omission matérielle affectant le dispositif du jugement déféré et condamner la société UCB PHARMA à lui payer la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- condamner la société UCB PHARMA à lui payer la somme de 910 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale
- condamner la société UCB PHARMA aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. - L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 novembre 2006.
MOTIFS
- Sur la demande en dommages-intérêts pour abus de droit
Devant les premiers juges, la société UCB PHARMA avait conclu à la nullité du rapport d'expertise pour partialité des experts et plus particulièrernènt du docteur ....
En cause d'appel, la société UCB PHARMA a abandonné cette demande compte tenu de la décision rendue par la cour d'appel de Versailles le 5 janvier 2006 rejetant sa demande de récusation de l'expert M. ... malgré les manquements de celui-ci au devoir de réserve résultant de ses publications. '
Il convient de lui en donner acte.
Certes la société UCB PHARMA a sollicité à de nombreuses reprises la récusation de l'expert, Marc GIRA♦RD, puis a conclu à la nullité du rapport du collège d'experts mais cette multitude de demandes s'explique par le nombre des instances en cours relatives aux demandes d'indemnisation des victimes du distilbène et non à un acharnement procédural à l'encontre de chaque demandeur. _ Par ailleurs, dans son arrêt du 5 janvier 2006, la cour d'appel de Versailles a confirmé la décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre rejetant la demande de récusation du docteur ... mais a relevé des manquements déontologiques au devoir de réserve qui oblige tout expert, caractérisés en l'espèce en ces termes "il est certes regrettable gue le docteur ... alors qu'il est en charge .... à raison de sa compétence notoire dans ce domaine scientifique, de missions d'expertise dans des dossiers graves tant sur le plan humain qu'économique, se prévale de sa qualité d'expert judiciaire pour véhiculer ses idées et ses opinions personnelles sur un ton souvent excessif et se défendre contre ce qu'il estime être des attaques personnelles alors qu 'il ne s'agit que de l'exercice d'un droit par ceux qui demandent sa récusation ou critiquent ses avis dans des débats judiciaires".
L'attitude du docteur ..., dont ni les victimes ni la société UCB PHARMA ne sont responsables, explique les contestations émises par cette dernière qui pouvait craindre une certaine partialité de cet expert'.
En exerçant le droit qui appartient à tout justiciable de contester la validité -d'un rapport d'expertise et en exerçant son droit d'appel, la société UCB PHARMA n'a commis aucun abus de droit et ce d'autant qu'elle a tiré les conséquences de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles pour abandonner sa demande de nullité du rapport d'expertise en cause d'appel.
La demande en dommages-intérêts de ce chef doit être rejetée. - Sur la responsabilité de la société UCB PHARMA
Tout en regrettant que les juridictions se soient fondées sur des faits scientifiquement inexacts pour retenir sa responsabilité, la société UCB PHARMA, compte tenu de l'arrêt rendu le 7 mars 2006 par la Cour de cassation, ne conteste plus sa responsabilité et propose une indemnisation de V. ....
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société UCB PHARMA responsable sur le fondement des articles 1165, 1382 et 1383 du code civil de l'adénocarcinome
à cellules claires dont est atteinte V. ....
- Sur les demandes de Valérie LABARTHE -
Il résulte du rapport des experts judiciaires, le professeur ..., le docteur ... et le docteur M. ..., dont les conclusions seront retenues par la cour dans la mesure où elles procèdent d'une analyse complète, claire et minutieuse et ne sont remises en cause par aucune pièce médicale contraire que
V. ..., exposée in utero au distilbène, âgée de 27 ans, a présenté un adénocarcinome à cellules claires ; les suites de l'exérèse chimigicale (juillet 1996) couplée à une radiothérapie ont été émaillées de complications ménopause précoce, récidive adénocarcinomateuse (printemps 1997) imposant une hystérectomie totale, infection, fibrose post-radiothérapique exigeant la pose d'endo-prothèses urétérales, réduction importante de la taille du vagin
· l'incapacité temporaire totale s'est étendue du 13/06/1996 au 11/11/1996 puis du 07/04/1997 au 03/01/1998 avec une période d'ITP à 50 % entre le 12/11/1996 et le 06/04/1997 la consolidation a été acquise le 25 octobre 2002 avec un suivi régulier du fait de l'aggravation de la fonction rénale, la récurrence du processus tumoral ne peut pas être définitivement exclue
· l'incapacité permanente partielle est de 60 %
· le pretium doloris est évalué à 6,5/7,
· le préjudice esthétique est évalué à 2/7
- il existe un préjudice d'agrément, les conséquences uro-génitales des lésions rendant difficile la pratique des sports allégués par V. ....
