SOC.PRUD'HOMMESN.R
COUR DE CASSATION
Audience publique du 27 septembre 2006
Cassation partielle
M. SARGOS, président
Arrêt n° 2145 FS D Pourvois n° R 04-45.754 S 04-45.755 U 04-46.401 W 04-46.403Jonction
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
I - Statuant sur les pourvois n° R 04-45.754 et S 04-45.755 formés par
1°/ M. Bernard Z, domicilié Nanterre,
2°/ M. Benyamin Y, domicilié Noisiel, contre deux arrêts rendus le 17 juin 2004 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans les litiges les opposant
1°/ à la société Copagau, société anonyme,
2°/ à la société Copagly, société anonyme,
3°/ à la société Taxitel, société anonyme,
toutes trois ayant leur siège Clichy,
4°/ à la Chambre syndicale des loueurs de voitures automobiles (CSLVA), dont le siège est Clichy, défenderesses à la cassation ;
II - Statuant sur les pourvois n° U 04-46.401 et W 04-46.403 formés par
1°/ la société Copagau, société anonyme,
2°/ la société Copagly, société anonyme,
3°/ à la société Taxitel, société anonyme,
contre les mêmes arrêts rendus entre les mêmes parties ;
La Chambre syndicale des loueurs de voitures automobiles (CSLVA) a formé un pourvoi incident contre les mêmes arrêts ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 juillet 2006, où étaient présents M. Sargos, président, M. Blatman, conseiller rapporteur, M. Chagny, conseiller doyen, MM. Barthélemy, Marzi, Gosselin, conseillers, Mmes Grivel, Leprieur, Martinel, conseillers référendaires, M. Mathon, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Blatman, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat des sociétés Copagau, Copagly, et Taxitel, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Chambre syndicale des loueurs de voitures automobiles, les conclusions de M. Mathon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° R 04-45.754, S 04-45.755, U 04-46.401 et W 04-46.403 ;
Sur les pourvois n° R 04-45.754 et S 04-45.755 des chauffeurs de taxis
Attendu qu'à partir des années 1987-1989 MM. Z et Y ont conclu respectivement avec les sociétés Taxitel et Copagly, appartenant au groupe G7, des contrats de location de "véhicule équipé-taxi" qui, à partir de 1997, ont été stipulés pour une durée minimum d'un an et établis en fonction d'un contrat-type élaboré par les partenaires sociaux le 31 janvier 1996 ; que le 20 décembre 2003, les locataires ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de leurs contrats en contrat de travail depuis l'origine, le remboursement de la part patronale des cotisations sociales payées aux sociétés et la délivrance d'un certificat de travail comme des bulletins de salaire correspondants ; que la Chambre syndicale des loueurs de véhicules automobiles (CSLVA) est intervenue volontairement dans ces instances ; que par arrêts du 17 juin 2004, la cour d'appel de Versailles a requalifié tous les contrats de location en contrats de travail, condamné en conséquence les sociétés de taxis à remettre à MM. Z et Y un certificat de travail mentionnant leur qualité de conducteur de taxi salarié depuis le premier contrat de location jusqu'au 25 mai 2003 pour le premier, au 30 novembre 2002 pour le second, et a débouté les intéressés de leurs demandes en remboursement de la part patronale des cotisations sociales ;
Sur le premier moyen
Attendu que MM. Z et Y font grief aux arrêts attaqués de les débouter de leurs demandes de restitution des charges patronales de sécurité sociale que leur faisait supporter leur employeur pour la période antérieure au 20 décembre 1996, alors, selon le moyen, que la réclamation des intéressés concernant des charges de sécurité sociale n'ayant pas la nature de contrepartie du travail du salarié, donc de salaire ou d'accessoire du salaire, peu important leur déduction du salaire, la prescription quinquennale n'était pas applicable, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 2277 du code civil et L. 143-14 du code du travail ;
Mais attendu que l'action des salariés, tendant au paiement de sommes qui n'auraient pas dû être déduites de leur salaire, a la nature d'une action en rappel de salaire ; qu'il en résulte que la prescription quinquennale prévue aux articles 2277 du code civil et L. 143-14 du code du travail était applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen des pourvois n° U 04-46.401 et W 04-46.403 des sociétés de location de taxis et le moyen unique du pourvoi incident de la Chambre syndicale des loueurs de véhicules automobiles
Vu les articles L. 121-1 et L. 511-1 du code du travail ;
Attendu que, pour dire que les contrats de location de "véhicule équipé taxi" conclus à partir de 1997 constituaient un contrat de travail, la cour d'appel retient que ceux-ci imposaient aux locataires des obligations excédant la seule nécessité de la location d'un véhicule, conféraient aux loueurs un pouvoir de direction et de contrôle sur l'activité des conducteurs de taxi, se traduisant par une ingérence dans la liberté du locataire d'organiser son travail et une immixtion dans l'exercice de la profession de taxi ; que ces mêmes contrats instituaient sous couvert du mode de paiement de la location un système de rémunération par salaire variable, et donnaient aux loueurs un pouvoir disciplinaire encore supérieur à ceux de la commission de discipline ;
Attendu, cependant, que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ;
Qu'en se bornant à analyser certaines clauses du contrat, sans rechercher si indépendamment des conditions d'exécution du travail imposées par les nécessités de police administrative, dans les faits, les sociétés avaient le pouvoir de donner des ordres et des directives relatifs non pas au seul véhicule objet du contrat de location mais à l'exercice du travail lui-même, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de subordination, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté MM. Z et Y de leurs demandes en remboursement de la part patronale des cotisations sociales versées aux sociétés propriétaires de taxis, les arrêts rendus le 17 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne MM. Z et Y aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille six.