Des minutes du Secrétariat-Greffe
de la Cour d'Appel de ROUEN a été
extrait ce qui suit
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES
Section RÉFÉRÉ PRUD'HOMAL
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2001
01/03255
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G 2) DÉCISION ATTAQUÉE
ti' . i,stoy(\e",, Ordonnance de référé du Conseil des Prud'hommes de ROUEN du 30
Août 2001 La.
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APPELANT
ça;'te \)cs--1/4-'1e5ett; -VQaMonsieur Cédric Z
ROUEN.
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SA SAGEM ece_ ) ecce% Boulevard Lénine - BP 428
SAINT ETIENNE DU ROUVRAY CEDEX
?gin M Représentée par Me Patricia PANZERI-HEBERT (avocat au barreau de ROUEN) et Me J. ... (avocat au barreau de PARIS), plaidant e2h - Lct_e"""..
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£ct. COMPOSITION DE LA COUR
kt 7-3 11. 01 Lors des débats et du délibéré
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(0 -1 Monsieur ..., Président
Madame ... ..., Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS
Mme NOEL-DAZY, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique du 23 Octobre 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Novembre 2001
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé à l'audience publique du 13 Novembre 2001 par Monsieur le Président SOLLE-TOURETTE qui a signé la minute avec Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.
LES FAITS ET LA PROCÉDURE
Monsieur Z a été embauché le 1" octobre 2000 par la société SAGEM en qualité d'agent technique des méthodes à SAINT ETIENNE DU ROUVRAY, au salaire brut mensuel de 10.230 Francs sur 13 mois pour 35 heures, et affecté à l'unité de fabrication " terminaux numériques ".
Le règlement intérieur de l'établissement précise que les salariés portent une blouse blanche fermée, une talonnette pour éviter les problèmes liés à l'électricité statique et un badge.
Le 21 mai 2001, Monsieur Z est venu travailler en bermuda ; Il a continué à porter un bermuda les jours suivants malgré les observations orales puis, (à sa demande), écrites, de sa hiérarchie, lui demandant de porter un pantalon sous sa blouse et un entretien lui demandant de respecter cette consigne.
Il a été licencié le 22 juin 2001 pour les motifs suivants
" - avoir manifesté à l'égard de sa hiérarchie une opposition forte et persistante à l'application d'une consigne simple respectée par l'ensemble des salariés (port d'un pantalon par les hommes sur les lieux de travail) ;
- avoir donné à son comportement et à son opposition une publicité décrédibilisant la hiérarchie et avoir fait peser sur la société un risque important de perte d'images auprès des clients de l'entreprise fréquemment présents sur le site. "
Monsieur Z a saisi le 4 juillet 2001 la formation de référé du Conseil des Prud'hommes de ROUEN en demandant, sur le fondement des dispositions des articles L 122-45 et L 120-2 du Code du Travail, l'annulation de son licenciement et sa réintégration sous astreinte.
Par ordonnance du 30 août 2001, le Conseil des Prud'hommes, statuant en départage l'a débouté de ses demandes aux motifs, d'une part que la " discrimination sexuelle invoquée n'était pas établie ", d'autre part que " quand bien même l'interdiction de porter un bermuda constituerait une atteinte injustifiée aux droits du salarié, la juridiction n'avait pas le pouvoir d'annuler le licenciement ;
Monsieur Z a régulièrement interjeté appel de cette décision.
LES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses écritures et de ses observations orales, Monsieur Z expose notamment que
- il abandonne le moyen fondé sur les dispositions de l'article L 122-45 du Code du travail (le droit de se vêtir à sa guise ne bénéficiant pas de la protection de cet article), et fonde sa demande sur les articles L 120-2, L122-35 et R 516-31 du Code du Travail, 1134 du Code Civil et 809 du Nouveau code de procédure civile ;
- il y avait pour le salarié nécessité majeure d'être à l'aise pour travailler compte tenu de la chaleur et l'exigence de l'employeur de " porter un pantalon " ne repose ni sur le contrat de travail, ni sur le régulièrement intérieur, ni sur une note de service ;
- le règlement intérieur tout comme les instructions données par la hiérarchie ne peuvent apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir et proportionnelles au but recherché ;
- Monsieur Z n'est pas en contact avec la clientèle et d'ailleurs le préjudice invoqué par la société SAGEM pour justifier l'ordre de porter un pantalon est purement hypothétique ;
- l'employeur viole la liberté d'expression du salarié en lui interdisant de manifester publiquement son désaccord avec une consigne illégale ;
- la violation d'une liberté fondamentale est donc établie ; elle entraîne un trouble manifestement illicite et une voie de fait permettant à la juridiction des référés de prononcer la nullité du licenciement, mesure proportionnée à la gravité de l'acte patronal attentatoire à la dignité humaine ;
Monsieur Z demande en conséquence à la Cour d'infirmer l'ordonnance déférée et de
- déclarer nul son licenciement ;
- ordonner la remise en état, donc la continuation du contrat de travail sous astreinte de 600 Francs par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt ;
- ordonner le paiement du salaire à compter du 25 août 2001.