Sur la base de ces conclusions et au vu des pièces produites aux débats, le préjudice subi par V. ... doifêtre indemnisé comme suit
1/ PRÉJUDICE SOUMIS A RECOURS
- frais Médicaux et assimilés
La CPAM du Lot et Garonne justifie d'une créance à hauteur de 44.124,28 euros se décomposant comme suit
Frais médicaux
7.321,26 euros
2.
Hospitalisations
23.161,07 euros
3.
Frais de transport
6.607,23 euros
4.
Prestations en espèces
7.034,72 euros
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.
. - au titre de l'ITT
V. ... indique que la période d'ITT peut être fixée comme suit
-du 18 juin 1996 au 23 juin 1996 soit 5 jours
- du 10 juillet 1996 au 11 novembre 1996 soit 4 mois
- du 7 avril 1997 au 3 janvier 1998 kit 9 mois.
Pendant ces périodes elle a bénéficié d'une prise en charge totale de ses salaires. Sa perte de salaire s'est élevée à la somme de 656,34 francs, soit 106,06 euros, correspondant à ' trois jours de carence au mois de mai 1997. Cette demande est justifiée et non contestée par la société UCB PHARMA.
V. ..., pendant la période d'incapacité temporaire totale de 13 mois, n'a pas été en mesure de se livrer à ses activités habituelles. Elle a subi un préjudice du fait de la perte des joies habituelles de la vie courante puisqu'elle a du être hospitalisée à plusieurs reprises puis restreindre ses activités pendant la convalescence.
Il convient de lui allouer de ce chef la somme de 13.000 euros.
- au titre de L'IPP
Les experts ..., ... et ... ont retenu un taux de 60 %.
Les experts ont relevé que V. ... présente, suite à l'évolution de l'adénocarcinome et aux traitements, une amputation anatomique réduisant à néant toute perspective de grossesse du fait d'une stérilité définitive, une impossibilité anatomique de rapports se,xuels vaginaux, une gêne fonctionnelle provoquée par les séquelles de la radiothérapie avec instabilité vésicale et la contrainte thérapeutique d'une surveillance oncologique, gynécologique et urologique, une ménopause précoce, séquelle de la radiothérapie.
Les experts n'ont pas retenu d'incidence professionnelle. Cependant, ils ont noté qu'en 1996, elle travaillait dans un cabinet d'expertise comptable en qualité de comptable, que suite aux arrêts pour raison médicale, elle a été affectée à un poste qu'elle a considéré comme dévalorisant, que finalement elle a été licenciée et est chargée de la comptabilité dans une entreprise. Elle a perdu une chance de bénéficier d'une évolution.de carrière au_sein du cabinet _ _ d'expertise comptable mais ne produit pas à la cour d' éléments permettant de chiffrer ce préjudice qui sera en conséquence inclut dans l'indemnité au titre de l'IPP.
L'... S. justement indemnisée à hauteur de 186.000 euros à partir d'une valeur du point de 3.100 euros.
Le préjudice soumis à recours des organismes sociaux s'élève à la somme de 243.230,34 euros.
2/ PRÉJUDICE A CARACTÈRE PERSONNEL
- au titre du pr_éjudice spécifique de contamination
Se fondant sur la jurisprudence relative à l'indemnisation des transfusés contaminés par le virus du SIDA ou de l'hépatite C qui a dégagé un nouveau concept de préjudice, le préjudice
spécifique de contamination, V. ... sollicite l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'exposition in utero au DES incluant les souffrances morales éprouvées à la suite des traitements nécessaires mais également l'angoisse d'une récidive qui n'est jamais exclue et les souffrances quotidiennes au plan affectif et moral.
Sans aucunement méconnaître la souffrance morale, quotidiennement ressentie, de V. ... dont la vie est bouleversée depuis l'âge de 27 ans suite à l'exposition in utero au DES alors qu'elle pouvait tout naturellement, comme les autres jeunes femmes, espérer mener une existence hàrmonieuse et heureuse et avoir la joie de donner la vie, il n'apparaît pas que l'indemnisation de ce préjudice justifie le recours à la notion de préjudice spécifique.
En effet, le préjudice spécifiqUe de contamination se définit comme le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, qu'il soit biologique, physique ou chimique, qui comporte le risque d'apparition à plus ou moins brève échéance d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital. C'est ainsi qu'il a été retenu par la jurisprudence notamment pour les victimes transfitsées contaminées par le virus du SIDA. Il inclut, dès la phase de séropositivité, tous les troubles psychiques subis du fait de la contamination (réduction de l'espérance de vie, incertitude quant à l'avenir, crainte d'éventuelles souffrances physiques et morales, isolement, perturbations de la vie familiale et sociale, préjudice sexuel et de procréation) mais également les différents préjudices personnels apparus ou susceptibles d'apparaître comme les souffrances endurées, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément. Le préjudice spécifique de contamination regroupe en réalité l'ensemble des préjudices d'ordre physiologique, psychologique et moral et permet d'indemniser l'entier préjudice des victimes qui sont menacées par une maladie grave mais dont les effets se développeront au terme d'une période dont la durée, qui peut être très longue, est au départ indéterminée.
