SOC.PRUD'HOMMESFB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 7 juin 2006
Rejet
M. CHAGNY, conseiller doyen faisant fonctions de président
Arrêt n° 1387 F D
Pourvoi n° Q 04-45.592
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la Société d'exploitation mixte des transports de l'agglomération de Montpellier (TAM), société anonyme, dont le siège est Montpellier ,
contre l'arrêt rendu le 19 mai 2004 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Gérard Z, domicilié Vendargues, défendeur à la cassation ;
M. Z a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 mai 2006, où étaient présents M. Chagny, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Trédez, conseiller rapporteur, Mme Quenson, conseiller, M. Rovinski, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Trédez, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Société d'exploitation mixte des transports de l'agglomération de Montpellier (TAM), les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur
Attendu que M. Z, employé en qualité de chauffeur par la société des transports de l'agglomération de Montpellier, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents pour la période d'octobre 1993 à septembre 1998 ; que la décision ayant fait droit à sa demande a été cassée ; (Soc.15 janvier 2002 et 4 juin 2002, pourvoi n° 99-42.622) ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de renvoi de la même demande en invoquant une discrimination salariale et en y ajoutant une demande de rappel de salaire au titre de son inaptitude médicale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 mai 2004) de l'avoir condamné à payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés et de dommages-intérêts pour discrimination salariale alors, selon le moyen
1°/ que le salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire doit préalablement soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination salariale ; qu'en considérant que cette condition était satisfaite par la seule production de simples bulletins de salaire, sans même constater qu'ils concernaient des salariés placés dans une situation identique ou comparable à celle de M. Z, et sans faire état de l'existence d'aucune autre pièce susceptible de corroborer les allégations de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article L. 122-45 du code du travail ;
2°/ que n'est pas discriminatoire, l'application d'un traitement différent à des personnes se trouvant dans une situation dissemblable ; que constitue un critère objectif et précis le fait pour l'entreprise de transport public de prévoir une majoration des heures supplémentaires pour les conducteurs qui sont amenés à travailler en dehors des "roulements" auxquels ils ont été initialement affectés afin de maintenir la continuité du service public, peu important qu'ils aient été volontaires ou non ; que dèsl'instant où l'arrêt attaqué ne remet pas en cause l'existence même des "roulements" et des possibilités de changement d'affectation des salariés d'un roulement à un autre, ce dont il en résultait nécessairement une sujétion particulière et des situations distinctes non susceptible de comparaison, viole les articles L. 122-45, L. 133-5-4° et L. 136-2-8° du code du travail, la cour d'appel qui retient néanmoins que le paiement des heurs supplémentaires majorées aux salariés qui sont amenés à travailler sur un autre roulement que celui auquel ils ont été initialement affecté serait discriminatoire ;
3°/ qu'en vertu de son pouvoir de direction, l'employeur est en droit de modifier les conditions de travail pour assurer la gestion du service public dont il est en charge, ce dont il résulte en l'espèce que la société TAM était en droit d'imposer ponctuellement aux chauffeurs de travailler sur d'autres roulement que ceux sur lesquels ils étaient initialement affectés ; qu'ainsi le seul critère opérant était celui de savoir si tous les chauffeurs, lorsqu'ils effectuaient des heures supplémentaires en exécution d'un roulement qui n'était pas le leur percevaient ou non une rémunération majorée, qu'ils aient été volontaires ou non pour exécuter ce roulement ; qu'en reprochant dès lors à l'exposante de ne pas avoir rapporté la preuve du caractère volontaire des prestations ouvrant droit à majoration, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-45, L. 133-5-4° et L. 136-2-8° du code du travail ;
4°/ que M. Z n'a jamais prétendu devant la cour qu'il avait effectué des heures supplémentaires non majorées en dehors de son roulement, pas plus qu'il n'a soutenu avoir été empêché à un moment quelconque de sa carrière d'exécuter des heures de travail sur un autre roulement que celui sur lequel il était initialement affecté ; qu'en reprochant dès lors à l'exposante de ne pas justifier de l'existence "d'un critère fondé sur le volontariat", la cour d'appel a modifié les termes du litige et, en conséquence, violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;
5°/ qu'il n'existe aucune obligation de répartition "équitable" des heures supplémentaires entre les différents salariés de l'entreprise, l'employeur restant au contraire libre de désigner les salariés qui devront effectuer des heures supplémentaires, en fonction des nécessités du service et des agents disponibles ; qu'en reprochant pourtant à la société TAM de ne pas avoir justifié des "conditions permettant aux salariés de présenter de façon égalitaire leurs candidatures", ni "les modalités objectives selon lesquelles ces candidatures devaient être transmises à l'employeur ainsi que celles selon lesquelles l'employeur pouvait les accepter ou les refuser", la cour de Montpellier a violé par fausse application les articles L. 122-45, L. 133-5-4° et L. 136-2-8° du code du travail, ensemble l'article L. 212-5 du même code ;
6°/ que pour les mêmes raisons, la cour s'est immiscée dans la gestion de l'entreprise, en violation de l'article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791, ensemble les articles L. 120-1, L. 122-2 et L. 212-5 du code du travail ;
Mais attendu, qu'en application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ;
Et attendu que les juges du fond ont constaté, d'une part, que le salarié rapportait la preuve par la production des bulletins de salaire d'éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération entre les chauffeurs en matière de majoration des heures effectuées au-delà de la durée du travail applicable dans l'entreprise, mais, d'autre part, que l'employeur n'établissait pas l'existence d'éléments objectifs en termes de coefficient, classification, qualification, ancienneté, connaissances professionnelles, diplômes, expérience, responsabilité, justifiant la différence de rémunération ;
Que par ce seul motif, et sans encourir les griefs du moyen, l'arrêt est légalement justifié ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;
Condamne la Société d'exploitation mixte des transports de l'agglomération de Montpellier aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille six.