Cass. soc., 05-01-2005, n° 04-60.164, F-D, Rejet



SOC.ELECTIONSC.B.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 5 janvier 2005

Rejet

M. BOURET, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président

Arrêt n° 19 F D Pourvois n°         D 04-60.164 E 04-60.165        JONCTION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur les pourvois n°s D 04-60.164 et E 04-60.165 formés par la société Esterra, dont le siège social est Lezennes, en cassation de deux jugements rendus le 3 mars 2004 par le tribunal d'instance de Lille (contentieux des élections professionnelles), au profit

1°/ de M. Bruno Y, demeurant La Chapelle d'Armentières,

2°/ du syndicat Force ouvrière (FO), dont le siège social est Lille,

3°/ de M. Daniel W, demeurant Tourcoing,

4°/ du syndicat CFDT, Syndicat des Transports de la métropole lilloise, dont le siège social est Lille,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 novembre 2004, où étaient présents M. Bouret, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Morin, conseiller rapporteur, Mme Pérony, conseiller, Mme Farthouat-Danon, conseiller référendaire, M. Collomp, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Morin, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Esterra, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° D 04-60.164 et E 04-60.165 ;

Sur le moyen unique de cassation commun aux pourvois

Attendu que l'Union départementale FO et le syndicat CFDT des transports de l'agglomération lilloise ont procédé respectivement, le 8 janvier et le 26 janvier 2004, à la désignation de MM. ... et W en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise de la société Esterra, alors que chacun de ces syndicats y avait déjà nommé un représentant ;

Attendu qu'il est fait grief aux jugements attaqués (Lille, 3 mars 2004) d'avoir rejeté la demande d'annulation de ces désignations formé par l'employeur, alors, selon le moyen

1°/ que le nombre de représentants syndicaux au comité d'entreprise de chaque organisation syndicale ne peut être augmenté qu'à la suite d'une convention ou un accord collectif négocié et non d'un simple usage ; qu'en se fondant sur l'existence d'un usage, qui aurait existé au sein de la société Esterra, selon lequel les syndicats représentatifs dans l'entreprise pourraient procéder chacun à la désignation de deux représentants syndicaux auprès du comité d'entreprise et non d'un seul pour dire que les syndicats FO et CFDT étaient en droit de revendiquer la possibilité de faire application d'un tel usage et débouter en conséquence la société exposante de ses demandes en annulation de la désignation par ces syndicats d'un second représentant syndical auprès du comité d'entreprise en la personne de M. ... et de M. W, le tribunal d'instance a violé les articles L. 412-17, L. 412-21 et L. 433-1 du Code du travail ;

2°/ que l'existence d'un usage d'entreprise ne peut être établie que par la preuve d'une pratique patronale volontaire, générale, constante et licite ; qu'en l'espèce, par lettre du 10 avril 2003, la société Esterra avait informé le syndicat CFTC de ce que la désignation par ce syndicat d'un second représentant au comité d'entreprise était irrecevable comme contraire aux dispositions de l'article L. 433-1 du Code du travail selon lesquelles chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ne peut désigner qu'un seul représentant au comité d'entreprise ; que dès la première désignation litigieuse, la société Esterra n'avait accepté ni expressément ni tacitement qu'un syndicat représentatif désigne un second représentant au comité d'entreprise ; qu'en retenant, en dépit des termes de la lettre de la société Esterra du 10 avril 2003 manifestant l'opposition de cette société à la désignation d'un représentant syndical supplémentaire au comité d'entreprise, et en l'absence de tout caractère volontaire de la prétendue pratique patronale invoquée, qu'un usage aurait été instauré au sein de la société Esterra permettant la désignation d'un second représentant au comité d'entreprise, le tribunal d'instance a violé l'article 1134 du Code Civil ainsi que les articles L. 412-17, L. 412-2& et L. 433-1 du Code du travail ;

Mais attendu que le principe constitutionnel d'égalité, que le juge doit appliquer, interdit à l'employeur de refuser la désignation d'un second représentant syndical au comité d'entreprise par un syndicat représentatif au motif qu'il en a déjà désigné un, dès lors qu'il a accepté la désignation dans les mêmes conditions d'un second représentant syndical au comité d'entreprise par un autre syndicat représentatif ;

D'où il suit que, abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif à l'existence d'un usage, la décision, qui a constaté que l'employeur avait accepté la désignation d'un représentant syndical supplémentaire pour deux autres syndicats représentatifs, se trouve ainsi légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Esterra à payer au syndicat Force ouvrière la somme de 1 000 euros et rejette la demande du syndicat CFDT ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille cinq.