Cass. soc., 24-11-2004, n° 02-46.988, inédit, Rejet



SOC.PRUD'HOMMESI.K.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 24 novembre 2004

Rejet

Mme MAZARS, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président

Arrêt n° 2321 F D

Pourvoi n° R 02-46.988

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société Dépêche du Midi, société anonyme, dont le siège est Toulouse,

en cassation d'un arrêt rendu le 4 octobre 2002 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, chambre sociale), au profit de Mme Ginette Y, demeurant Toulouse,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 octobre 2004, où étaient présents Mme Mazars, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, Mme Quenson, M. Blatman, conseillers, Mmes Bourgeot, Auroy, conseillers référendaires, M. Foerst, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mazars, conseiller, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de la société Dépêche du Midi, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de Mme Y, les conclusions de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens, réunis

Attendu que Mme Y a été engagée le 24 septembre 1982 par la société Dépêche du Midi en qualité de journaliste grand reporter selon lettre d'engagement contenant la clause suivante "Vous êtes rattachée au service de la rédaction locale de Toulouse (...).Toutefois cette affectation n'est pas définitive et nous pourrons être amenés, conformément aux usages de la profession et à notre règlement intérieur, si les besoins du service l'exigeaient ou pour une meilleure utilisation de vos compétences, à vous muter dans un autre de nos services rédactionnels à Toulouse, ou même dans une de nos agences départementales." ; qu'ayant été licenciée pour faute grave, le 11 septembre 2000, pour avoir refusé sa mutation à la rédaction de l'agence de Rodez, la journaliste a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 octobre 2002) de l'avoir condamné à payer à Mme Y diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen

1°/ que constitue un accord précis sur les conditions de mutation d'un journaliste au sens de l'article 20 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 la clause du contrat de travail stipulant "conformément aux usages de la profession et à notre règlement intérieur, si les besoins du service l'exigeaient ou pour une meilleure utilisation de vos compétences (nous pourrions être amenés à vous muter) dans un autre de nos services rédactionnels à Toulouse, ou même dans une de nos agences départementales" ; qu'en annulant cette clause, la cour d'appel a violé la disposition précitée de la convention collective ;

2°/ qu'il incombe au salarié qui invoque une mise en oeuvre discrétionnaire et abusive d'une clause de mobilité par son employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, d'en rapporter la preuve ; qu'en relevant, pour justifier le refus de Mme Y de se soumettre à cette clause, qu'il n'est établi aucune raison de cette mutation dans l'intérêt de l'entreprise et que n'apparaissait pas l'utilité de l'emploi d'un journaliste grand reporter à Rodez, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 122-14-3 du Code du travail et 1315 du Code civil ;

3°/ que la mise en oeuvre de la clause de mobilité insérée au contrat de travail d'un salarié ressortit au pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en retenant, pour juger abusive la mise en oeuvre de la clause de mobilité figurant au contrat de travail de Mme Y que "n'apparaissait pas l'utilité (à Rodez) de l'emploi d'une qualification aussi élevée que celle de grand reporter", la cour d'appel a méconnu le pouvoir de direction de l'employeur en violation de l'article L. 122-4 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'en imposant brutalement et sans raison, à la journaliste âgée de 62 ans et employée depuis 18 ans à la rédaction de Toulouse, une affectation qui impliquait un changement de lieu de travail et de résidence sans lui donner d'informations précises sur ses futures fonctions, la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur avait mis en oeuvre la clause de mobilité de façon discrétionnaire et abusive, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dépêche du Midi aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Dépêche du Midi à payer à Mme Y la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille quatre.