Cass. soc., 25-01-2006, n° 03-46.618, FS-P+B, Cassation totale partiellement sans renvoi.



SOC.PRUD'HOMMESM.F

COUR DE CASSATION

Audience publique du 25 janvier 2006

Cassation totale partiellement sans renvoi

M. SARGOS, président

Arrêt n° 236 FS P+B

Pourvoi n° J 03-46.618

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par Mlle Sandrine Z, demeurant Saint-Juery,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 septembre 2003 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), au profit de la société MSM, société anonyme, dont le siège est Vic-en-Bigorre, défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 décembre 2005, où étaient présents M. Sargos, président, M. Texier, conseiller rapporteur, M. Chagny, conseiller doyen, Mmes Mazars, Quenson, MM. Trédez, Blatman, Barthélemy, Marzi, Chollet, Gosselin, conseillers, Mmes Nicolétis, Auroy, Grivel, Leprieur, Martinel Bouvier, M. Rovinski, Mme Capitaine, conseillers référendaires, M. Foerst, avocat général, Mlle Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société MSM, les conclusions de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens réunis

Vu les articles L. 762-1 et L. 762-2 du Code du travail, ensemble l'article 2262 du Code civil ;

Attendu que Mlle Z a été engagée le 10 octobre 1992 par la société MSM pour jouer le rôle principal du film intitulé "Bernadette, sa vie, sa passion" ; que sa rémunération a été fixée à une somme forfaitaire "pour l'ensemble de sa prestation, y compris le travail d'interprétation" ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une action tendant au paiement par la société MSM de la rémunération due pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre filmée, notamment par vidéocassettes ;

Attendu que, pour débouter l'intéressée de sa demande, la cour d'appel a retenu que les dispositions impératives des articles L. 762-1 et L. 762-2 du Code du travail ainsi que celles des articles L. 212-3 et L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle, applicables au cas d'espèce, sont prises dans le seul intérêt de l'artiste-interprète et qu'en conséquence leur violation alléguée ne peut donner lieu qu'à une nullité relative ; que l'article 1304 du Code civil institue une prescription de cinq ans pour l'action en nullité relative d'une convention de sorte que l'action en nullité relative du contrat conclu le 10 octobre 1992 introduite le 19 avril 2000 était prescrite ;

Attendu, cependant, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 762-1 du Code du travail que tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'assure moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; que, d'autre part, selon l'article L. 762-2 du même Code, n'est pas considérée comme salaire la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter ledit enregistrement et que cette rémunération n'est en rien fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais au contraire fonction du produit de la vente ou de l'exploitation dudit enregistrement ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations et énonciations que l'action de Mlle Z, qui avait été engagée en vertu d'un contrat de travail d'artiste-interprète, s'analysait en une demande de paiement d'une rémunération ne présentant pas le caractère de salaire, étrangère à l'application de l'article 1304 du Code civil, et soumise dès lors à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu à renvoi devant une autre cour d'appel du chef de la prescription, la Cour de cassation pouvant donner au litige de ce chef la solution appropriée, par application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 15 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la prescription ;

Dit que l'action de Mlle Z est soumise à la prescription trentenaire ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, mais uniquement pour qu'elle statue sur les points restant en litige ;

Condamne la société MSM aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société MSM à payer à Mlle Z la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille six.