- condamner la société SAGEM à payer à Monsieur Z la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- ordonner l'affichage de l'arrêt dans les locaux de l'entreprise bien à la vue du personnel ;
Aux termes de ses écritures et observations orales, la société SAGEM répond que
- le juge des référés ne dispose pas de plus de pouvoir que le juge du fond et seul le non-respect des libertés fondamentales mentionnées à l'article L122-45 du Code du Travail peut entraîner la nullité du licenciement ;
- il n'existe aucune " illicéité " manifeste ;
- la nécessité de porter une tenue correcte et adaptée fait partie des obligations générales du salarié, qui n'ont pas à être rappelées dans le règlement intérieur ; ce n'est pas le cas d'un homme qui porte une blouse sur des jambes nues et ce costume entraînait une perturbation au sein de l'entreprise ;
- Il faisait 21,5° le 21 mai 2001 et plus frais les jours suivants ;
- Monsieur Z travaillait dans un bureau paysager ouvert et vitré et était amené à se déplacer dans des locaux où circulaient les clients ;
- il a donné volontairement à un incident que la direction voulait considérer comme mineur une publicité déplacée, qui ne peut être considérée comme relevant de la liberté d'expression, et l'a transformé en manifestation d'une contestation délibérée de l'autorité de l'employeur ;
La société SAGEM demande donc à la Cour de
- dire et juger sans fondement juridique la demande de nullité du licenciement et de réintégration ;
- dire et juger qu'en tout état de cause. Monsieur Z ne justifie pas d'un trouble manifestement illicite ;
en conséquence
- confirmer l'ordonnance entreprise ;
- condamner Monsieur Z au paiement de la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE,
Attendu que l'article R 516-31 du Code du Travail dispose
La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite
Attendu qu'il n'en résulte pas que le juge puisse, en référé, prendre des mesures qu'il ne pourrait prendre lorsqu'il statue au fond ;
Attendu que le Code du Travail prévoit la possibilité de prononcer la nullité du licenciement et la réintégration du salarié dans des cas précis et limités
- ceux visés par l'article L. 122-45 dont Monsieur Z reconnaît qu'ils ne s'appliquent pas en l'espèce ; (licenciements fondés sur l'origine, le sexe, les moeurs, la situation de famille, la race, les opinions politiques ou religieuses, les activités syndicales, l'inaptitude physique, l'exercice normal du droit de grève)
- ceux visés par l'article 1422-46 (refus de faveurs sexuelles) ;
- le licenciement des représentants syndicaux en cas d'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail ;
- le licenciement d'une salariée en état de grossesse en l'absence de faute grave ;
- le licenciement prononcé à la suite d'une action en justice relative à l'égalité entre hommes et femmes (L 123-5) ;
en conséquence
- confirmer l'ordonnance entreprise ;
- condamner Monsieur Z au paiement de la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE,
Attendu que l'article R 516-31 du Code du Travail dispose
" La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. "
Attendu qu'il n'en résulte pas que le juge puisse, en référé, prendre des mesures qu'il ne pourrait prendre lorsqu'il statue au fond ;
Attendu que le Code du Travail prévoit la possibilité de prononcer la nullité du licenciement et la réintégration du salarié dans des cas précis et limités
- ceux visés par l'article L.122-45 dont Monsieur Z reconnaît qu'ils ne s'appliquent pas en l'espèce ; (licenciements fondés sur l'origine, le sexe, les moeurs, la situation de famille, la race, les opinions politiques ou religieuses, les activités syndicales, l'inaptitude physique, l'exercice normal du droit de grève)
- ceux visés par l'article L.122-46 (refus de faveurs sexuelles) ;
- le licenciement des représentants syndicaux en cas d'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail ;
- le licenciement d'une salariée en état de grossesse en l'absence de faute grave ;
- le licenciement prononcé à la suite d'une action en justice relative à l'égalité entre hommes et femmes (L.123-5) ;
- le licenciement économique de plus de 10 salariés en l'absence de plan social (L321-4-1) ;
Attendu que l'article L122 14 4 dispose que dans les autres cas de licenciements qui ne reposeraient pas sur une cause réelle et sérieuse, le tribunal peut seulement proposer la réintégration du salarié et en cas de refus accorder des dommages intérêts ;
Attendu cependant que Monsieur Z fait valoir que la transgression par l'employeur de la règle générale de l'article L 1202 " Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. " serait constitutive d'un trouble illicite permettant la remise en état ;
Mais attendu que l'article L122-45 indique précisément ceux des droits des personnes et des libertés fondamentales dont la violation entraîne la nullité du licenciement, qu'aucune disposition n'autorise d'étendre cette liste à d'autres libertés, comme celle de se vêtir à sa guise, qui n'apparaissent pas " fondamentales " ;
Attendu, en outre, que le licenciement est en l'espèce fondé non seulement sur le port d'une tenue vestimentaire inhabituelle pour un administratif, considérée comme apportant un trouble dans l'entreprise et susceptible d'en donner une mauvaise image auprès des clients, mais encore sur le comportement publiquement contestataire du salarié ;
Attendu que ce second grief, que l'éventuelle irrégularité du premier apparaît insuffisant pour justifier, est de nature purement disciplinaire et ne concerne l'exercice d'aucune liberté fondamentale, qu'il en résulte que le licenciement prononcé pour ce motif ne peut être constitutif d'un trouble manifestement illicite et peut seulement permettre s'il était considéré comme insuffisamment réel et sérieux, l'octroi de dommages intérêts ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise ; en toutes ses dispositions et de débouter Monsieur Z de l'ensemble de ses demandes ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la
société SAGEM les frais exposés en marge des dépens en cause
d'appel ; qu'il y a donc lieu de la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare l'appel recevable en la forme ;
Au fond -
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Déboute Monsieur Cédric Z de ses demandes ;
Déboute la société SAGEM de sa demande en paiement de frais hors dépens ;
Met les dépens d'appel à la charge de Monsieur Cédric Z.
Le Greffier, Le Président,
Pour expédition conforme,
Le Greffier en Chef de b Cc
d'Appel de ROUEN