CIV. 1 C.M.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 21 mars 2006
Cassation partielle
M. ANCEL, président
Arrêt n° 574 F D
Pourvoi n° D 04-20.627
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre Z, demeurant Nice,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 octobre 2004 par la cour d'appel de Rennes (7ème chambre), au profit
1°/ de la société Polyclinique de Keraudren, société anonyme, dont le siège est Rue Ernestine X X, BP. Brest Cedex,
2°/ de la société d'assurances AGF, dont le siège est Paris,
3°/ de la Caisse des français de l'étranger, dont le siège est Rubelles,
4°/ de M. Michel V, domicilié Ernestine X X Brest Cedex, défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 février 2006, où étaient présents M. Ancel, président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire rapporteur, M. Bargue, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, les observations de la SCP Vincent et Ohl, avocat de M. Z, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Polyclinique de Keraudren, de la SCP Gatineau, avocat de M. V, les conclusions écrites de M. Sarcelet, avocat général telles qu'elles figurent sur son rôle d'audience, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Z du désistment partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les AGF et la Caisse des français de l'étranger ;
Attendu que M. Z, présentant une hernie discale, a été opéré, le 12 mai 1995, par M. V, chirurgien, à la polyclinique de Keraudren et a contracté une infection nosocomiale ayant justifié une seconde intervention chirurgicale ; qu'il a recherché la responsabilité de ce praticien et de la polyclinique au titre des soins pratiqués, de l'information préalable et de cette infection ; que l'arrêt attaqué, se fondant sur deux rapports d'expertise judiciaire, a dit n'y avoir lieu à annulation de la seconde expertise, condamné la polyclinique à verser à M. Z une indemnité provisionnelle au titre de la complication occasionnée par l'infection nosocomiale, et pour l'essentiel débouté ce dernier de son action contre M. Milaire V les premier et troisième moyens réunis tels qu'énoncés au mémoire en demande et annexés au présent arrêt
Attendu, d'abord, que l'inobservation des formalités substantielles prescrites par l'article 276 du nouveau Code de procédure civile n'entraîne la nullité de l'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et après avoir examiné, sans se substituer aux experts, le contenu des observations adressées à ces derniers par le conseil de M. Z, que la cour d'appel a estimé que le patient ne justifiait d'aucun grief causé par le défaut d'annexion au rapport de ces observations ; qu'ensuite, c'est encore dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans méconnaître l'objet du litige, qu'elle a estimé que M. Z qui ne pouvait éviter l'intervention litigieuse ne justifiait d'aucun préjudice en lien de causalité avec le défaut d'information imputable à M. V ; que les moyens ne sont donc pas fondés ;
Mais sur le deuxième moyen
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. Z de sa demande à l'encontre de M. V au titre de l'infection nosocomiale dont il a été victime, la cour d'appel relève qu'au vu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il incombait au patient de démontrer l'existence d'une faute du médecin lors de la stérilisation du matériel mis en oeuvre, que la cause première de l'infection nosocomiale n'avait pu être clairement isolée et que la faute de M. V n'était pas établie ;
Attendu cependant que selon l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, modifié par l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale, l'article L. 1142-1 issu de la loi du 4 mars 2002 qui retient uniquement à la charge des établissements de soins une responsabilité de plein droit en cas d'infection nosocomiale, est applicable seulement aux infections nosocomiales consécutives à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ; qu'en l'absence d'application en la cause de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, M. V était, comme la polyclinique, tenu à l'égard de M. Z d'une obligation de sécurité de résultat dont il n'était pas en mesure de se libérer par la preuve d'une cause étrangère ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a débouté M. Z de sa demande à l'encontre de M. V au titre de l'infection nosocomiale dont il a été victime, l'arrêt rendu le 6 octobre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. V aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille six.