Le préjudice spécifique de contamination tend à prendre en compte des dommages particuliers comme la réduction de l'espérance de vie avec les angoisses liées à une mort quasiment programmée, les perturbations affectives, familiales et sociales dans les conditions d'existence de la victime ainsi que le caractère essentiellement évolutif des dommages qui ne peuvent être indemnisés selon l'évaluation de droit commun qui suppose un dommage avéré et un état de consolidation.
Or en l'espèce, la maladie dont souffre V. ... est déclarée, les soins nécessaires ont été prodigués et le processus tumoral est considéré comme stabilisé par les médecins qui ont pu fixer une daterie consolidation même si le risque de récurrence.du processus tumoral ne peut être définitivement exclu.
Par ailleurs, tous les enfants exposés in utero au DES n'ont pas été atteints de maladie ou de malformations. Il n'existe donc pas un préjudice résultant du seul fait de l'exposition au DES. Les effets néfastes de ce médicament ne sont apparus que chez certaines personnes et sont très divers dans leurs manifestations de sorte qu'on ne peut retenir la notion générale d'exposition au distilbène pour justifier une indemnisation qui ne peut concerner que celles qui sont effectivement victimes de pathologies ou de malformations.
Les différents préjudices subis par V. ... peuvent être indemnisés selon les critères habituels en matière de réparation du préjudice corporel ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas puisqu'elle sollicite, outre la réparation de ce préjudice spécifique d'exposition in utero, celle des préjudices personnels couramment retenus.
En réalité sous le terme de préjudice spécifique d'exposition in utero, V. ... sollicite la réparation de son préjudice moral, lequel est incontestable et peut être indemnisé au titre du préjudice de la douleur,
- au titre du préiudice de la douleur ph_ysimie et de la souffrance morale
Les experts ont fixé le pretium doloris à 6,5/7.
Au titre des douleurs physiques, V. ... a subi une exérèse chirurgicale en juillet 1996 couplée à une radiothérapie, la récidive adénocarcinomateuse a imposé une hystérectomie totale, là fibrose post-radiothérapique exige désormais la pose d' endoprothèses urétérales.
Les experts ont relevé 'que le handicap physique lié aux anomalies de l'appareil urinaire tient aux problèmes d'incontinence et à la crainte des infections, que la patiente est gênée par le port des prothèses urétérales.
A ces douleurs physiques s'ajoutent des souffrances morales qui sont la conséquence directe de l'exposition in utero au DES.
En effet, à l'âge de 28 ans, V. ... a du subir une intervention chirurgicale invalidante compromettant définitivement toute possibilité de mener une vie de femme normale. Elle a été contrainte d'accepter pendant plusieurs années des examens médicaux nombreux portant atteinte à son intimité qui ne sont pas imposés normalement à une jeune femme. Au lieu de vivre sa jeunesse avec insouciance et construire son existence sereinement, elle doit se battre contre une affection cancéreuse maîtrisée sans que soit définitivement exclue toute récurrence du processus tumoral.
Elle doit vivre avec un corps mutilé qui rend difficile toute vie sociale et la conduit à un isolement certain. Elle se projette dans l'avenir sans espoir de vie ni génitale ni sentimentale avec la crainte de rechutes ce qui génère une angoisse indéniable.
Ce préjudice sera indemnisé par l'octroi de la somme de 50.000 euros. - au titre du préjudice esthétique
Les experts ont retenu un taux de 2/7 au titre du préjudice esthétique.
Ils ont relevé une cicatrice abdominale sous-ombilicale de 18 centimètres, latéralement une cicatrice à droite de la précédente de 2 centimètres et une cicatrice en miroir à gauche.
Ce préjudice sera indemnisé par la somme de 4.500 euros. - au titre du préjudice d'agrément
Le préjudice d'agrément est le préjudice subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d'existence. Il se rapporte à la diminution de tous les agréments de la vie et doit indemniser l'ensemble des troubles dans les actes essentiels de la vie courante, dans les activités affectives et familiales, dans les activités de loisirs.
-10
V. ..., qui pratiquait plusieurs activités sportives, natation, vélo, ski, équitation, a du y renoncer en raison de difficultés pelviennes et tout particulièrement d'incontinence survenant de manière intermittente aux efforts.
Ses conditions d'existence sont rendues difficiles.
