SOC.PRUD'HOMMESM.F
COUR DE CASSATION
Audience publique du 22 février 2006
Cassation partielle
Mme MAZARS, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 535 F D Pourvois n° S 03-46.027 F 03-46.339 JONCTION
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de Cassation en date du 24 février 2004.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
I Sur le pourvoi n° S 03-46.027 formé par la société Les Grands Garages du Berry, société anonyme, dont le siège est Saint-Maur,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 juin 2003 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans l'instance l'opposant à M. Gérald Z, demeurant Saint-Hilaire-sur-Helpe, défendeur à la cassation ;
M. Z a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
II Sur le pourvoi n° F 03-46.339 formé par M. Gérald Z, en cassation du même arrêt rendu entre les mêmes parties ;
En présence de
- l'ASSEDIC Région Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est Tourcoing,
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 janvier 2006, où étaient présents Mme Mazars, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Marzi, conseiller rapporteur, M. Trédez, conseiller, Mme Auroy, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Marzi, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Les Grands Garages du Berry, de la SCP Thouin-Palat, avocat de M. Z, les conclusions de M. Duplat, avocat général, en présence de M. Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s S 03- 46.027 et F 03-46.339 ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 27 juin 2003), M. Z a été engagé comme assistant qualité par la société Les Grands Garages du Berry, selon trois contrats à durée déterminée conclus respectivement du 5 mars au 4 juin 2001, puis du 1er juillet au 31 juillet 2001 et enfin du 1er septembre au 31 octobre 2001 ; qu'au delà, la relation contractuelle s'est poursuivie jusqu'au 12 décembre 2001, date à laquelle l'employeur, par voie d'huissier, a sommé le salarié de quitter l'entreprise ;
que M. Z a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification des trois contrats à durée déterminée en trois contrats à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de la société à lui payer outre les indemnités de requalification, diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ces contrats ;
Sur le pourvoi principal n° S 03-46.027 de la société Les Grands Garages du Berry ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident de M. Z, contesté par la société
Attendu que la partie qui a formé un pourvoi en cassation n'est plus recevable à en former un nouveau contre la même décision ;
Attendu que M. Z qui avait formé le 3 septembre 2003 un pourvoi principal contre l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 27 juin 2003, était irrecevable à former le 24 mai 2004, sur le pourvoi principal de la société en date du 27 août 2003, un pourvoi incident contre la même décision ; qu'un tel pourvoi est irrecevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Les Grands Garages du Berry
Vu les articles L. 122-3-13, L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du Code du travail ;
Attendu qu'après avoir requalifié les trois contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et constaté que le salarié avait été licencié sans cause réelle et sérieuse à l'issue de chaque contrat, la cour d'appel retient qu'en définitive, il est dû à l'appelant pour chacun des licenciements, une indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire, des dommages-intérêts pour rupture abusive qui tiendront compte tant de son ancienneté que des circonstances des trois ruptures successives, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement cumulable en l'espèce, par application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail, M. Z présentant moins de deux années d'ancienneté, et des indemnités de préavis ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque plusieurs contrats à durée déterminée sont requalifiés en contrat à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement et que le salarié ne peut prétendre qu'aux indemnités de rupture lui revenant à ce titre ainsi qu'à une seule indemnité de requalification dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le pourvoi principal n° F 03-46.339 de M. Z ;
Sur la déchéance du pourvoi soulevée par la société
Attendu que la société conclut à la déchéance du pourvoi de M. Z formalisé le 3 septembre 2003 au motif que le pourvoi qui ne contenait l'énoncé d'aucun moyen n'a pas été complété par le dépôt du mémoire en demande dans le délai prescrit par l'article 989 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la décision définitive sur la demande d'aide juridictionnelle de M. Z lui ayant été notifiée le 25 septembre 2004, le mémoire déposé le 25 novembre 2004 est recevable ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1319 et 1350 du Code civil, 307, 308 et 561 du nouveau Code de procédure civile
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de n'avoir pas statué sur l'inscription de faux incidente qu'il a formée contre certaines affirmations contenues dans le jugement du conseil de prud'hommes ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a estimé qu'elle pouvait statuer sans tenir compte des déclarations arguées de faux, n'a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que pour des motifs tirés d'une violation des articles 455 du nouveau Code de procédure civile, L. 120-2, L. 122-3-13 et R. 516-31 du Code du travail, 5c de la Convention internationale du travail et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le demandeur fait également grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes en nullité du licenciement et en réintégration ;
Mais attendu que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur est soumise à la procédure de licenciement prévue par les articles L. 122-14 et suivants du Code du travail et n'ouvre droit pour le salarié, dès lors qu'aucun texte n'interdit ou ne restreint la faculté de l'employeur de le licencier, qu'à des réparations de nature indemnitaire ; qu'il en résulte que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant, et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement ;
Et attendu qu'ayant constaté que le contrat de travail s'était poursuivi par l'effet de sa requalification en contrat à durée indéterminée, jusqu'à ce que l'employeur prenne l'initiative de le rompre pour des motifs étrangers à l'intention manifestée par M. Z de saisir le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a exactement décidé qu'en l'absence d'une violation d'une liberté fondamentale, elle ne pouvait prononcer l'annulation du licenciement ni ordonner la poursuite des relations contractuelles ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que, pour des motifs pris d'une violation des articles 1315 du Code civil et 12 du nouveau Code de procédure civile, le demandeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en paiement d'une prime de vacances et d'une indemnité de véhicule de fonction ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui a décidé que l'obligation de l'employeur à verser au salarié une prime de vacances ou à lui attribuer un véhicule de fonction, n'était pas établie, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatrième et cinquième moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Déclare irrecevable le pourvoi incident de M. Z ;
Rejette le pourvoi n° F 03-46.339 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que seraient dus au salarié, pour chacun des licenciements, une indemnité de requalification, des dommages-intérêts pour rupture abusive, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et une indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 27 juin 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges, autrement composée ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille six.