L'ami qui l'accompagnait en 1996 s'est éloigné d'elle. Elle trouve soutien et réconfort auprès d'une amie de longue date mais les relations sociales sont perturbées.
Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 15.000 euros.
- au titre du préjudice sexuel etdeprocréation
V. ... ayant subi une hystérectomie totale est privée de toute possibilité de grossesse. Elle présente un état de stérilité.
Physiquement, les experts ont relevé que les rapports sexuels sont impossibles.
S' agissant d'une très jeune femme, ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 45.000 euros.
- Sur les demandes de Anne -M. ... et M. ... au titre de leur préjudice moral par ricochet
A. ... et M. ..., parents de V. ..., sollicitent la réparation de leur préjudice moral d'affection, confrontés au quotidien à la souffrance de leur fille.
Il s'agit là d'une demande qui ne peut être fondée que sur les articles 1382 et 1383 du code civil bien qu'aucun fondement juridique ne soit précisé dans les dernières conclusions.
Il n'est pas contestable que les parents de V. ..., qui accompagnent, soutiennent, aident leur fille dans la douloureuse épreuve qui est la sienne, subissent un préjudice moral par ricochet dont la société UCB PHARMA ne conteste d'ailleurs pas l'existence.
Les parents de Valéiie LABARTHE vivent dans la crainte de l'aggravation de l'état de leur fille.
Ce préjudice a été justement indemnisé par les premiers juges à hauteur de 6.000 euros pbur chacun des parents.
- Sur la demande de A. ... au titre de son préjudice moral propre
Amie-Marie LABARTHE soutient qu'elle a été le vecteur d'un dommage corporel grave sur sa propre descendance, qu'elle a été en lien avec le fabricant UCB PHARMA lequel est contractuellement débiteur d'une obligation de sécurité de résultat à son égard. Elle ne précise toutefois pas le fondement juridique de sa demande au titre de son préjudice moral propre.
Sa demande est recevable sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société UCB PHARMA.
Il ne petit être contesté que A. ... subit un préjudice moral personnel certain puisqu' elle porte, comme elle l'indique dans ses écritures, le poids d'une terrible culpabilisation consistant à avoir absorbé au cours de la grossesse un médicament (qui devait P aider à donner la vie, lequel s'est révélé 27 ans plus tard comme la cause de la maladie grave' diagnostiquée Chez sa fille.
Ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une somme de 4.000 euros.
PAR CES. MOTIFS
statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Constate que la société UCB PHARMA a abandonné sa demande de nullité du rapport d'expertise,
Déboute les consorts ... de leur demande en dommages-intérêts pour abus du droit d'agir en exception de nullité du rapport d'expertise,
- Confirme le jugernent-déféré_en-ce qu'il a retenula responsabilité de la_ société..___._.
UCB PHARMA et a condamné cette dernière à payer aux époux ... la somme de 6.000 euros en réparation de leur préjudice moral par ricochet et à la CPAM du Lot et Garonne la somme réclamée au titre de ses débours, a fait droit aux demandes sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré sur le quantum des sommes allouées à V. ... et en ce qu'il a rejeté la demande de A. ... au titre de son préjudice moral propre, Statuant à nouveau, Fixe l'indemnité due à V. ... comme suit
n Préjudice soumis à recours
- frais médicaux et assimilés
- ITT
- ITT (troubles dans la vie courante)
- IPP 60 %
- Total
2) Préjudice personnel
- préjudice de la douleur physique et de la souffrance morale.
- préjudice d'agrément
- préjudice esthétique
- préjudice sexuel
- Total
44.124,28 euros 106,06 euros 13.000,00 euros 186 000 00 euros 243.230,34 euros 50.000,00 euros 15.000,00 euros 4.500,00 euros 45.000 00 euros 114.500,00 euros
Dit n'y'avoir lieu à fixation d'un préjudice spécifique d'exposition in utero au DES,
Condamne la société UCB PHARMA à payer à V. ... la somme de 313.606,06 euros en réparation de son préjudice corporel déduction faite de la créance de la CPAM,
Condamne la" société UCB PHARMA à payer à A. ... la somme de 4.000 euros en réparation de son 'préjudice moral personnel,
Rectifie le dispositif du jugement déféré en ce sens que le tribunal a condamné la société UCB PHARMA au paiement de la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société UCB PHARMA à payer à la CPAM du Lot et Garonne la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel, '
Condamne la société UC/3 PHARMA à payer la CPAM rlu Lot et Garonne la somme de la somme de 910 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,
Condamne la société UCB PHARMA à payer aux consorts ... ... - - de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Condamne la société UCB PHARMA aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame B. ..., président et par Madame ..., greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, -
Le PRÉSIDENT,